Archives par mot-clé : infrastructures critiques

Royaume-Uni : un projet de loi pour une cybersécurité nationale renforcée

Le Royaume-Uni lance le Cyber Security and Resilience Bill, une réforme majeure pour protéger ses infrastructures critiques face à l’escalade des cyberattaques qui fragilisent l’économie nationale.

Le gouvernement britannique vient de présenter le Cyber Security and Resilience Bill, une législation ambitieuse destinée à protéger les services essentiels — santé, énergie, eau, transport — contre la montée des cybermenaces. Face à un coût annuel estimé à 15 milliards de livres sterling, cette réforme impose des normes de sécurité accrues aux fournisseurs informatiques et renforce les pouvoirs des régulateurs. Dans un contexte où l’Europe a recensé plus de 2 700 cyberincidents en 2025.

Un texte centré sur la résilience des infrastructures critiques

Le Cyber Security and Resilience Bill vise avant tout la protection des infrastructures vitales du Royaume-Uni. Les hôpitaux, réseaux d’eau et de transport devront renforcer leurs dispositifs de défense numérique afin d’éviter toute interruption de service. Pour la première fois, les prestataires informatiques de taille moyenne et grande, notamment ceux du NHS, seront soumis à des obligations strictes : déclaration rapide des incidents majeurs, plan de continuité et contrôles réguliers de sécurité.

Les régulateurs disposeront de pouvoirs élargis pour désigner les fournisseurs critiques, tels que les laboratoires de diagnostic ou les opérateurs énergétiques, et leur imposer des standards de sécurité minimaux. Ces exigences visent à combler les failles de la chaîne d’approvisionnement, souvent exploitées par les cybercriminels.
Des amendes calculées sur le chiffre d’affaires sanctionneront les manquements graves. Le ministre de la Technologie pourra, en cas d’urgence nationale, ordonner des actions correctives immédiates aux organismes publics et privés concernés.

Une économie sous pression croissante des cyberattaques

Les chiffres confirment la gravité de la situation. Le coût moyen d’une cyberattaque majeure au Royaume-Uni dépasse désormais 190 000 £, soit environ 14,7 milliards £ (17,2 milliards d’euros) de pertes annuelles. Selon l’Office for Budget Responsibility, une attaque d’envergure sur les infrastructures critiques pourrait creuser la dette publique de 30 milliards £ (35 milliards d’euros), soit 1,1 % du PIB.

Pour le directeur du NCSC, Dr Richard Horne, cette dynamique impose une réponse coordonnée : « Les impacts concrets des cyberattaques n’ont jamais été aussi visibles. Ce texte est essentiel pour protéger nos services vitaux. »

Vers une cyberdéfense collective et proactive

Le projet de loi marque une transformation structurelle de la cybersécurité britannique. Il établit un cadre de régulation modernisé, tourné vers la prévention et la résilience. Les entreprises technologiques saluent cette évolution.

Les hacktivistes intensifient leurs attaques contre les infrastructures canadiennes

Le Canada alerte sur la hausse des cyberattaques ciblant ses infrastructures critiques, orchestrées par des hacktivistes exploitant des systèmes industriels connectés et mal sécurisés.

Le Centre canadien pour la cybersécurité a publié une alerte le 29 octobre sur une série d’attaques contre des systèmes de contrôle industriels (ICS) exposés à Internet. Les incidents ont visé des secteurs essentiels comme l’eau, l’énergie et l’agriculture, confirmant une tendance mondiale d’ingérence hacktiviste. Bien que non attribuées à un groupe précis, ces opérations s’inscrivent dans la continuité des campagnes menées par des collectifs liés à la Russie, tels que Z-Pentest. Un groupe que le site de référence sur la cyber sécurité et la cyber intelligence ZATAZ.COM affichait comme des opportunistes communicants.

NE MANQUEZ PAS NOTRE NEWS LETTER (CHAQUE SAMEDI). INSCRIPTION

L’agence appelle à renforcer la protection des dispositifs ICS, souvent négligés ou mal isolés, et recommande une coordination accrue entre gouvernements, fournisseurs et opérateurs d’infrastructures critiques.

