La convention sur la cybercriminalité adoptée par l’onu

La Convention sur la cybercriminalité, approuvée par l’Assemblée générale des Nations unies après cinq années de négociations, marque un tournant majeur dans la coopération internationale. Adoptée par consensus, elle vise à mieux coordonner la lutte contre les délits informatiques. Désormais, les 193 États membres devront ratifier ce texte pour le rendre pleinement effectif.

Cette Convention, qui entrera en vigueur 90 jours après sa ratification par un nombre suffisant de pays, est conçue pour harmoniser les définitions d’infractions liées à la cybercriminalité et faciliter les enquêtes transfrontalières. Les délits informatiques, allant du vol de données à la fraude en ligne, pèsent déjà plusieurs trillions de dollars sur l’économie mondiale. L’accord propose un cadre inédit pour l’échange de preuves électroniques, la collaboration judiciaire et la mise en place de mécanismes de prévention. Les organisations internationales, dont le Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), saluent cet effort historique, tout en reconnaissant les interrogations que suscite l’absence de garanties explicites sur la confidentialité et les libertés fondamentales. De grands acteurs de la technologie ainsi que des défenseurs des droits humains redoutent en effet des abus potentiels, en particulier si certains gouvernements utilisent ce traité pour renforcer leurs dispositifs de surveillance ou réprimer la société civile.

Un cadre juridique inédit

La Convention contre la cybercriminalité, élaborée à l’initiative de l’Assemblée générale de l’ONU, se veut la réponse la plus complète à ce jour face à la menace grandissante des crimes informatiques. Depuis plusieurs années, la complexité des enquêtes numériques pose de nombreux défis aux forces de l’ordre, qui peinent à appréhender des individus exploitant le caractère transfrontalier d’internet. Les États cherchaient un texte universel allant plus loin que la Convention de Budapest, jugée insuffisamment mondiale ou inadaptée pour ceux qui ne l’avaient pas signée.

Adoptée sans vote formel, la Convention actuelle reflète la volonté commune d’offrir un socle de règles partagées. Les gouvernements espèrent limiter l’existence de « paradis numériques » où les cybercriminels opèrent sans crainte, en profitant de législations nationales floues ou d’un manque de coopération internationale. Le nouveau traité définit ainsi une liste d’infractions — piratage de réseaux, phishing, diffusion de rançongiciels, blanchiment d’argent en ligne, entre autres — et suggère des standards minimaux pour l’échange de données entre autorités compétentes.

Le volet « coopération judiciaire » est au cœur de cet accord : les services d’enquête peuvent désormais réclamer de l’aide à leurs homologues étrangers afin d’obtenir des informations cruciales, comme l’identification de titulaires de comptes, l’accès aux adresses IP ou la récupération de données situées sur des serveurs hors de leurs frontières. Cette approche se veut rapide et efficace, dans un monde où chaque minute compte pour identifier les responsables de cyberattaques ou de fraudes en ligne.

Les négociateurs ont insisté sur des mécanismes devant garantir que l’entraide judiciaire respecte le droit interne de chaque pays et ne viole pas ses impératifs de sécurité nationale. Une clause permet à un État de refuser une demande de coopération s’il estime qu’elle contrevient à ses obligations constitutionnelles ou qu’elle risque de porter atteinte à ses intérêts fondamentaux. Pour les promoteurs de la Convention, ce dispositif constitue un garde-fou essentiel, même si les organisations de défense des libertés estiment qu’il pourrait se révéler insuffisant face à des usages abusifs.

L’UNODC, par la voix de sa directrice exécutive, Ghada Waly, a souligné l’importance de ce cadre mondial : les pays victimes de cyberattaques n’auront plus à se lancer dans des tractations longues et fastidieuses. L’idée est d’harmoniser le plus possible les incriminations, les procédures et la collecte de preuves, tout en proposant un accompagnement technique et logistique aux États qui manquent de ressources. Les Nations unies espèrent ainsi combler le déséquilibre qui rend certains territoires vulnérables, faute de moyens technologiques pour mettre en place des pare-feu, des logiciels de détection de malwares ou des équipes spécialisées en cyberenquête.

