Le Royaume-Uni a contrecarré une opération d’espionnage informatique menée par des hackers russes se faisant passer pour des journalistes auprès du personnel du ministère de la Défense.
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C’est une nouvelle alerte rouge dans le monde opaque de la cyberguerre. Selon une révélation de Sky News le 29 mai, des pirates informatiques liés à la Russie ont tenté de pénétrer les systèmes du ministère britannique de la Défense en se faisant passer pour des journalistes. Si l’attaque a été stoppée à temps, l’épisode met en lumière l’évolution alarmante des stratégies cyber utilisées par les États hostiles. John Healey, ministre de la Défense du Royaume-Uni, a confirmé la création d’un nouveau commandement cyber pour renforcer la riposte britannique, en soulignant que « le clavier est désormais une arme de guerre ». Ce type d’opération, savamment déguisée et orchestrée, souligne combien les lignes entre guerre, espionnage et désinformation deviennent de plus en plus floues.
La cyberguerre ne relève plus de la science-fiction, ni même d’une menace distante. Elle s’invite au cœur des ministères et vise désormais les esprits et les infrastructures autant que les machines. Début mai, deux vagues d’emails piégés, aux apparences anodines mais aux intentions redoutables, ont ciblé des membres du personnel du ministère britannique de la Défense. La première campagne de phishing arborait un thème journalistique, avec des courriels se présentant comme émanant d’une organisation de presse. Le second envoi, plus insidieux encore, utilisait un prétexte financier pour inciter les destinataires à ouvrir un lien vers une plateforme de partage de fichiers, apparemment commerciale.
C’est à ce moment que l’expertise cyber des services britanniques a fait la différence. Les signaux d’alerte ont été détectés suffisamment tôt pour neutraliser la menace avant qu’elle ne compromette des données sensibles. Selon des responsables gouvernementaux cités par Sky News, le logiciel malveillant utilisé dans cette opération n’avait jamais été observé auparavant. Il a été baptisé « Damascened Peacock », un nom de code aussi élégant qu’inquiétant, en raison de ses caractéristiques uniques et sophistiquées.
« Le clavier est désormais une arme de guerre » : une nouvelle doctrine se dessine dans les hautes sphères de la défense britannique.
Les auteurs de cette tentative d’espionnage ont été rapidement identifiés comme étant affiliés à RomCom, un groupe de hackers russes déjà connu pour des opérations similaires menées par le passé. Ce groupe est soupçonné d’agir en lien étroit avec les services de renseignement russes, notamment le GRU. L’objectif : obtenir des informations stratégiques sur les capacités de défense du Royaume-Uni, voire perturber sa chaîne de commandement ou semer la confusion au sein des institutions.
RomCom n’en est pas à son premier coup d’essai. Depuis le début de la guerre en Ukraine, ce collectif s’est distingué par des attaques ciblées contre des entités gouvernementales et des infrastructures critiques dans plusieurs pays de l’OTAN. Mais en revêtant cette fois l’apparence trompeuse de journalistes, les cyberespions franchissent une nouvelle ligne. Ils exploitent la confiance instinctive accordée aux médias, dans un climat déjà fragilisé par la prolifération des fausses informations et des campagnes de désinformation orchestrées depuis Moscou.
Le ministère de la Défense britannique, loin de minimiser l’incident, a profité de cette attaque pour mettre en lumière sa nouvelle stratégie cyber. Depuis plusieurs mois, Londres travaille à la constitution d’un Commandement Cyber intégré, chargé aussi bien des missions défensives que des opérations offensives dans le cyberespace. Ce nouveau corps, que John Healey a formellement présenté devant la presse, regroupera des experts civils et militaires capables de détecter, analyser, riposter, et même anticiper les futures menaces numériques. Il ne s’agit plus simplement de se défendre, mais aussi de dissuader.
L’opération RomCom révèle une mutation profonde : la cyberguerre ne vise plus les infrastructures seules, mais manipule aussi les symboles de la vérité.
La référence aux journalistes n’est pas anodine. En se dissimulant derrière une identité médiatique, les hackers tentent de détourner les codes de la transparence et de l’enquête. Dans une époque où la vérité est déjà sujette à contestation, cette tactique s’inscrit dans une guerre cognitive, où l’information devient une arme en soi. Les journalistes, figures de l’intégrité démocratique, se retrouvent ainsi instrumentalisés dans des scénarios d’espionnage numérique.
Face à ce défi, le Royaume-Uni cherche également à renforcer la coopération internationale. Des échanges techniques ont déjà été entamés avec ses alliés, notamment les États-Unis, le Canada et les membres de l’Union européenne. La menace n’a plus de frontières, et seule une réponse coordonnée peut espérer contenir l’ampleur des attaques à venir. La cybersécurité devient donc un pilier central de la diplomatie et de la défense, à égalité avec les arsenaux conventionnels.
Dans les rangs du personnel militaire et civil, l’épisode RomCom a servi de leçon. La vigilance face aux courriels non sollicités a été intensifiée, tout comme les programmes de formation à la cybersécurité. Désormais, une simple pièce jointe, un lien douteux, ou une demande inhabituelle peut devenir le point d’entrée d’une vaste opération d’espionnage. Et dans le monde numérique, quelques secondes d’inattention peuvent suffire à compromettre une stratégie entière.
Le cas du « Damascened Peacock » rappelle aussi que les États ne sont pas les seuls à être vulnérables. Les entreprises de défense, les fournisseurs, les prestataires et même les chercheurs universitaires collaborant sur des programmes militaires constituent autant de cibles potentielles. Le tissu industriel de la défense doit donc être sécurisé dans sa totalité, avec des standards de cybersécurité élevés à chaque maillon de la chaîne.
La situation pousse aussi à une réflexion plus large : quelles doivent être les règles d’engagement dans le cyberespace ? Peut-on appliquer les conventions de Genève au domaine numérique ? Et quelles limites devraient être imposées à des opérations pourtant invisibles, mais aux conséquences bien réelles ? Le Royaume-Uni, à travers cette nouvelle doctrine cyber, espère poser les bases d’un cadre international plus strict, à défaut d’être universel.
Le spectre d’une cyberguerre totale n’est plus un fantasme. Alors que les conflits armés classiques continuent de ravager certaines régions du monde, la guerre silencieuse des réseaux s’intensifie en parallèle, souvent à l’abri des regards. L’affaire RomCom s’ajoute à une longue liste d’incidents qui prouvent que les batailles de demain se livrent aussi dans les lignes de code.
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