Archives par mot-clé : fsb

Turla et Gamaredon, la collaboration inédite de deux APT russes

Deux cybergroupes affiliés au Kremlin ont été repérés collaborant en Ukraine, une première documentée par des chercheurs.

Pour la première fois, des chercheurs en cybersécurité observe une coopération directe entre Turla et Gamaredon, deux APT russes habituellement distincts. Selon les chercheurs, Gamaredon infecte massivement les machines en Ukraine tandis que Turla sélectionne ensuite les cibles d’intérêt, souvent riches en informations stratégiques. Cette combinaison illustre une coordination cyber offensive pilotée par le renseignement russe, avec des implications majeures pour la sécurité numérique européenne et militaire.

Une alliance inédite repérée en Ukraine

L’éditeur de solution de sécurité informatique ESET a découvert que des appareils de grande valeur en Ukraine présentaient des traces simultanées de malwares issus de Turla et Gamaredon. Dans plusieurs cas, Turla a exploité des machines déjà compromises par Gamaredon. Les chercheurs notent que cette synergie n’est pas fortuite : tous deux travaillent probablement sous l’égide du FSB, l’agence de renseignement russe.

Gamaredon est réputé pour ses attaques massives et peu discrètes. Son objectif consiste à aspirer rapidement un maximum de données sans s’embarrasser de techniques d’effacement. Turla, à l’inverse, est considéré comme l’un des groupes APT les plus sophistiqués au monde. Lié à des attaques contre le Pentagone en 2008, le ministère allemand des Affaires étrangères et l’armée française, il privilégie des cibles réduites mais hautement sensibles, en utilisant notamment l’internet par satellite pour brouiller son origine.

Des rôles complémentaires dans l’espionnage numérique

L’analyse montre que Turla a pu envoyer des commandes à des machines compromises grâce aux accès ouverts par Gamaredon. Ce scénario confirme une chaîne de collaboration où Gamaredon sert de porte d’entrée large et bruyante, tandis que Turla exploite ensuite une sélection restreinte de machines stratégiques. Cette répartition des tâches pourrait accroître l’efficacité globale des opérations du FSB dans la guerre cyber en cours contre l’Ukraine.

La stratégie de Turla repose sur la furtivité et le ciblage fin. Celle de Gamaredon repose sur la prolifération rapide et l’effet de masse. Ensemble, elles permettent à Moscou de combiner collecte massive et exploitation chirurgicale des données sensibles, un schéma rarement observé dans le cyberespace.

Il s’agit de la première preuve tangible d’une coopération directe entre les deux groupes. Ce constat éclaire un mode opératoire plus coordonné des opérations cyber russes. Les chercheurs estiment que Gamaredon compromet des centaines, voire des milliers, d’appareils en Ukraine, tandis que Turla ne s’intéresse qu’aux systèmes contenant des informations critiques.

Une telle collaboration pourrait transformer le rapport de force cyber, en rendant plus difficile la détection et la neutralisation de ces attaques. Pour l’Ukraine et ses alliés, l’enjeu devient d’identifier les passerelles créées par Gamaredon et exploitées par Turla avant qu’elles ne servent à des intrusions à haute valeur stratégique.

Cette alliance tactique entre Turla et Gamaredon illustre une industrialisation du renseignement cyber orchestrée par Moscou. La question centrale reste : jusqu’où cette coopération pourra-t-elle étendre la portée et l’efficacité des opérations russes contre les infrastructures ukrainiennes et occidentales ? (ESET Research)

Yandex sanctionné pour avoir refusé l’accès du FSB à Alisa

Le conflit entre innovation domestique et sécurité d’État s’expose publiquement. Yandex vient d’être sanctionné pour n’avoir pas ouvert au FSB un accès permanent à sa maison intelligente Alisa.