Les cybermenaces évoluent rapidement, et le traité inclut la possibilité de réviser régulièrement la liste des infractions couvertes, afin de tenir compte des nouvelles tendances criminelles. Avec l’essor fulgurant des ransomwares et la sophistication croissante des logiciels espions, les États se retrouvent parfois dépassés. Des groupes criminels organisés, voire des entités sponsorisées par certains régimes, orchestrent des attaques massives qui perturbent des secteurs entiers : hôpitaux, banques, infrastructures énergétiques ou systèmes gouvernementaux. Les experts soulignent que sans collaboration formalisée, les criminels exploitent les failles légales, passant d’une juridiction à l’autre pour brouiller les pistes.

Au-delà de la répression, le traité encourage des initiatives de prévention et d’éducation. Les gouvernements sont appelés à lancer des campagnes de sensibilisation, en expliquant aux citoyens comment repérer un mail suspect, protéger leurs mots de passe, sauvegarder leurs données et vérifier l’authenticité des sites web qu’ils consultent. Cet aspect préventif est jugé crucial pour réduire la surface d’attaque, car la vigilance des internautes et des entreprises demeure la première barrière contre les cyberfraudeurs.

La cérémonie de signature solennelle, prévue à Hanoi en 2025, symbolisera l’entrée dans une nouvelle ère. Une fois qu’un nombre suffisant d’États auront ratifié la Convention, ses dispositions deviendront juridiquement contraignantes pour tous les signataires, dans un délai de 90 jours. Les observateurs espèrent que cette dynamique poussera les pays à mettre à jour leurs lois internes, afin de mieux protéger leurs citoyens et de répondre efficacement aux requêtes étrangères.

Les partisans de cette Convention estiment qu’elle permettra de mieux repérer et poursuivre les individus qui se cachent derrière des attaques d’ampleur mondiale. Ils avancent que la collaboration formelle réduira les réticences politiques à transmettre des preuves, rendant plus complexes les stratégies d’anonymisation. Cependant, tout dépendra de la sincérité avec laquelle les gouvernements mettront en place ce nouveau cadre, et surtout de leur capacité à concilier lutte contre la criminalité et préservation des droits fondamentaux.

Des inquiétudes persistantes

Malgré la portée historique de ce traité, nombre d’organisations de la société civile et de groupes de défense des droits humains n’ont pas caché leur profonde préoccupation. Depuis la première ébauche de texte, en août 2023, plusieurs voix ont mis en garde contre des risques de dérive. Les critiques s’appuient sur le fait que la Convention n’inclut pas de langage clairement contraignant en matière de protection de la vie privée ou de liberté d’expression. Certains militants redoutent que des gouvernements autoritaires puissent la brandir pour renforcer leurs mécanismes de censure ou de surveillance.

Des sociétés technologiques majeures, regroupées au sein du Cybersecurity Tech Accord, ont également manifesté des réserves. Microsoft, Meta, Oracle ou encore Cisco craignent que la Convention ne serve à poursuivre des chercheurs en cybersécurité pour des motifs fallacieux. La ligne entre la découverte de vulnérabilités à des fins d’amélioration de la sécurité et l’intrusion illégale peut devenir floue si des gouvernements décident de qualifier la recherche de « piratage criminel ». Sans dispositions protectrices, cette inquiétude demeure vive dans l’industrie.

Les experts redoutent aussi que la Convention devienne un prétexte pour exiger l’accès à des données confidentielles, sans garanties suffisantes. Les plateformes hébergeant des services en ligne pourraient se retrouver contraintes de communiquer des informations sensibles à des autorités étrangères, y compris sur des utilisateurs innocents ou des opposants politiques. Le fait que le texte permette à un État de refuser une demande en cas de doute ne rassure qu’en partie. Dans la pratique, des pressions diplomatiques pourraient survenir, et certains pays pourraient accepter de transmettre des données pour maintenir de bonnes relations bilatérales.

Au sein des Nations unies, des responsables défendent la Convention en soulignant que de nombreux traités antérieurs contre la criminalité transnationale n’évoquaient pas non plus explicitement la question des droits humains, mais comprenaient des clauses générales renvoyant aux autres obligations internationales. Selon cette approche, les États demeurent liés par la Charte de l’ONU, la Déclaration universelle des droits de l’homme et les pactes relatifs aux droits civils et politiques. Ils estiment donc que la Convention cybercriminelle ne saurait justifier une violation flagrante de ces principes.

