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Géolocalisation : les députés doivent corriger la loi de programmation militaire

À l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la géolocalisation [1] par la commission des lois de l’Assemblée nationale, les députés Sergio Coronado et Lionel Tardy proposent de revenir sur certains points de l’article 20 de la loi de programmation militaire [2]. La Quadrature du Net appelle l’ensemble des parlementaires à saisir cette opportunité de revenir sur les dispositions adoptées au mois de décembre, et ce afin de répondre aux nombreuses inquiétudes exprimées par les citoyens et d’en protéger les droits fondamentaux.

Déposé dans l’urgence en décembre 2013 par Christiane Taubira, ministre de la Justice, le projet de loi sur la géocalisation a pour objectif d’encadrer plus rigoureusement la procédure de géolocalisation judiciaire, considérée [3] par la Cour de cassation comme une ingérence illicite dans la vie privée des citoyens. Adoptée dans sa version actuelle, cette loi limiterait le recours à la géolocalisation par les services de police aux seules enquêtes et instructions portant sur des infractions punies d’au moins trois ans d’emprisonnement [4], et la soumettrait à l’autorisation du procureur de la République, ou à celle d’un juge si ces mesures durent plus de huit jours.

Bien que perfectible, ce texte est surtout l’occasion d’ouvrir un débat plus urgent, sur les dangereuses ambiguïtés de la loi de programmation militaire, puisqu’il porte précisément sur l’encadrement des procédures de géolocalisation. Les députés Sergio Coronado (ECOLO) et Lionel Tardy (UMP) ont ainsi déposé deux amendements (n°CL16 [5] et n°CL1 [6]) proposant de corriger la définition trop vague des données visées par l’article 20 de la loi de programmation militaire, portant justement sur les mesures administratives de géolocalisation. Actuellement, la rédaction de cet article [7] autorise l’administration à intercepter les données de connexion (identité des correspondants, lieux, date et durée) des communications, leur contenu, ainsi que tout document stocké en ligne, et ce pour des finalités très larges et avec un contrôle bien trop faible.

L’amendement déposé par Sergio Coronado propose de lever toute ambiguïté sur cette définition afin qu’elle ne recouvre plus que les données de connexion. En effet, Jean-Jacques Urvoas, président de la commission de lois de l’Assemblée nationale [8] et membre de la CNCIS [9], avait vigoureusement défendu la loi de programmation militaire, en répondant aux nombreuses critiques exprimées par la société civile que l’article 20 ne concernait que les données de connexion [10]. Cet amendement sera débattu aujourd’hui au sein de la commission des lois de l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi géolocalisation. La Quadrature du Net invite l’ensemble de la commission à se saisir de cette opportunité pour corriger l’ambiguïté de l’article 20, et s’assurer que la lettre de la loi corresponde sans équivoque à l’intention du législateur, telle que l’a définie à plusieurs reprises le président de cette commission Jean-Jacques Urvoas.

« Au cours des débats sur la loi de programmation militaire, le président Urvoas n’a eu de cesse d’affirmer que seule l’interception de données de connexion était en jeu. Il a aujourd’hui l’occasion de corriger certains points ambigüs de cette loi, afin de la faire correspondre aux intentions qu’il a régulièrement exprimées. Mais au-delà de cette question, l’ensemble des parlementaires devrait considérer ce projet de loi comme une opportunité de revenir sur les nombreuses autres dérives de l’article 20 de la loi de programmation militaire, qu’il s’agisse de ses finalités trop nombreuses et trop vagues, ou de l’absence d’encadrement satisfaisant à la surveillance administrative » déclare Benjamin Sonntag, cofondateur de La Quadrature du Net.

* Références *
1. http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/geolocalisation.asp
2. https://www.laquadrature.net/fr/lpm-promulguee-la-derive-du-politique-vers-la-surveillance-generalisee
3.http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028116556&fastPos=1
4.  Plus précisément, pour l’enquête et l’instruction relative à « un crime ou à un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans ou, s’il s’agit d’un délit [contre les personnes], d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à trois ans ».
5. http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/1717/CION_LOIS/CL16.asp
6. http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/1717/CION_LOIS/CL1.asp
7. Article 20 de la loi de programmation militaire : « […] peut être autorisé le recueil, auprès des opérateurs de communications électroniques […], des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques, y compris les données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l’ensemble des numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne désignée, à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu’aux communications d’un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications ».
8. À ce titre, Jean-Jacques Urvoas a joué un rôle actif dans la préparation de la loi de programmation militaire : https://www.laquadrature.net/fr/canardenchaine-la-feroce-appetit-du-service-de-renseignement-interieur
9. La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité est l’organisation chargée de contrôler certaines pratiques de surveillance instaurées par la loi de programmation militaire.
10. Lors des débats ayant eu lieu pendant et après le vote de la loi, Jean-Jacques Urvoas expliquait par exemple que « l’article 13 permet non une interception de contenu, mais le recueil des données techniques de connexion » (Source : http://www.lepoint.fr/editos-du-point/jean-guisnel/urvoas-pas-de-blanc-seing-octroye-aux-services-de-renseignements-10-12-2013-1767128_53.php)