Un tribunal de Moscou a condamné Yandex à une amende de 10 000 roubles (environ 105 euros) pour avoir refusé de donner au FSB un accès permanent à sa plateforme de maison intelligente « Alisa ». La décision, prise fin juin 2025, dépasse le cadre d’une simple sanction financière : elle illustre l’extension de la loi Yarovaya aux objets connectés. Derrière ce jugement se profile un enjeu central pour la Russie : intégrer la sphère privée dans le dispositif de surveillance numérique. Quelles conséquences pour l’avenir des technologies domestiques, pour les entreprises opérant en Russie et pour les citoyens dont le foyer devient zone de contrôle ?

Les faits

Le 28 mai 2025, le FSB a transmis à Roskomnadzor un rapport d’inspection. Selon les services de sécurité, Yandex n’avait pas mis en place l’accès permanent requis à la ressource « yandex.ru/alice/smart-home ». La demande initiale consistait à garantir une disponibilité totale, 24 h sur 24, aux flux générés par l’écosystème Alisa.

L’affaire a été portée devant le tribunal du district de Khamovniki, à Moscou. Le 27 juin, le juge Vladislav Pojilovski a rendu sa décision : la culpabilité de Yandex était établie. En tant qu’« organisateur de la diffusion d’informations » (ORI), la société avait l’obligation légale de se conformer aux prescriptions. Le non-respect est considéré comme une infraction administrative, selon l’article 19.5 du Code de la Fédération de Russie.

Le représentant de Yandex ne s’est pas présenté à l’audience. Le tribunal, après analyse des pièces, a jugé l’entreprise coupable et infligé une amende de 10 000 roubles (105 euros).

Le montant peut sembler dérisoire. Mais le symbole est lourd : c’est la première fois qu’une plateforme de maison intelligente est sanctionnée pour avoir refusé l’accès intégral aux services de renseignement.

La décision marque une étape. Jusqu’ici, les sanctions avaient visé des messageries chiffrées comme Telegram. Avec Alisa, l’État russe franchit un seuil : celui de la vie domestique.

Les enjeux

La loi Yarovaya, adoptée en 2016, oblige les ORI à conserver et transmettre les communications aux autorités. L’esprit initial visait les fournisseurs de messageries, les réseaux sociaux et les services de courrier électronique. Mais son extension progressive touche désormais tout système numérique capable de traiter des données personnelles.

La qualification d’ORI appliquée à Alisa pose problème. Les messageries véhiculent des textes et des fichiers ; la maison intelligente produit des flux de voix, de vidéos, de données de capteurs. Assimiler ces deux réalités sous une même catégorie légale entraîne une application uniforme de la loi à des environnements techniques radicalement différents.

RUne phrase prononcée dans un salon devient, juridiquement, l’équivalent d’un message envoyé sur une messagerie cryptée.

Implications techniques

L’assistant vocal Alisa n’est pas un simple logiciel. Il coordonne des dizaines d’appareils connectés : enceintes, thermostats, caméras de surveillance, volets roulants, détecteurs de mouvement, téléviseurs. Mettre en place un accès complet pour le FSB suppose de centraliser ces flux dans une interface unique et de maintenir un accès permanent.

Cela équivaudrait à donner aux services de renseignement une cartographie détaillée du foyer : horaires de présence, habitudes de consommation, conversations privées, voire données médicales si des capteurs de santé sont connectés.

Développer une telle passerelle est extrêmement coûteux. Les investissements se chiffrent en millions d’euros. Pour une entreprise déjà soumise à de fortes contraintes réglementaires et économiques, la perspective de payer une amende symbolique est parfois plus rentable que de modifier toute l’architecture technique.

Certains analystes estiment que Yandex a délibérément choisi de ne pas se conformer. En acceptant la sanction, l’entreprise évite à la fois un coût démesuré et la perte de confiance des utilisateurs.

