Cyberattaque dans les Hauts-de-Seine : la menace invisible qui paralyse les collectivités

Une attaque informatique « de grande ampleur » a paralysé les services numériques du conseil départemental des Hauts-de-Seine ce mardi matin, plongeant l’administration dans le flou technologique.

Ce mardi à 10 heures, le département des Hauts-de-Seine a annoncé sur ses réseaux sociaux être victime d’une cyberattaque d’envergure, touchant l’ensemble de ses systèmes d’information. Ce nouvel incident, qui s’ajoute à une série d’agressions informatiques subies par plusieurs collectivités locales de la région parisienne, souligne la vulnérabilité croissante des institutions publiques face à des menaces numériques toujours plus sophistiquées. Alors que les équipes techniques s’activent encore pour identifier l’origine et l’impact de l’attaque, une question se pose : les collectivités sont-elles suffisamment armées pour affronter ces assauts digitaux ?

Une administration à l’arrêt

Ce mardi matin, c’est par un message sobre mais alarmant que le conseil départemental des Hauts-de-Seine a informé ses administrés : ses services numériques ont été brutalement désactivés à la suite d’une cyberattaque. Dans un communiqué diffusé peu après, l’administration évoque une attaque « de grande ampleur » ayant contraint à couper « l’ensemble des systèmes d’information et des moyens de communication habituels » pour une durée encore indéterminée. La nature exacte de l’agression, ses auteurs potentiels et les failles exploitées n’ont pas été dévoilés, laissant place à une incertitude totale.

À 18 heures, soit huit heures après la révélation publique de l’attaque, la situation demeurait inchangée. « La phase de diagnostic est toujours en cours« , indiquait alors le service de communication du département. Derrière cette formule se cache une réalité : sans accès à ses outils numériques, une administration moderne voit la majorité de ses activités paralysée. De la gestion des dossiers à la communication avec les usagers, tout repose aujourd’hui sur l’informatique.

« L’ensemble des systèmes d’information et des moyens de communication habituels ont été désactivés pour une période indéterminée », précisait le conseil départemental dans un communiqué publié en milieu de journée.

Un contexte régional tendu

Loin d’être un cas isolé, cette cyberattaque s’inscrit dans une série noire qui frappe depuis plusieurs années les collectivités locales en Île-de-France. Le conseil départemental des Hauts-de-Seine avait déjà été confronté à une intrusion informatique en 2023. Cette attaque, bien que moins sévère selon les dires de l’époque, avait contraint l’institution à couper temporairement certains services, notamment téléphoniques. Les données personnelles n’avaient pas été compromises, assurait alors l’administration.

Mais d’autres collectivités voisines n’ont pas toujours eu cette chance. En novembre 2022, c’est le département de Seine-et-Marne qui voyait ses réseaux informatiques mis hors service à la suite d’une cyberattaque. Il lui avait fallu plusieurs semaines pour retrouver une activité normale. Plus récemment encore, la ville de Bois-Colombes a subi une attaque dans la nuit du 31 janvier au 1er février 2024. Les conséquences avaient été telles qu’un partenariat stratégique fut rapidement conclu entre la Métropole du Grand Paris et le campus Cyber de Puteaux, dans l’objectif de renforcer les défenses numériques des collectivités territoriales.

Un phénomène en pleine expansion

Loin d’être anecdotiques, ces attaques traduisent un phénomène de fond : la montée en puissance du cybercrime ciblant les entités publiques. Selon un rapport publié en février dernier, une commune sur dix en France affirme avoir été victime d’une cyberattaque au cours des douze derniers mois. Cette statistique, en forte progression par rapport aux années précédentes, illustre l’ampleur de la menace. Des villes comme Chaville ou Saint-Cloud, déjà touchées en 2022, en ont fait les frais.

Ce qui motive les cybercriminels n’est pas toujours clair. Il peut s’agir de rançongiciels, qui visent à extorquer de l’argent en échange de la restitution des données volées ou chiffrées. Mais dans certains cas, les motivations peuvent être politiques ou liées à l’espionnage. Quelle que soit la cause, le résultat est souvent le même : des semaines, voire des mois, de paralysie partielle des services, des dépenses imprévues et une perte de confiance des citoyens.

Une commune sur dix en France a été victime d’une cyberattaque au cours de l’année écoulée, selon une étude publiée en février.