Attaques ciblant les systèmes de contrôle industriels

Le Centre canadien pour la cybersécurité a identifié trois attaques récentes contre des dispositifs industriels connectés. Dans un réseau de traitement de l’eau, les pirates ont modifié les valeurs de pression, provoquant une dégradation du service local. Une autre intrusion, sur un site pétrolier et gazier, a altéré les capteurs d’une jauge automatisée de réservoir, déclenchant de fausses alarmes. Enfin, une exploitation agricole a vu ses paramètres de température et d’humidité trafiqués dans un silo à grains, générant un risque d’incident technique majeur.

L’agence souligne que ces manipulations illustrent une stratégie hacktiviste visant la visibilité médiatique plutôt que la destruction. Les infrastructures exposées sur Internet constituent des cibles faciles pour ces acteurs opportunistes.

Une menace soutenue par des groupes pro-russes

Aucune attribution formelle n’a été faite, mais plusieurs signaux convergent vers la mouvance hacktiviste russe, dominante dans la manipulation d’ICS depuis 2024. Le groupe Z-Pentest, apparu à l’automne dernier, a popularisé la diffusion de captures d’écran de panneaux de contrôle industriels pour revendiquer ses intrusions. Ces campagnes visent à déstabiliser les États occidentaux et à saper la confiance dans la résilience de leurs infrastructures.

L’Agence américaine de cybersécurité (CISA) a également observé une recrudescence d’attaques similaires. Elle évoque une stratégie d’influence numérique où la perturbation technique se double d’une guerre informationnelle. Les campagnes visent la réputation des institutions plutôt que des gains économiques.

Les dispositifs les plus vulnérables restent les automates programmables, les unités terminales distantes, les interfaces homme-machine, les systèmes SCADA ou les équipements IIoT. Leur exposition directe à Internet, souvent pour des raisons de maintenance à distance, facilite l’accès des intrus.

VEILLE ZATAZ : NOUS RECHERCHONS VOS DONNÉES PIRATÉES. DÉCOUVRIR

Renforcer la résilience et la coordination


Le Centre recommande aux gouvernements provinciaux et territoriaux de coopérer avec les municipalités pour établir un inventaire complet des systèmes critiques. Les secteurs de l’eau, de l’alimentation et de la fabrication, moins encadrés sur le plan cyber, nécessitent une attention particulière.

Les opérateurs doivent vérifier la configuration de leurs équipements et s’assurer que les connexions distantes utilisent des réseaux privés virtuels avec authentification à deux facteurs. En l’absence d’isolation possible, la surveillance doit être accrue à l’aide d’outils de détection et de prévention d’intrusion, de tests réguliers et d’une gestion active des vulnérabilités.

L’agence recommande également des exercices de simulation pour clarifier les responsabilités et évaluer la capacité de réponse. Le manque de coordination interne demeure un point faible majeur : « Une répartition floue des rôles crée souvent des lacunes laissant les systèmes sans protection », a rappelé le Centre.

Chine : signalement en urgence des cyberattaque

La Chine impose dès novembre 2025 un délai d’une heure pour déclarer les incidents de cybersécurité graves, renforçant ainsi son contrôle sur les réseaux et infrastructures critiques.

Pékin introduit une réglementation stricte obligeant les opérateurs à signaler sous une heure tout incident « particulièrement grave » de cybersécurité. L’Administration chinoise du cyberespace (CAC) supervise cette mesure, qui reflète une intensification de la surveillance étatique après plusieurs affaires sensibles, dont une sanction contre Dior à Shanghai pour transfert illégal de données. Le dispositif, applicable dès le 1er novembre 2025, définit des seuils précis pour classer la gravité des attaques ou pannes et prévoit des sanctions financières lourdes en cas de manquement.

Signalement accéléré des cyberincidents

Les nouvelles règles imposent un signalement d’urgence en cas d’attaque majeure. Les opérateurs de réseau doivent informer les autorités en une heure. Celles-ci transmettent ensuite l’alerte à l’Administration nationale du cyberespace et au Conseil d’État dans un délai de trente minutes. Les incidents sont classés en quatre niveaux, « particulièrement grave » étant le plus critique. Cette catégorie inclut des cyberattaques ou pannes affectant les portails gouvernementaux, les infrastructures vitales ou les sites d’information nationaux pendant plus de 24 heures, ou encore une panne de six heures touchant l’ensemble d’une infrastructure.