L’affaire révèle une faille du droit russe : l’absence de distinction entre services numériques hétérogènes. Une messagerie chiffrée et un réfrigérateur connecté sont rangés dans la même catégorie. Cette généralisation, pratique pour les services de sécurité, ignore les réalités techniques et complique l’application.

La décision judiciaire ouvre une perspective inquiétante : l’extension de la surveillance à tous les objets connectés. Les détecteurs de fumée, les voitures autonomes, les équipements médicaux domestiques pourraient demain être intégrés dans le réseau de contrôle.

Chaque foyer, chaque appareil deviendrait une antenne potentielle du système sécuritaire.

Yandex condamné pour refus d’accès du FSB à sa maison intelligente Alisa. Analyse d’une décision qui élargit la loi Yarovaya aux objets connectés et à la sphère privée.

Le FBI a annoncé avoir neutralisé un virus du FSB

Le Bureau fédéral d’enquête des États-Unis annonce la neutralisation d’un code malveillant du nom de Snake. Le malware serait une arme numérique du FSB, le service de sécurité russe.

Dernièrement, une l’alerte lancée dans un blackmarket russe de la tentative du service de renseignement russe FSB d’intercepter des informations du pirate auteur de stealer (logiciel voleur de données), Titan Stealer, affichait les nombreux fronts cyber de ce service de renseignement russe.

Le Département de la Justice explique comment le FBI venait de mettre fin à la vie de Snake, un présumé code malveillant exploité par le FSB. Selon le Bureau Fédéral d’Investigation, Snake aurait exploité un réseau P2P pour les basses besognes de ses exploitants. Selon le communiqué officiel de l’agence, la gestion de ce réseau était assurée par le « Centre 16 » du Service fédéral de sécurité russe (FSB). Snake est connu sous un autre nom, Turla.

Le FBI estime que cette division a utilisé différentes versions du malware Snake pendant près de 20 ans pour voler des documents confidentiels provenant de centaines de systèmes informatiques dans au moins 50 pays membres de l’OTAN.

Lors de l’opération baptisée Medusa [le même nom qu’un groupe de pirates utilisateurs de ransomwares], le malware a été désactivé sur les appareils compromis faisant partie du réseau unifié à l’aide de l’outil Perseus développé par le FBI. Le processus impliquait un contact physique avec les ordinateurs infectés. Des appareils provenant d’autres pays ont également été découverts dans le réseau, et les autorités américaines ont envoyé toutes les recommandations nécessaires à leur égard.

« Le ministère de la Justice, en collaboration avec nos partenaires internationaux, a démantelé un réseau mondial d’ordinateurs infectés par des malwares utilisés par le gouvernement russe pendant près de deux décennies pour mener des cyber espionnages, y compris contre nos alliés de l’OTAN« , a déclaré le procureur général des États-Unis, Merrick Garland. Nous continuerons à renforcer notre défense collective contre les efforts de déstabilisation de la Russie, visant à compromettre la sécurité des États-Unis et de nos alliés ».

Le DOJ affirme que le gouvernement américain « contrôlait des agents du FSB » affectés à l’utilisation de Turla. Ces agents auraient mené des opérations quotidiennes en utilisant Snake à partir d’une institution du FSB à Ryazan. Le virus lui-même est qualifié de « logiciel malveillant à long terme le plus complexe du FSB pour le cyber espionnage ».

Snake permet à ses opérateurs de déployer à distance des outils malveillants supplémentaires pour étendre les fonctionnalités du logiciel afin de détecter et de voler des informations confidentielles et des documents stockés sur un appareil spécifique. Un voleur 2.0 comme Titan Stealer.

De plus, le réseau mondial d’ordinateurs compromis par Snake fonctionne comme un réseau P2P caché, utilisant des protocoles de communication spéciaux conçus pour rendre l’identification, la surveillance et la collecte de données difficiles pour les services de renseignement occidentaux et d’autres services de renseignement radio. Après le vol de données, une routage en cascade est utilisé pour les livrer aux opérateurs à Ryazan.