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Des réponses encore balbutiantes

Face à cette nouvelle donne, les collectivités locales cherchent à s’organiser. Le partenariat évoqué entre la Métropole du Grand Paris et le campus Cyber est un exemple de réaction institutionnelle à un risque devenu systémique. Ce campus, installé à Puteaux, se présente comme un centre névralgique de l’expertise en cybersécurité, rassemblant acteurs publics, entreprises privées et chercheurs.

Mais la tâche est immense. La majorité des collectivités locales ne disposent ni des ressources humaines ni des budgets pour assurer une cybersécurité de haut niveau. Le coût moyen d’une cyberattaque pour une collectivité territoriale peut s’élever à plusieurs centaines de milliers d’euros, sans compter les pertes indirectes liées à l’interruption des services publics. Pour les petites communes, souvent dépourvues de direction informatique propre, la prévention et la réponse aux attaques relèvent du casse-tête.

Le plan national de cybersécurité, lancé en 2021 par le gouvernement français, avait pour ambition d’accompagner les collectivités dans leur transformation numérique sécurisée. Pourtant, les résultats peinent à suivre. Beaucoup d’élus locaux pointent du doigt la complexité des dispositifs d’aides, jugés trop technocratiques. D’autres dénoncent un manque de formation et de sensibilisation à la sécurité numérique, aussi bien pour les agents publics que pour les élus.

Les cyberattaques n’épargnent plus aucune strate de l’administration. Et pourtant, dans bien des cas, les collectivités découvrent leur vulnérabilité une fois l’attaque survenue, jamais avant. Ce qui soulève une inquiétude légitime : combien d’entre elles sont actuellement infiltrées sans le savoir ? Combien de failles dorment encore dans les systèmes, prêtes à être exploitées ?

Le prix du numérique

L’attaque contre les Hauts-de-Seine met une nouvelle fois en lumière le paradoxe auquel sont confrontées les administrations publiques : la course à la numérisation des services, encouragée au nom de la modernité et de l’efficacité, s’accompagne de risques technologiques considérables. La dépendance croissante aux systèmes informatiques transforme chaque faille de sécurité en bombe à retardement.

La collectivité départementale s’efforce désormais de rétablir l’accès à ses applications et réseaux. Mais ce type d’accident, outre le coût financier qu’il engendre, produit un effet délétère sur la confiance du public. Dans un monde où la transparence, l’accessibilité et la réactivité sont devenues les maîtres mots de la gestion publique, un écran noir sur les systèmes numériques devient vite un symbole d’impuissance.

Alors que la cybersécurité ne cesse de gagner en importance, cette dernière attaque dans les Hauts-de-Seine vient rappeler que les collectivités locales, malgré leurs efforts, demeurent des cibles de choix. Et qu’à l’ère du tout numérique, la guerre invisible qui se joue dans les câbles et les serveurs pourrait bien devenir l’un des plus grands défis des administrations publiques françaises.

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Imprimantes piégées : Procolored infecte malgré lui ses clients pendant six mois

Des imprimantes livrées avec un malware, un fabricant pris au piège et des pirates bien rodés : l’affaire Procolored illustre à quel point les cybermenaces peuvent se dissimuler dans les moindres recoins du numérique.

Pendant près de six mois, des imprimantes Procolored ont été distribuées avec des pilotes vérolés, infectant à leur insu de nombreux utilisateurs. Derrière cette compromission, deux malwares particulièrement dangereux, capables de voler des cryptomonnaies ou d’ouvrir une porte dérobée sur les systèmes infectés. Retour sur un scandale qui ébranle la confiance dans les chaînes logicielles.

C’est un petit clic anodin, celui qu’on effectue pour installer les pilotes d’un nouveau périphérique. Mais dans le cas des imprimantes Procolored, ce geste ordinaire s’est transformé en cauchemar pour des dizaines, voire des centaines d’utilisateurs. Depuis octobre 2024, les fichiers proposés en téléchargement sur le site officiel de la marque renfermaient discrètement deux malwares, découverts en mai 2025. En cause : un stockage de pilotes sur la plateforme Mega.nz, utilisé par le fabricant pour héberger les logiciels nécessaires à l’installation de ses modèles d’imprimantes UV. Problème : plusieurs de ces fichiers hébergés étaient infectés. GData Software, entreprise spécialisée en cybersécurité, a tiré la sonnette d’alarme après qu’un YouTuber passionné d’impression UV a vu son antivirus déclencher une alerte. Les analyses ont révélé que les fichiers téléchargés contenaient les malwares XRedRAT et CoinStealer, deux menaces bien connues du paysage cybercriminel.

