La CNIL alerte sur la sécurité des grandes bases de données

Les fuites massives de données en 2024 ont exposé les failles de sécurité des grandes bases contenant des millions de données personnelles. La CNIL émet ses consignes pour muscler la cybersécurité.

En 2024, la France a été le théâtre d’une vague inédite de violations de données personnelles. Ces incidents, souvent dus à des négligences techniques et à des pratiques de sécurité insuffisantes, ont mis en lumière la fragilité des systèmes traitant des volumes massifs d’informations comme a pu le prouver ZATAZ.COM dès septembre 2023. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a publié une série de recommandations destinées à renforcer les mesures de sécurité. Une démarche devenue cruciale, à l’heure où les bases de données numériques, qu’elles soient publiques ou privées, cristallisent un enjeu majeur de souveraineté, de confiance et de résilience numérique.

Des failles structurelles mises à nu par une année noire

L’année 2024 aura servi de révélateur brutal. Des millions de personnes ont vu leurs données personnelles exposées à la suite d’attaques informatiques ciblant aussi bien des organismes publics que des entreprises privées. Le site ZATAZ.COM, référence de l’actualité dédiée à la lutte contre la cybercriminalité, avait lancé l’alerte dès 2023. Ces fuites ne sont pas l’œuvre de cybercriminels d’élite, mais bien d’attaques dites « opportunistes », facilitées par des failles répétitives : comptes usurpés protégés par de simples mots de passe (les pirates ont exploité dans la plupart des cas des infos stealers), surveillance inexistante des intrusions (une veille qui ne doit pas être négligée), ou encore sous-traitants négligents. Selon les rapports de la CNIL, près de 80 % des violations majeures enregistrées proviennent d’identifiants compromis.

Ces lacunes soulignent un déséquilibre préoccupant : les systèmes manipulant les données de plusieurs millions d’individus ne bénéficient pas toujours des dispositifs de sécurité à la hauteur des risques encourus. Or, ces bases de données géantes – qu’il s’agisse de CRM, de services cloud ou de plateformes clients – concentrent une mine d’informations sensibles : identités, coordonnées, historiques de consommation, voire données bancaires.

80 % des violations massives en 2024 ont été rendues possibles par des identifiants volés et une absence d’authentification renforcée.

Des mesures à la hauteur des enjeux

Face à cette situation alarmante, la CNIL insiste sur la nécessité d’une « défense en profondeur » pour les grandes bases de données. Il ne s’agit plus seulement de protéger la périphérie d’un système, mais bien d’organiser sa sécurité de manière holistique. Cela inclut des couches successives de protection, une surveillance active, une journalisation rigoureuse des activités et une politique d’accès strictement contrôlée.

L’autorité rappelle que les articles 5.1.f et 32 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) imposent aux responsables de traitement comme aux sous-traitants de garantir une sécurité adaptée à la nature des données traitées et aux menaces qui les guettent. Cela implique une mise à jour constante des dispositifs techniques, mais aussi une réflexion en amont sur les architectures et les processus organisationnels.

La CNIL recommande notamment l’intégration systématique de l’authentification multifacteur (2fa/mfa) pour tout accès à distance à des données massives. Elle pointe également l’importance de limiter les capacités d’extraction de données en cas d’intrusion, ainsi que la nécessité de mettre en place des dispositifs de journalisation performants permettant de détecter rapidement toute activité anormale.

Multifacteur et journalisation : piliers de la nouvelle sécurité

La double authentification constitue aujourd’hui un rempart incontournable face à l’explosion des attaques par hameçonnage ou par réutilisation d’identifiants compromis (credential stuffing). Ce dispositif, qui combine mot de passe et preuve de possession (comme un code envoyé sur un téléphone ou une application dédiée), réduit considérablement le risque d’accès frauduleux… mais n’empêche aucunement l’accumulation de données personnelles. Les pirates ont compris depuis bien longtemps comme accéder à des espaces privées via, par exemple, le social engineering.

La CNIL n’ignore pas les contraintes opérationnelles que peut engendrer sa mise en œuvre, notamment pour les structures peu dotées en ressources humaines ou techniques. Mais l’autorité considère cet effort comme proportionné aux risques encourus. Surtout, elle prévient que l’absence d’une telle mesure sur des bases sensibles pourra, à compter de 2026, justifier l’ouverture de procédures de sanction.