Certains gouvernements occidentaux se montrent partagés. L’administration américaine, après avoir hésité, a finalement soutenu le traité en arguant qu’il valait mieux participer à la rédaction pour en influencer le contenu et maintenir la possibilité d’amendements ultérieurs. Des parlementaires démocrates ont exprimé leurs réticences dans une lettre adressée à la Maison-Blanche, soulignant l’insuffisance de garanties portant sur la liberté d’expression et la nécessité de mieux encadrer l’intelligence artificielle pour éviter tout détournement répressif.

La question des responsabilités et des sanctions demeure cruciale. Comment faire en sorte qu’un État abuse de la Convention en toute impunité ? Les promoteurs du traité invoquent des mécanismes informels de pression diplomatique et l’attention des médias internationaux, qui pourraient dénoncer un usage disproportionné de l’accord à des fins de répression. Pourtant, l’absence d’une instance de surveillance indépendante dans ce dispositif préoccupe de nombreux militants, qui y voient la possibilité que des dérives passent sous silence.

Dans ce contexte, certaines organisations non gouvernementales prévoient de surveiller de près la mise en œuvre de la Convention. Elles entendent récolter des témoignages, compiler des données sur les demandes d’assistance transfrontalières et publier des rapports annuels pour mettre en lumière d’éventuels abus. Des initiatives similaires avaient été menées dans le passé autour de la Convention de Budapest, mais leur succès restait limité aux pays européens. Avec un texte désormais global, la tâche s’annonce plus complexe, puisqu’il faudra couvrir des juridictions très différentes.

Les inquiétudes se manifestent également sur la question du secret commercial et de la propriété intellectuelle. Dans un monde où la concurrence technologique est très forte, des entreprises craignent qu’un gouvernement exige, au nom de la lutte contre la cybercriminalité, l’accès à des codes sources, des algorithmes propriétaires ou des bases de données confidentielles. L’évolution rapide de l’intelligence artificielle soulève des enjeux inédits : un algorithme conçu pour la cybersécurité peut-il être considéré comme dangereux si un État estime qu’il facilite l’évasion numérique d’opposants ?

Les représentants onusiens ont tenté de rassurer en assurant que toute demande devrait être liée à une affaire criminelle précise, et que la Convention n’autorise pas la saisie de technologies ou de savoir-faire sans lien direct avec une enquête. Toutefois, l’expérience montre que la notion de « lien direct » reste sujette à interprétation. Lorsque la souveraineté et les intérêts nationaux s’en mêlent, la frontière entre un usage légitime du traité et une instrumentalisation politique peut se révéler ténue.

Malgré tout, le traité suscite un certain espoir : plusieurs pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine ont indiqué leur volonté de se doter rapidement des outils nécessaires, tels que des laboratoires d’investigation numérique, des équipes spécialisées dans les rançongiciels ou la lutte contre l’exploitation en ligne. Certains États envisagent même des partenariats public-privé pour développer des centres de formation en cybersécurité. La Convention pourrait donc servir de catalyseur pour faire émerger un écosystème de compétences autour de la protection numérique, bénéfique au grand public comme au secteur économique.

Des perspectives d’avenir

Le véritable impact de la Convention contre la cybercriminalité dépendra de sa ratification et surtout de son application concrète. Chaque État devra transposer les dispositions dans son droit interne, mettre en place des procédures claires pour répondre aux demandes de coopération et garantir que les investigations menées sur son territoire respectent les principes fondamentaux de proportionnalité et de nécessité.

Les experts s’accordent à dire que la plus grande réussite de ce traité pourrait être sa capacité à renforcer la confiance internationale dans le cyberespace. En offrant un cadre de référence commun pour qualifier et poursuivre les délits informatiques, il peut réduire le risque de frictions politiques liées à des accusations mutuelles de piratage. Dans un monde où les tensions géopolitiques se cristallisent souvent autour de la question des intrusions numériques, l’existence de canaux de dialogue encadrés pourrait limiter les escalades et faciliter la diffusion d’informations fiables.

Les pays en développement, souvent en première ligne face à la cybercriminalité sans disposer des moyens nécessaires pour y faire face, aspirent à ce que la Convention leur apporte un véritable soutien technique. Les transferts de connaissances, la formation d’experts locaux, l’obtention de logiciels de détection ou de traçage des cyberattaques constituent autant d’éléments essentiels. L’ONU promet des programmes d’accompagnement, afin que le cyberespace ne demeure pas un terrain de jeu pour les seules économies puissantes.