Une menace insidieuse, masquée derrière des fichiers officiels

39 fichiers suspects ont été détectés, dont 20 avec des empreintes numériques uniques, preuve que les pirates ont conçu des versions personnalisées des malwares pour échapper aux détections classiques. Le premier, XRedRAT, agit comme une porte dérobée : une fois installé, il permet à des attaquants distants de prendre le contrôle d’un ordinateur, d’en exfiltrer des données, ou encore d’y installer d’autres malwares. Le second, CoinStealer, est conçu pour cibler les utilisateurs de cryptomonnaies. Il surveille le presse-papiers à la recherche d’adresses de portefeuille, et les remplace automatiquement par celles du cybercriminel lorsque l’utilisateur tente d’effectuer une transaction.

Les conséquences sont bien réelles. L’adresse de portefeuille identifiée comme réceptrice des fonds détournés a déjà accumulé 9,3 bitcoins, soit environ 593 000 euros au cours actuel. Cette attaque furtive, qui repose sur l’ingénierie sociale et la confiance dans le matériel officiel, a ainsi permis aux hackers de subtiliser des fonds sans que les victimes ne s’en rendent compte immédiatement.

Un cas d’école de compromission logicielle

La faille a été révélée lorsqu’un testeur a voulu passer en revue les performances d’une imprimante Procolored UV et a été interpellé par une alerte de son antivirus. En remontant l’origine de l’alerte, les chercheurs en cybersécurité ont constaté que les fichiers d’installation avaient été modifiés pour la dernière fois en octobre 2024. Pendant six mois, aucun contrôle de sécurité n’a été effectué sur ces ressources pourtant publiques, disponibles sur le site officiel du fabricant.

L’ampleur de la diffusion pose question. Les imprimantes concernées, parmi lesquelles les modèles F8, F13, F13 Pro, V6, V11 Pro et VF13 Pro, sont principalement destinées à un public professionnel : studios de création, ateliers de personnalisation d’objets, ou encore entreprises de design. Ces utilisateurs, souvent bien équipés mais peu sensibilisés aux risques cyber, constituent une cible privilégiée. L’incident met également en lumière un problème de gouvernance : Procolored n’a à ce jour publié aucun communiqué officiel, ni retiré les liens vers les fichiers infectés.

Durant six mois, les pilotes vérolés sont restés en ligne sur le site du fabricant, exposant potentiellement chaque utilisateur à une compromission.

Une faille révélatrice d’un écosystème vulnérable

Ce type d’attaque n’est pas sans précédent. Ces dernières années, de nombreux acteurs ont été victimes d’attaques dites « de la chaîne d’approvisionnement logicielle ». On se souvient de l’affaire SolarWinds en 2020, ou plus récemment des compromissions de bibliothèques open source dans des projets critiques. Ce qui frappe dans le cas Procolored, c’est la simplicité de la méthode : pas besoin de briser des pare-feux ou d’infiltrer un réseau d’entreprise, il suffisait de placer des fichiers piégés sur une plateforme de téléchargement tierce, et de rediriger les utilisateurs vers ceux-ci. Sans parler du matériel (tablette, smartphone, Etc.) piégé par des commerçants pirates comme les faux samsung vendus avec des logiciels espions installés dans les appareils.

Le recours à Mega.nz n’est pas anodin non plus. Bien que légitime, ce service de stockage est fréquemment utilisé par des acteurs malveillants en raison de son anonymat relatif et de la difficulté pour les autorités à y exercer une surveillance efficace. Procolored, en déléguant ainsi l’hébergement de ses pilotes, a sans doute voulu économiser sur des coûts d’infrastructure, mais cette décision s’est révélée désastreuse pour la sécurité de ses clients.

Les victimes en attente de réponses

Aujourd’hui, de nombreuses questions restent sans réponse. Combien d’utilisateurs ont été infectés ? Procolored compte-t-il prendre des mesures pour prévenir de nouvelles attaques ? La marque va-t-elle collaborer avec les autorités ou les éditeurs antivirus pour aider les victimes ? Pour l’heure, aucune mise à jour officielle des pilotes n’a été annoncée, et les fichiers contaminés sont toujours disponibles en ligne. Face à l’absence de réaction, la communauté technique se mobilise. Des utilisateurs ont commencé à alerter les forums et à proposer des méthodes pour vérifier si leur système est compromis. Les antivirus, eux, mettent à jour leurs bases de données pour bloquer la propagation des malwares.