Autre axe fort : la journalisation des activités. Les responsables de traitement sont appelés à mettre en place une traçabilité fine des accès, actions et flux de données. L’objectif est double : détecter les intrusions le plus tôt possible et disposer d’éléments d’analyse en cas d’incident. Les logs doivent être conservés entre six mois et un an, selon des modalités qui garantissent leur intégrité et leur exploitation. L’enjeu n’est pas tant d’accumuler des volumes de données que de savoir les interpréter et d’agir rapidement. Des logs qui pourront permettre de savoir si l’ennemi ne vient pas de l’intérieur !

La CNIL exigera dès 2026 l’authentification multifacteur sur toutes les grandes bases de données accessibles à distance, sous peine de sanctions.

Former pour anticiper : la vigilance humaine en première ligne

La technique ne peut à elle seule garantir la sécurité des données. Les erreurs humaines, trop souvent à l’origine des incidents, doivent être anticipées. La CNIL encourage les entreprises à organiser régulièrement des sessions de formation et de sensibilisation adaptées à chaque profil d’utilisateur : employés, développeurs, prestataires, décideurs. Data Security Breach, par le biais de son fondateur, Damien Bancal, propose des rendez-vous de sensibilisation [contact]. L’implication des utilisateurs est cruciale. Dans bien des cas, un simple doute exprimé par un salarié aurait pu éviter une fuite. D’où l’importance de disposer de référents identifiés et de canaux de remontée d’alerte efficaces. La CNIL considère que l’absence de telles mesures constitue un manquement à part entière.

Un point de vigilance majeur concerne la chaîne de sous-traitance. Les bases de données de grande ampleur sont souvent hébergées ou gérées par des prestataires externes, parfois situés à l’étranger. La CNIL rappelle que le RGPD impose de formaliser, par contrat, l’ensemble des obligations sécuritaires, incluant les clauses sur les violations de données, l’usage de sous-traitants secondaires et la transparence sur les mesures techniques employées.

Le responsable de traitement reste, dans tous les cas, redevable du niveau de sécurité. Il lui revient de s’assurer que le prestataire respecte les recommandations de l’autorité, dispose des certifications nécessaires et se soumet à des audits réguliers. Cette exigence vaut aussi bien pour les sous-traitants directs que pour les fournisseurs cloud, très présents dans l’hébergement de données massives.

La CNIL recommande notamment d’annexer au contrat la politique de sécurité de l’information du prestataire, ainsi que les preuves de ses certifications. Elle insiste sur l’importance d’un suivi continu, et non ponctuel, du niveau de conformité du sous-traitant. Bref, rien de nouveau. Cela devrait être inclus depuis la mise en place du RGPD, en mai 2018 !

2025 : le virage de la fermeté

Avec son plan stratégique 2025-2028, la CNIL franchit un cap dans son approche de la cybersécurité. Elle annonce une intensification de ses contrôles, en ciblant plus particulièrement les structures manipulant des données à très grande échelle. Un accompagnement est prévu, mais la pédagogie laissera peu à peu place à une exigence renforcée de conformité.

L’autorité prévient : les entreprises ayant déjà connu des fuites et qui n’auraient pas renforcé leur sécurité s’exposent à des sanctions accrues. Le message est clair : les incidents passés doivent servir de leçon. Les organismes ont désormais à leur disposition tous les outils pour anticiper, prévenir et réagir.

Les sanctions, qui peuvent atteindre 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires mondial, ne sont pas une menace théorique. Elles ont déjà été prononcées par la CNIL à plusieurs reprises ces dernières années. À l’avenir, le non-recours à l’authentification multifacteur sur des bases critiques sera considéré comme une négligence inacceptable.

Vers une maturité numérique collective ?

Ce tournant amorcé par la CNIL marque une volonté claire de responsabiliser l’ensemble de l’écosystème numérique. À l’heure où les données personnelles deviennent une ressource stratégique, leur protection ne saurait être une option. Elle est le socle de la confiance numérique, et donc de la compétitivité des entreprises comme de la légitimité des institutions.

Mais une question demeure : les acteurs économiques, souvent contraints par des logiques de rentabilité et de rapidité, seront-ils prêts à consacrer les ressources nécessaires à cette sécurisation ? Et au-delà des injonctions, la culture de la cybersécurité peut-elle réellement s’ancrer durablement dans les pratiques quotidiennes des organisations surtout face à des pirates informatiques qui ont du temps pour réfléchir à comment rentrer chez vous !

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