La dimension économique ne saurait être négligée. Chaque année, les escroqueries, vols de données et sabotages informatiques pèsent lourdement sur les entreprises de toutes tailles. De grandes multinationales investissent déjà massivement dans la sécurité informatique, mais les PME et les infrastructures publiques sont plus vulnérables. En adoptant le traité, les gouvernements espèrent rassurer les investisseurs et les consommateurs, qui pourraient percevoir dans cette coordination internationale un gage de stabilité. Les interactions commerciales gagneraient en fluidité, sachant que le risque de fraude ou de vol de propriété intellectuelle est l’une des craintes majeures dans le commerce numérique transfrontalier.

Sur le plan diplomatique, la Convention ouvre une brèche pour des discussions plus approfondies sur la gouvernance d’internet. De nombreuses voix plaident pour un internet libre et ouvert, tandis que d’autres estiment nécessaire de renforcer les contrôles afin de lutter contre le cybercrime. Entre ces deux pôles, la Convention cherche un équilibre, mais il est probable que les négociations futures, ou les protocoles additionnels, réexaminent la question de la censure et de la surveillance. Certains estiment que seule une instance internationale permanente, chargée de superviser la bonne application du traité, pourrait répondre aux craintes de dérive.

L’harmonisation juridique doit aussi composer avec les spécificités culturelles et législatives. Les notions de diffamation, d’incitation à la haine ou même de pornographie diffèrent selon les pays. Certaines régulations, acceptables dans une société, pourraient être perçues comme liberticides ailleurs. Les ONG rappellent que, sans garde-fous, le champ du cybercrime pourrait s’étendre à des formes d’expression légitimes, visées par des gouvernements souhaitant étouffer la contestation.

Des entités comme Access Now, Privacy International ou Reporters sans frontières comptent poursuivre leur travail de plaidoyer, exigeant plus de transparence dans la mise en œuvre du traité. Par exemple, elles souhaitent que chaque demande d’information transfrontalière fasse l’objet d’un registre accessible à des organismes indépendants, chargés de vérifier si les enquêtes respectent les principes de droit. Une telle transparence diminuerait le risque de persécution politique ou religieuse déguisée en poursuite pour cybercrime.

L’innovation technologique, moteur de transformations rapides, risque de soulever de nouvelles questions quant à l’adaptabilité de la Convention. L’essor de l’intelligence artificielle générative, capable de créer du contenu trompeur ou de simuler des identités, pourrait conduire à la multiplication de fraudes sophistiquées. L’internet des objets (IoT) accroît la surface d’attaque, tandis que la 5G et la 6G offriront des débits plus élevés mais aussi des risques accrus si la sécurité n’est pas intégrée dès la conception des infrastructures. Les futurs protocoles additionnels, déjà évoqués dans l’architecture du traité, permettront d’ajuster en continu les champs d’action, selon les nouvelles menaces détectées.

La tenue de conférences internationales de suivi, tous les deux ou trois ans, est également prévue. Elles permettront aux parties signataires de partager leur retour d’expérience, d’évaluer l’efficacité des dispositions et, si nécessaire, de proposer des réformes. Les débats y seront certainement animés, car la cybercriminalité se retrouve à l’intersection de multiples problématiques : économie, droits humains, souveraineté, innovation, sécurité. Le succès de la Convention dépendra de la qualité du dialogue et de la volonté de parvenir à des compromis respectant à la fois la sécurité et la liberté.

La Russie, qui a introduit la résolution initiale en 2019, a promis de « coopérer pleinement » pour faire de la Convention un instrument efficace. Certains observateurs restent cependant prudents, rappelant que l’adoption du traité ne dissipe pas automatiquement les tensions géopolitiques. Les actions concrètes de chacun des 193 États membres détermineront la portée réelle de l’accord. Le texte consacre un certain nombre de principes, mais leur traduction dans la pratique requiert un effort continu, tant au niveau des gouvernements que des acteurs privés.