L’affaire pose également un dilemme : comment rétablir la confiance quand la compromission vient d’un outil censé être fiable ? Les professionnels ayant investi plusieurs centaines d’euros dans une imprimante sont aujourd’hui contraints de désinstaller les pilotes, de scanner leur machine et, dans le pire des cas, de changer de matériel.

L’ombre persistante des attaques logicielles

Cette affaire illustre un changement d’ère dans les cybermenaces. Les attaques ne ciblent plus seulement les grandes entreprises, mais s’introduisent dans les usages quotidiens. Le danger n’est plus uniquement dans les pièces jointes d’e-mails douteux ou les sites suspects : il peut désormais venir d’un fichier téléchargé depuis un site officiel, d’un logiciel recommandé par un fabricant reconnu. La sophistication des attaquants croît, mais surtout, leur stratégie évolue. En compromettant des outils professionnels, ils ciblent des victimes à la fois solvables, peu vigilantes et mal préparées.

Le cas Procolored rappelle ainsi que la cybersécurité ne peut plus être traitée comme une option. Elle doit faire partie intégrante du cycle de vie de tout produit technologique, y compris les périphériques matériels. Les fabricants doivent non seulement sécuriser leur matériel, mais aussi contrôler chaque maillon de leur chaîne logicielle. Car en 2025, il ne suffit plus de vendre une bonne imprimante : encore faut-il garantir qu’elle n’ouvre pas une porte aux pirates.

Biométrie, IA, vie privée : faut-il s’inquiéter pour notre vie numérique ?

La biométrie remplace les mots de passe, l’intelligence artificielle analyse nos visages, nos voix, nos gestes… La technologie avance, mais nos libertés numériques reculent-elles en silence ?

Alors que Microsoft annonce la fin des mots de passe pour ses nouveaux comptes, misant sur l’authentification biométrique pour renforcer la sécurité des utilisateurs, Meta multiplie les usages de l’intelligence artificielle dans ses lunettes connectées Ray-Ban, récoltant toujours plus de données personnelles. À travers ces décisions stratégiques, deux géants du numérique dessinent les contours d’une nouvelle ère où la frontière entre confort technologique et atteinte à la vie privée devient de plus en plus floue. Loin d’être anodines, ces évolutions posent une question essentielle : qui contrôle réellement notre identité numérique ?

La fin des mots de passe : promesse de sécurité ou piège biométrique ?

C’est une petite révolution dans le monde de la cybersécurité : Microsoft ne proposera plus par défaut de mot de passe lors de la création de nouveaux comptes. À la place, les utilisateurs seront invités à utiliser une authentification sans mot de passe, basée notamment sur la biométrie, empreinte digitale, reconnaissance faciale ou encore dispositifs de sécurité physique comme les clés FIDO2.

L’argument de Microsoft est simple : les mots de passe sont vulnérables. Victimes d’attaques par hameçonnage, de fuites de données ou de piratage par force brute, ils sont devenus le maillon faible de la cybersécurité moderne. En optant pour des méthodes biométriques, l’entreprise entend renforcer la sécurité tout en simplifiant l’expérience utilisateur. Plus besoin de se souvenir d’un énième mot de passe : notre corps devient notre clé.

Mais cette évolution, qui semble à première vue bienvenue, soulève des inquiétudes majeures. Car si une empreinte digitale ou un visage ne peuvent être « oubliés », ils ne peuvent pas non plus être changés. En cas de fuite ou de piratage, contrairement à un mot de passe, une donnée biométrique est irrécupérable. Le vol d’une identité biométrique est définitif.

En outre, le recours accru à la biométrie pourrait aussi entraîner une généralisation de la surveillance. Si notre visage devient notre identifiant numérique, il devient aussi une cible de choix pour toutes les technologies de reconnaissance faciale déployées dans l’espace public ou par des entreprises privées. Or, les cadres juridiques encadrant ces technologies restent flous, variables selon les pays et souvent dépassés par la rapidité des innovations.