La réglementation couvre aussi les atteintes à grande échelle aux services publics, de transport ou de santé. Sont concernés les cas où plus de 50 % d’une province ou plus de 10 millions de citoyens voient leur quotidien perturbé. Les violations massives de données entrent également dans ce champ, dès lors qu’elles affectent plus de 100 millions de personnes ou causent un préjudice financier supérieur à 100 millions de yuans (13 millions d’euros).

Critères renforcés pour les attaques

Les cyberattaques massives affichant du contenu interdit sur un site gouvernemental ou un portail d’information majeur constituent une menace prioritaire si elles persistent plus de six heures ou atteignent une audience d’un million de vues. Elles sont aussi considérées critiques si le contenu est partagé plus de 100 000 fois sur les réseaux sociaux.

Le niveau « grave » concerne les attaques perturbant les sites d’administrations locales ou provinciales plus de six heures, ou les infrastructures essentielles pendant plus de trois heures. Des fuites de données touchant plus de 10 millions de personnes, ou un million dans une grande ville, relèvent aussi de cette catégorie.

Chaque opérateur doit remettre sous 30 jours un rapport détaillé décrivant causes, réponses et enseignements après un incident. Cette exigence prolonge la loi chinoise sur la cybersécurité de 2017 et les textes complémentaires de 2016 et 2021 sur la protection des infrastructures critiques.

Vers des sanctions plus lourdes

En parallèle, le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale étudie un durcissement des sanctions. Les opérateurs d’infrastructures critiques négligents pourraient être sanctionnés de 500 000 à 10 millions de yuans (66 000 à 1,32 millions €). Les responsables directs encourraient jusqu’à 1 million de yuans (132 000 €).

Les opérateurs de réseau qui omettent d’empêcher la diffusion de contenus interdits s’exposeraient à des amendes de 50 000 à 500 000 yuans (≈ 6 600 à 66 000 €). Ce projet de loi traduit une volonté de responsabiliser les acteurs du numérique tout en consolidant le contrôle centralisé de la cybersécurité.

La Chine fait de la rapidité de réaction un enjeu national de cybersécurité. Reste à savoir si cette obligation de signalement instantané renforce réellement la résilience technique, ou surtout le contrôle étatique sur les flux numériques.

Nicholas Andersen prend la tête de la cybersécurité de la CISA

Nicholas Andersen succède à Chris Butera et devient directeur exécutif adjoint chargé de la cybersécurité de la CISA. Son arrivée marque une étape clé pour l’agence au moment où les menaces contre les infrastructures critiques se multiplient.

Reconnu dans les milieux de la défense et de la cybersécurité, Nicholas Andersen a pris ses fonctions le 2 septembre 2025. La CISA, bras armé de Washington pour la protection numérique et physique des infrastructures vitales, mise sur son profil hybride – militaire, gouvernemental et privé – pour renforcer son dispositif face aux cyberattaques. L’agence veut ainsi accroître la résilience nationale, affiner sa coopération avec les acteurs stratégiques et répondre à l’évolution rapide des menaces, qu’elles soient étatiques ou criminelles.

Un profil taillé pour la cybersécurité nationale

Ancien officier des Marines, décoré pour son engagement en renseignement, Andersen s’est imposé comme une figure de référence dans la cybersécurité. Sa carrière illustre un parcours mixte : il a dirigé la sécurité de grandes entreprises tout en occupant des postes stratégiques dans l’appareil fédéral. Washington Executive l’avait désigné parmi les dix responsables sécurité à suivre.

Au sein du privé, il a été président et directeur opérationnel d’Invictus, supervisant la cybersécurité et l’intégration de solutions technologiques pour des clients fédéraux et commerciaux. Chez Lumen Technologies, il a conçu une stratégie de cybersécurité globale et développé des offres sécurisées pour le secteur public, renforçant ainsi les partenariats critiques avec l’État.

Expérience fédérale et réponse aux crises

Entre 2019 et 2021, Andersen a piloté la cybersécurité énergétique au Département de l’Énergie. D’abord adjoint principal, puis secrétaire adjoint par intérim, il a coordonné la protection des infrastructures face aux menaces iraniennes, aux crises énergétiques et aux catastrophes naturelles. Son action a notamment été décisive lors de la reconstruction du réseau électrique de Porto Rico après les ouragans.

