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Protection des mineurs sur internet quelles sont les failles du Digital Services Act ?

Le DSA, Digital Services Act, réglementation européenne entrée pleinement en application le 17 février dernier, a pour objectif de lutter contre la propagation de contenus illicites, de désinformation sur le web et vise également à favoriser la transparence des plateformes vis-à-vis des consommateurs. Face à la généralisation de l’accès des enfants aux smartphones et aux tablettes, la protection des mineurs est donc l’un des enjeux prioritaires de cette nouvelle réglementation. Grazia Cecere, Professeure à Institut Mines-Télécom Business School, spécialiste de l’économie numérique, décrypte cette nouvelle législation.

Le Digital Services Act : acteurs concernés, objectifs et mesures mises en place

Samedi 17 février 2024, le Digital Services Act (DSA) est entré en effet ; il vise entre autres à rendre Internet plus sûr et plus transparent pour les citoyens européens. Cette réglementation va s’appliquer en particulier au gatekeepers – les très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche, utilisés par plus de 45 millions d’Européens par mois, désignés par la Commission européenne – tels que TikTok, Facebook, Instagram, Airbnb…

Plus généralement, les fournisseurs de plateformes en ligne accessibles aux mineurs sont tenus de mettre en place des mesures appropriées pour garantir un niveau élevé de confidentialité, de sécurité et de sûreté des mineurs sur leurs services. Ce règlement vise notamment à interdire la publicité ciblée sur les plateformes en ligne pour les enfants en se basant sur des catégories spéciales de données personnelles telles que l’ethnicité, les opinions politiques ou l’orientation sexuelle.

Toutefois, ces mesures ne répondent qu’à une petite partie de la problématique et négligent d’autres dangers auxquels sont exposés les mineurs.

DSA, ce que la nouvelle réglementation européenne néglige 

Les très grandes plateformes et très grands moteurs de recherche ont donc à présent l’obligation de prendre des mesures identifiées d’atténuation des risques (vérification de l’âge, mise en place d’outils de contrôle parental ou d’outils permettant d’aider les mineurs à signaler les abus ou à obtenir un soutien…). La publicité ciblée sur les mineurs devient interdite et des sanctions lourdes sont prévues pour les plateformes en infraction. Le problème principal concerne donc les entreprises ciblées : les petites entreprises (entreprises de moins de 50 salariés et de moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel) sont moins visées par la régulation. Or, dans le marché des applications mobiles pour enfants il y a beaucoup de développeurs de petite taille. 

L’éducation des enfants et des parents représente donc un enjeu majeur. Pour les entreprises, il existe un marché réel pour la création de contenus adaptés pour les enfants, respectueux de la vie privée et de la réglementation et qui puissent offrir une expérience utilisateur éducative et constructive.

Les mineurs et le numérique : quelques chiffres

– Une enquête du Ministère de la culture1 en France indique que 27% des enfants de moins de 2 ans utilisent une tablette ou un smartphone et ce pourcentage augmente à l’âge de 5 ans pour atteindre une utilisation de la tablette par 54% des enfants.
– 74% des enfants sont en ligne avant 14 ans, selon une étude de la CNIL publiée en 2020.
– 26% des enfants européens interrogés déclarent avoir été victimes d’arnaques par phishing.

Législations sur les marchés numériques (DMA) et services numériques (DSA) arrivent en Europe

La réglementation appelée Digital Services Act (DSA) a été mise en place pour réguler les activités en ligne, en particulier pour les grandes entreprises. La Commission européenne a sélectionné dix-neuf entreprises avec un minimum de 45 millions d’utilisateurs actifs par mois, incluant dix-sept grandes plateformes en ligne, dont TikTok et deux moteurs de recherche, Bing et Google Search.

La DSA aura un impact sur de nombreuses entreprises telles que Amazon, Apple, Google, TikTok, Twitter et Wikipedia, ainsi que AliExpress, Booking.com, Facebook, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat, YouTube et Zalando. Les services tels que Google Play, Google Maps et Google Shopping chez Google seront également concernés.