Enfin, le rôle des médias ne doit pas être négligé. Les journalistes spécialisés en cybersécurité, les magazines technologiques et les plateformes en ligne diffuseront régulièrement des analyses et des éclairages sur l’évolution de la Convention. L’opinion publique, de plus en plus sensible aux questions de vie privée et de sécurité, influencera l’acceptation ou la contestation de ce traité. Les États sauront qu’en cas d’abus, l’information risque de se propager très vite, exposant leur réputation à l’échelle mondiale.

Ainsi, la Convention sur la cybercriminalité présente un potentiel considérable pour endiguer la vague grandissante de délits informatiques. Elle apporte un cadre de travail commun, dessine une feuille de route pour la coopération judiciaire et promeut une éducation cybernétique plus développée. Toutefois, l’issue dépendra des choix politiques qui seront faits pour défendre les libertés individuelles, garantir la transparence et maintenir la confiance des citoyens dans un internet de plus en plus central dans la vie quotidienne.

La Convention sur la cybercriminalité, fruit d’un consensus international, marque une avancée significative dans la lutte contre les infractions numériques. En adoptant une approche coordonnée à l’échelle mondiale, les États espèrent tarir les réseaux de cybercriminels qui profitent de failles légales et de frontières peu adaptées à la réalité d’internet. L’harmonisation des législations, la facilitation de la coopération judiciaire et la mise en place de mécanismes de prévention sont autant d’éléments qui renforcent l’idée d’une réponse collective et cohérente.

Néanmoins, les préoccupations liées à la protection des droits fondamentaux et à la vie privée demeurent. L’absence de garde-fous explicites contre les dérives autoritaires ou les abus de surveillance interroge de nombreux observateurs. L’avenir du traité dépendra donc de la volonté réelle des gouvernements d’implémenter ses dispositions dans un esprit de transparence et de respect des libertés. Les mécanismes de contrôle, la pression diplomatique et l’implication des ONG seront essentiels pour éviter toute instrumentalisation.

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2025 : évolutions réglementaires européennes en matière de lutte contre la criminalité financière

2025 marquera une étape majeure dans l’évolution des réglementations européennes sur la criminalité financière, l’identité numérique et la résilience opérationnelle. Ces changements exigeront une planification minutieuse de la part des institutions financières, tant au sein de l’Union européenne qu’ailleurs, pour se conformer aux nouvelles exigences.

L’Union européenne se prépare à instaurer en 2025 des réformes de grande ampleur visant à moderniser son cadre réglementaire en matière de lutte contre la criminalité financière et de renforcement des pratiques de sécurité. Parmi les évolutions notables, on trouve la mise en place de l’Autorité de lutte contre le blanchiment d’argent (AMLA), l’entrée en vigueur de nouvelles directives comme la 6AMLD, ainsi que des révisions du cadre d’identification électronique et de résilience numérique. Ces modifications visent à harmoniser les pratiques entre les États membres, à combler les lacunes existantes et à anticiper les risques émergents. L’impact de ces mesures s’étendra également aux entreprises basées hors UE, qui devront s’adapter pour rester compétitives dans un environnement international de plus en plus exigeant.

Une réforme structurelle pour combattre la criminalité financière

La mise en place de l’AMLA et la directive 6AMLD

La création de l’Autorité de lutte contre le blanchiment d’argent (AMLA) représente une étape décisive pour centraliser les efforts dans la lutte contre la criminalité financière. Prévue pour entrer en fonction le 1er juillet 2025, cette agence supervisera directement une quarantaine d’institutions financières (IF) jugées à haut risque, principalement celles ayant des opérations transfrontalières. Elle harmonisera les règles de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) et le financement du terrorisme (CFT) à travers l’UE en introduisant un cadre unique de régulation (AMLR).

Parallèlement, la sixième directive sur le blanchiment d’argent (6AMLD) viendra renforcer les mécanismes de diligence raisonnable (KYC) et étendra la liste des entités concernées aux secteurs émergents, tels que les cryptoactifs, les clubs de football professionnels et les marchands de biens de luxe. De plus, elle limitera les paiements en espèces à 10 000 euros et imposera une meilleure transparence sur les propriétés bénéficiaires.

Les implications pour les entreprises financières

Les entreprises financières devront revoir leurs procédures de diligence raisonnable pour inclure des exigences renforcées, notamment pour les transactions impliquant des pays tiers à haut risque ou des clients fortunés. En outre, l’utilisation de processus automatisés, bien que permise, devra inclure une supervision humaine significative afin de garantir la conformité. Ces changements demanderont des investissements technologiques substantiels pour intégrer de nouveaux outils de surveillance et de reporting.