Ce parcours l’a amené à défendre la notion de résilience intégrée, combinant réponse opérationnelle rapide, anticipation stratégique et coopération étroite avec le secteur privé. Autant d’éléments que la CISA veut aujourd’hui systématiser.

Transition interne et continuité opérationnelle

Avec l’arrivée d’Andersen, Chris Butera, jusqu’ici directeur exécutif adjoint par intérim, devient directeur exécutif adjoint suppléant. Cette transition interne garantit la continuité des opérations de cybersécurité de l’agence, tout en préparant le terrain au leadership renforcé d’Andersen.

La CISA, qualifiée d’« agence de cyberdéfense nationale », reste en première ligne pour protéger les réseaux, systèmes et infrastructures essentiels. L’arrivée d’Andersen intervient dans un contexte de menaces accrues : attaques de groupes étatiques, campagnes de ransomware contre les services publics et exploitation des dépendances critiques.

Avec Nicholas Andersen, la CISA mise sur un stratège aguerri, à la croisée du renseignement, de l’industrie et de la défense nationale. Reste une question centrale : comment son expérience conjointe public-privé sera-t-elle exploitée pour contrer l’évolution des attaques hybrides sur les infrastructures critiques américaines ?

L’Espagne annule un contrat Huawei de 10 millions d’euros sur fond de pressions sécuritaires

Madrid a stoppé un contrat stratégique impliquant Huawei dans le réseau RedIRIS. Une décision dictée par la sécurité nationale et la crainte d’ingérences étrangères dans des infrastructures sensibles.

Le gouvernement espagnol a annulé un contrat de 9,8 millions € avec Telefónica, qui prévoyait l’installation d’équipements Huawei pour moderniser le réseau de recherche RedIRIS, utilisé par universités et Défense. Officiellement justifiée par l’autonomie stratégique, cette décision reflète aussi les pressions internationales concernant les risques liés aux fournisseurs chinois. L’annulation retarde le projet, augmente son coût et oblige à relancer la mise en concurrence. Si Madrid n’impose pas de veto explicite à Huawei, la décision marque un tournant dans la politique numérique espagnole. Elle interroge l’équilibre entre ouverture technologique et souveraineté cyber, dans un contexte de tensions croissantes entre Chine, États-Unis et Europe.

Sécurité nationale en ligne de mire

Le 29 août, le ministère espagnol de la Science et de l’Innovation a notifié à Telefónica l’annulation du contrat attribué pour équiper RedIRIS. Cette dorsale nationale relie plus de 500 institutions de recherche, dont le ministère de la Défense, et devait passer de 100 à 400 Gbps grâce à de nouveaux équipements fournis par Huawei. L’investissement prévu atteignait 9,8 millions €, financé par des fonds publics et européens.

Le gouvernement a invoqué la stratégie de « souveraineté numérique » et la nécessité de protéger les communications critiques. Cette justification masque à peine la pression exercée par les États-Unis, qui dénoncent depuis des années le risque d’espionnage inhérent aux technologies Huawei. Washington considère que la loi chinoise sur le renseignement oblige les entreprises locales à coopérer avec Pékin.

La décision espagnole ne constitue pas un bannissement officiel de Huawei. Contrairement à Londres ou Berlin, Madrid n’a pas établi de liste de fournisseurs à risque. Mais ce signal politique place Huawei dans une position défavorable pour tout futur appel d’offres public lié aux infrastructures sensibles.

Conséquences économiques et techniques

L’annulation ne reste pas sans coût. La procédure de relance entraîne des retards et oblige à revoir les budgets. Selon les projections, les offres alternatives de Nokia, Cisco ou Juniper dépasseront largement l’enveloppe initiale. Les experts évoquent une augmentation des coûts à plus de 12 millions €, en raison de la rareté des équipements et de l’urgence imposée.

Telefónica, qui avait remporté le marché en bonne et due forme, se retrouve dans une situation délicate. L’opérateur n’a pas commenté publiquement mais doit désormais renégocier avec de nouveaux fournisseurs, tout en absorbant les délais. Pour les chercheurs et le ministère de la Défense, cela signifie un report dans la modernisation de leurs communications stratégiques.