L’objectif principal de la DSA est de mieux protéger les internautes, en particulier les mineurs, contre les contenus préjudiciables, la publicité trompeuse et les violations de la vie privée. Les entreprises qui publient du contenu pornographique impliquant des enfants, des contenus subversifs et haineux, ou des fausses informations seront plus facilement ciblées et sanctionnées grâce à une surveillance renforcée. Les dix-neuf grandes entreprises devront également offrir plus de choix et de meilleures informations à leurs utilisateurs.

La DSA représente une évolution importante dans le paysage de la réglementation en ligne. Elle vise à répondre aux nombreux défis posés par la prolifération de contenus préjudiciables ainsi que les pratiques publicitaires et de protection de la vie privée souvent abusives des entreprises du numérique. La DSA va permettre de mieux protéger les droits et la sécurité des internautes en leur offrant des moyens plus efficaces pour signaler et faire retirer les contenus illicites et nuisibles.

Gare à l’amende !

Les plates-formes qui ne respectent pas cette réglementation pourront se voir infliger des amendes allant jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires mondial, selon les propos de Thierry Breton, eurocommissaire au Marché intérieur. Cette menace vise à inciter les entreprises à se conformer aux règles et à assumer leur responsabilité sociale.

Cependant, l’application de la DSA représentera un défi pour les entreprises du numérique, qui devront s’adapter aux nouvelles règles et aux nouvelles exigences. Pour cela, elles devront engager des moyens importants pour renforcer leurs capacités de surveillance, de signalement et de retrait de contenus illicites, ainsi que pour offrir à leurs utilisateurs des moyens de contrôle plus importants sur leurs données personnelles et leurs choix publicitaires.

En fin de compte, la réglementation DSA est un effort pour mieux protéger les utilisateurs en ligne et pour rendre les grandes plateformes en ligne plus responsables de leurs actions. Bien que cela puisse entraîner une certaine restriction de la liberté d’expression en ligne, il est important que les autorités cherchent à garantir que les entreprises respectent les lois et les normes éthiques en matière de protection des utilisateurs. La réglementation DSA pourrait donc marquer un tournant important dans la réglementation de l’espace en ligne, en offrant une meilleure protection aux utilisateurs et en augmentant la responsabilité des entreprises.

DMA et DSA

En juillet 2022, le Parlement européen a approuvé à une large majorité la nouvelle législation sur les marchés numériques (DMA) et la législation sur les services numériques (DSA), visant à renforcer le contrôle sur les grandes entreprises technologiques. Les entreprises qui ne respectent pas ces règles pourraient se voir imposer des amendes pouvant atteindre 10% de leur chiffre d’affaires annuel mondial pour une violation de la DMA et 6% pour une violation de la DSA.

La législation sur les marchés numériques (DMA) et la législation sur les services numériques (DSA) visent à renforcer le contrôle sur les grandes entreprises technologiques. La DMA donne à la commissaire européenne plus de pouvoir pour intervenir en cas d’abus commis par de grandes entreprises comme Google, Meta, Amazon ou Apple, afin d’empêcher ces dernières de favoriser leurs propres applications et services sur leurs plateformes. La DSA oblige les entreprises à davantage de transparence et de responsabilité pour la sécurité en ligne et la suppression des contenus illégaux. Les entreprises qui dérogent à ces règles se verront imposer des amendes pouvant atteindre 10 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial pour une violation de la DMA, et 6 % pour une violation de la DSA.

La DSA régule ce qui peut être publié sur internet et vise notamment à lutter contre la désinformation. Elle interdit également les publicités ciblant les enfants ainsi que celles basées sur des données sensibles telles que la religion, l’origine ethnique ou les opinions politiques.

En outre, cette directive interdit les « dark patterns », qui sont des stratégies trompeuses utilisées par les entreprises pour inciter les clients à prendre une décision spécifique. Par exemple, Amazon avait utilisé un « dark pattern » pour rendre la résiliation d’un abonnement Amazon Prime plus difficile pour les utilisateurs.