Bénéfices attendus

La création d’un cadre réglementaire harmonisé réduira les disparités entre les États membres, facilitant ainsi la coopération transfrontalière. Cela permettra non seulement de combler les lacunes juridiques qui ont longtemps été exploitées par les criminels, mais également de renforcer la confiance des consommateurs dans le système financier européen.

La numérisation au service de la résilience et de la transparence

eIDAS2 : vers une identité numérique européenne

La révision du cadre eIDAS (Electronic Identification, Authentication and Trust Services) est une étape majeure pour répondre aux besoins croissants en matière d’identité numérique. L’eIDAS2 introduit un portefeuille européen d’identité numérique (EUDI Wallet), qui permettra aux citoyens et aux entreprises de stocker et de partager leurs attributs d’identité de manière sécurisée. Ce portefeuille pourra inclure des documents tels que les cartes d’identité, les permis de conduire et les informations bancaires.

Dès 2025, les premiers portefeuilles devraient être disponibles, et les institutions financières devront s’adapter pour accepter ce moyen d’authentification d’ici 2027. En intégrant ces portefeuilles dans leurs processus d’intégration (onboarding), les institutions pourront simplifier leurs procédures tout en réduisant les risques de fraude.

Les limites et opportunités

Malgré ses avantages, l’eIDAS2 présente certaines limites, notamment l’absence d’éléments de preuve physique, comme les selfies ou les informations sur les appareils, qui sont souvent exigés par les régulateurs. Les entreprises devront combiner cette nouvelle solution avec leurs outils existants pour garantir une conformité complète aux exigences AML.

DORA : un cadre pour la résilience numérique

Adopté en 2022, le Digital Operational Resilience Act (DORA) vise à renforcer la résilience numérique des institutions financières. Ce règlement impose des exigences strictes en matière de gestion des risques liés aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Les entreprises devront non seulement évaluer leurs fournisseurs de services TIC, mais également mettre en place des plans de continuité et réaliser des tests réguliers.

En cas de non-conformité, les sanctions seront élevées, ce qui incitera les entreprises à investir dans des infrastructures robustes et sécurisées. Cela inclut l’évaluation des fournisseurs critiques, tels que les services de vérification d’identité, les outils de détection des fraudes et les fournisseurs de cloud.

Face à ces réformes ambitieuses, les institutions financières doivent adopter une approche proactive pour identifier les écarts dans leurs pratiques actuelles, former leurs équipes et revoir leurs processus technologiques. Ces efforts permettront de répondre efficacement aux défis réglementaires, tout en restant compétitives dans un environnement en mutation rapide.

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ChatGPT comme moteur de recherche : une révolution fragile face aux abus

ChatGPT, désormais doté de capacités de recherche en ligne, ouvre de nouvelles possibilités aux utilisateurs, mais révèle aussi des failles significatives. Ses vulnérabilités à la manipulation mettent en lumière les défis que doivent relever les modèles d’intelligence artificielle face aux abus.

Depuis l’ouverture de ses fonctionnalités de recherche à tous les utilisateurs, ChatGPT s’est positionné comme un assistant innovant dans le domaine des requêtes en ligne. Cependant, ce nouvel usage n’est pas exempt de risques. Les chercheurs en cybersécurité ont démontré que le chatbot peut être trompé par des techniques comme l’injection de stimuli (prompt injection), qui exploitent sa confiance en l’information fournie. Cette faille permet de manipuler ses réponses pour promouvoir des produits douteux ou diffuser des contenus potentiellement dangereux. Bien que prometteur, le système reste vulnérable, notamment face aux tactiques employées par des acteurs malveillants.

Un chatbot vulnérable à l’injection de stimuli

L’une des principales failles de ChatGPT en tant que moteur de recherche réside dans sa capacité à interpréter et à répondre aux instructions dissimulées. Cette technique, connue sous le nom de prompt injection, permet à un tiers de contrôler indirectement les réponses du chatbot. En intégrant des instructions dans des textes invisibles ou peu visibles sur une page web, les manipulateurs peuvent orienter les résultats générés par ChatGPT.