Ce surcoût illustre le dilemme auquel se confrontent de nombreux pays européens : privilégier la souveraineté technologique face à la dépendance chinoise implique souvent des dépenses supérieures. Or, l’Espagne n’avait pas anticipé ces surcoûts dans son budget initial.

Les États-Unis jouent un rôle clé dans cette affaire. Depuis l’administration Trump, Washington mène une campagne internationale pour restreindre Huawei, accusée de liens étroits avec Pékin. Les diplomates américains ont multiplié les avertissements auprès des alliés européens : intégrer des équipements chinois dans des réseaux stratégiques, c’est ouvrir une porte potentielle au renseignement chinois.

L’OTAN, dont l’Espagne est membre, a relayé ces inquiétudes. Les communications militaires et gouvernementales transitant par RedIRIS ne pouvaient, selon les experts américains, dépendre d’une technologie jugée « non fiable ». À Bruxelles, la Commission européenne a publié plusieurs recommandations encourageant les États membres à réduire leur exposition aux fournisseurs à haut risque, sans toutefois imposer de bannissement formel.

Certains pays ont choisi une approche radicale. Le Royaume-Uni a ordonné le retrait complet des équipements Huawei de son réseau 5G d’ici 2027. L’Allemagne a imposé un examen strict de sécurité pour chaque équipement critique, visant en pratique à exclure Huawei et ZTE. L’Espagne, en revanche, avait jusqu’ici adopté une ligne plus conciliante, préférant évaluer chaque projet au cas par cas. L’affaire RedIRIS démontre que cette position évolue.

Lois chinoises et soupçons d’espionnage

Le cœur des inquiétudes occidentales repose sur la loi chinoise sur le renseignement de 2017. Ce texte oblige toute entreprise enregistrée en Chine à collaborer avec les services de sécurité nationale, sur demande. Pour les agences occidentales, cela signifie que Huawei pourrait être contraint de fournir un accès à ses équipements, sans possibilité de refus ni de transparence.

Les risques évoqués ne concernent pas uniquement l’espionnage passif. Dans un scénario de conflit ou de crise diplomatique, l’insertion de portes dérobées pourrait permettre une interruption ciblée de réseaux stratégiques. Les experts parlent d’« armes dormantes » dissimulées dans le code ou les mises à jour logicielles.

Huawei réfute systématiquement ces accusations et souligne que jamais aucune preuve technique n’a démontré l’existence de telles portes dérobées. L’entreprise rappelle sa présence dans plus de 170 pays et affirme que son exclusion relève davantage de la rivalité technologique que de la cybersécurité objective. Néanmoins, la perception de risque suffit à influencer les choix politiques européens.

La décision espagnole a des répercussions bien au-delà de l’économie numérique. Elle s’inscrit dans un équilibre délicat entre deux pôles d’influence. D’un côté, la Chine est un partenaire commercial majeur pour l’Espagne, notamment dans les secteurs automobile et énergétique. De l’autre, Washington reste un allié stratégique incontournable en matière de défense et de renseignement.

Annuler un contrat Huawei, c’est envoyer un signal de proximité à l’OTAN et aux États-Unis, mais au prix d’une irritation probable à Pékin. La Chine pourrait réagir en freinant certains investissements ou en réduisant sa coopération économique. Dans un contexte où l’Espagne cherche à attirer des capitaux étrangers pour sa transition numérique, le calcul est risqué.

Sur le plan industriel, cette annulation renforce indirectement les positions de Nokia, Cisco et Juniper en Europe. Ces acteurs, souvent américains ou européens, apparaissent comme des alternatives plus sûres, bien qu’à un coût supérieur. Pour l’industrie espagnole des télécoms, cela signifie aussi une dépendance accrue à des fournisseurs occidentaux déjà fortement sollicités.

En annulant ce contrat, Madrid a fait le choix de la prudence stratégique, au détriment de la rapidité et de l’efficacité économique. La souveraineté numérique devient un axe central de la politique européenne, mais l’Espagne reste confrontée à une question cruciale : jusqu’où céder aux pressions de ses alliés sans rompre avec un partenaire commercial comme la Chine, qui détient des leviers économiques puissants ?