Par exemple, un site frauduleux peut afficher de faux avis positifs sur un produit en masquant ces commentaires dans le code HTML de la page. Lorsque ChatGPT consulte ce site, il interprète ces avis comme authentiques, ce qui influence sa réponse lorsqu’un utilisateur pose une question sur le produit. Pire encore, si une instruction cachée oblige le modèle à toujours promouvoir un produit, même en présence d’avertissements légitimes, le chatbot obéira sans évaluer les risques.

Cette vulnérabilité n’est pas propre à ChatGPT, mais elle illustre les limites des grands modèles de langage. Comme l’explique Karsten Nohl, expert chez Security Research Labs, ces modèles « sont très crédules, presque comme des enfants ». Leurs vastes capacités de mémoire et leur absence de subjectivité les rendent particulièrement sensibles à la désinformation dissimulée.

L’absence d’expérience face à un défi de taille

En tant que nouvel acteur dans le domaine de la recherche en ligne, ChatGPT souffre d’un manque d’expérience comparé aux moteurs traditionnels comme Google. Ce dernier a développé, au fil des années, des mécanismes sophistiqués pour ignorer les contenus cachés ou les reléguer en bas des résultats. ChatGPT, de son côté, n’a pas encore acquis cette capacité d’analyse critique, le rendant vulnérable aux pages web manipulées.

Les experts soulignent que cette limitation est aggravée par l’absence de filtres robustes pour distinguer les contenus fiables des contenus frauduleux. Contrairement à un moteur de recherche classique, ChatGPT ne hiérarchise pas les résultats en fonction de critères de fiabilité, mais s’appuie sur les données accessibles au moment de la requête. Cela le rend particulièrement sensible aux stratégies malveillantes visant à manipuler son processus décisionnel.

L’impact potentiel de ces failles

Les vulnérabilités de ChatGPT posent des risques significatifs pour les utilisateurs et les entreprises. À court terme, elles peuvent être exploitées pour promouvoir des produits contrefaits, diffuser de la désinformation ou même fournir des instructions nuisibles. Par exemple, un utilisateur cherchant des informations sur un médicament ou une technologie pourrait recevoir des recommandations basées sur des informations manipulées, mettant en danger sa sécurité ou celle de son entreprise.

À long terme, ces failles pourraient éroder la confiance dans les systèmes d’intelligence artificielle. Si les utilisateurs commencent à percevoir ChatGPT comme peu fiable, cela pourrait ralentir l’adoption de ces technologies dans des secteurs critiques, tels que la santé, la finance ou l’éducation.

Vers une intelligence artificielle plus résiliente

Pour surmonter ces défis, les développeurs d’OpenAI doivent renforcer la capacité de ChatGPT à détecter et ignorer les contenus manipulés. Cela pourrait inclure des algorithmes plus avancés pour analyser les sources, des protocoles pour limiter l’influence des contenus cachés et une transparence accrue sur la manière dont le chatbot sélectionne ses réponses.

Cependant, la responsabilité ne repose pas uniquement sur OpenAI. Les utilisateurs doivent être sensibilisés aux limites des modèles d’intelligence artificielle et adopter une approche critique lorsqu’ils interprètent les réponses fournies. Comme le souligne Karsten Nohl, il est essentiel de ne pas prendre les résultats générés par ces modèles « pour argent comptant ».

Conclusion : une technologie prometteuse à perfectionner

ChatGPT en tant que moteur de recherche représente une avancée significative, mais ses vulnérabilités actuelles rappellent que l’intelligence artificielle reste une technologie en développement. Pour éviter les abus et garantir la fiabilité de ses réponses, des efforts supplémentaires sont nécessaires, tant de la part des développeurs que des utilisateurs.

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Une campagne publicitaire malveillante exploite de faux CAPTCHA

Une campagne sophistiquée, nommée « DeceptionAds », utilise de faux CAPTCHA et des commandes PowerShell pour diffuser le malware Lumma Stealer via des réseaux publicitaires légitimes.

Une vaste campagne publicitaire, surnommée « DeceptionAds » par les chercheurs de Guardio Labs et Infoblox, a été détectée. Celle-ci diffuse le malware Lumma Stealer, conçu pour voler des données sensibles telles que mots de passe, cookies, informations bancaires et portefeuilles de cryptomonnaies. Les attaquants, dirigés par un hacker connu sous le pseudonyme « Vane Viper », utilisent des réseaux publicitaires légitimes pour tromper les utilisateurs avec de faux CAPTCHA. Les victimes sont invitées à exécuter des commandes PowerShell malveillantes sous prétexte de prouver qu’elles ne sont pas des bots.

Cette campagne est une évolution des attaques « ClickFix », où les utilisateurs étaient piégés via des pages de phishing, des sites de logiciels piratés, et même des failles GitHub. Avec plus d’un million d’affichages publicitaires par jour, cette attaque souligne les risques croissants liés à l’exploitation des réseaux publicitaires. Découvrez les mécanismes de cette menace et comment vous protéger.

Un fonctionnement ingénieux et trompeur

Les cybercriminels derrière DeceptionAds ont mis en place une stratégie complexe exploitant les réseaux publicitaires pour diffuser leur malware :

Utilisation des réseaux publicitaires légitimes :

La campagne s’appuie sur Monetag, une plateforme de publicité populaire, pour afficher des annonces sur plus de 3 000 sites web, générant plus d’un million d’affichages quotidiens. Les publicités redirigent les utilisateurs vers des pages contenant de faux CAPTCHA, via le service de suivi publicitaire BeMob, souvent utilisé à des fins légales.

Mécanisme de redirection :

Les annonces proposent des offres attractives ou des téléchargements sur des sites de contenu piraté. Après un clic, un script vérifie si l’utilisateur est humain avant de le rediriger vers une page CAPTCHA falsifiée. Cette page contient du JavaScript qui copie discrètement une commande PowerShell malveillante dans le presse-papiers de la victime.

Manipulation des victimes :

Les utilisateurs sont invités à coller et exécuter la commande dans le menu Windows Run pour « résoudre le CAPTCHA ». Cette commande télécharge et installe le malware Lumma Stealer, qui commence immédiatement à collecter des données sensibles.

Exergue 1 : Plus d’un million d’affichages publicitaires quotidiens, générant des milliers d’infections potentielles.

Les impacts de Lumma Stealer : une menace multiforme

Le malware Lumma Stealer est conçu pour voler un large éventail de données sensibles :

Données personnelles et bancaires :

Les cookies, mots de passe, informations bancaires, historiques de navigation et portefeuilles de cryptomonnaies des victimes sont ciblés. Ces données sont ensuite revendues sur le dark web ou utilisées pour des fraudes financières.

Vol de documents sensibles :

Le logiciel collecte également des fichiers texte et PDF contenant des informations confidentielles, qui peuvent être exploitées dans des attaques ciblées ou vendues.

Propagation rapide :

En utilisant des réseaux publicitaires de confiance comme Monetag et des services légitimes comme BeMob, les attaquants ont pu diffuser leur malware à grande échelle. Malgré la fermeture de 200 comptes associés à cette campagne par Monetag et l’arrêt de BeMob en quatre jours, une nouvelle vague d’activité a été détectée le 11 décembre, montrant que les hackers s’adaptent rapidement.

Prévention et enseignements : comment éviter l’infection

Face à des campagnes comme DeceptionAds, quelques mesures peuvent réduire les risques :

Toute demande d’exécution de commandes PowerShell ou autres doit être traitée avec suspicion, surtout lorsqu’elle prétend résoudre un problème ou un CAPTCHA. Les sites de téléchargement illégal collaborent souvent avec des réseaux publicitaires peu sûrs, augmentant le risque d’exposition à des campagnes malveillantes. Les extensions de navigateur comme celles proposées par Guardio Labs peuvent détecter et bloquer les redirections suspectes.

Informer les internautes sur les techniques employées par les hackers, comme les faux CAPTCHA, est crucial pour réduire leur efficacité. Les campagnes de vol de données, comme celle-ci, montrent l’importance de la vigilance en ligne. Elles rappellent également aux entreprises de publicité l’obligation de renforcer leurs processus de modération pour éviter l’exploitation de leurs plateformes par des cybercriminels.

Cette campagne malveillante illustre une nouvelle ère dans l’exploitation des réseaux publicitaires légitimes pour diffuser des malwares. La vigilance des utilisateurs et des entreprises publicitaires est essentielle pour réduire l’impact de ces menaces. Pour suivre les dernières alertes en cybersécurité et obtenir des conseils de protection, abonnez-vous à notre newsletter.