Meta et ses lunettes connectées : l’IA au cœur de l’intimité

Dans un tout autre registre mais avec des conséquences similaires, Meta a récemment mis à jour la politique de confidentialité de ses lunettes connectées Ray-Ban. Désormais, lorsque les fonctions d’intelligence artificielle sont activées, les photos et vidéos capturées sont analysées en continu. Pire encore, les enregistrements vocaux sont systématiquement stockés… et les utilisateurs ne peuvent pas s’y opposer autrement qu’en supprimant manuellement chaque fichier depuis l’application mobile dédiée.

Les données ainsi collectées peuvent être conservées jusqu’à un an, et potentiellement utilisées pour entraîner les modèles d’intelligence artificielle de l’entreprise. L’objectif affiché : améliorer les performances des lunettes, permettre une meilleure reconnaissance des objets, des lieux, des personnes. Mais en arrière-plan, se profile une collecte massive de données d’une ampleur inédite.

Meta précise que les messages vocaux et contenus captés par ses appareils peuvent être utilisés pour entraîner ses modèles d’IA, sans que l’utilisateur n’en soit clairement informé à chaque interaction.

Ce n’est pas une première. Le géant californien a déjà annoncé qu’il entraînait ses modèles Llama sur les publications publiques des utilisateurs américains de ses réseaux sociaux. Une pratique rendue possible par les conditions d’utilisation des plateformes, souvent acceptées sans lecture préalable. Avec les lunettes Ray-Ban, l’étape suivante est franchie : l’IA s’invite dans la vie réelle, au plus près du quotidien.

Une nouvelle ère de l’identité numérique : confiance ou dépendance ?

Dans ce paysage en pleine transformation, d’autres acteurs cherchent à renforcer la confiance dans l’environnement numérique. C’est notamment le cas de la société World, qui vient d’annoncer un partenariat stratégique avec Tinder et Visa. Cette collaboration vise à intégrer une technologie de vérification d’identité innovante dans des services à large échelle. Résultat : des plateformes plus sûres, où la vérification de l’identité devient à la fois plus rapide, plus fiable, et plus discrète.

Concrètement, pour la première fois, la possibilité de confirmer de façon fluide son identité grâce à une technologie unique sera intégrée simultanément dans plusieurs services numériques de masse. Que ce soit pour s’inscrire sur une application de rencontres ou valider une transaction, l’utilisateur pourra prouver qu’il est bien lui-même en quelques secondes, sans recourir à des processus complexes ni fournir de documents papier. Cette tendance s’inscrit dans un nouveau cycle de confiance numérique, où l’identité devient un vecteur central de sécurité, mais aussi d’accessibilité.

Cependant, même dans ce contexte prometteur, la vigilance reste de mise. Car plus la vérification d’identité devient fluide, plus le risque d’intrusion dans la vie privée s’accroît si les garde-fous ne sont pas suffisamment solides. Ce n’est pas seulement la sécurité qui est en jeu, mais aussi la manière dont nos données les plus sensibles sont collectées, stockées, et utilisées.

Entre promesse d’innovation et opacité des usages

Microsoft et Meta avancent tous deux les mêmes justifications : amélioration de la sécurité, simplicité d’utilisation, perfectionnement de l’expérience utilisateur grâce à l’IA. Et de fait, il est indéniable que l’intelligence artificielle couplée à la biométrie permet des avancées spectaculaires. Qu’il s’agisse de protéger un compte contre une tentative de piratage ou de rendre une paire de lunettes capable d’identifier ce qui nous entoure en temps réel, la technologie accomplit des prouesses.

Mais ces prouesses ont un coût. Et ce coût, c’est celui de notre consentement, souvent implicite, rarement éclairé. Car dans la plupart des cas, les utilisateurs n’ont pas le choix. Pour créer un compte Microsoft, l’authentification biométrique devient la norme. Pour utiliser les lunettes Meta, il faut accepter des conditions de collecte de données particulièrement intrusives. Le « consentement » devient une case à cocher, plutôt qu’un acte réellement volontaire.

En outre, ces entreprises s’exonèrent en grande partie de toute transparence. Les informations collectées, les usages exacts qui en sont faits, les durées de conservation ou les modalités de suppression sont rarement claires. Et lorsque les utilisateurs souhaitent s’y opposer, ils se heurtent à des processus fastidieux, techniques, voire impossibles à mettre en œuvre. Supprimer manuellement chaque enregistrement vocal depuis une application n’est pas à la portée de tous.

Vers un encadrement nécessaire de l’identité numérique

Ces évolutions ne sont pas isolées. Elles s’inscrivent dans une dynamique plus large où l’identité numérique devient un enjeu majeur du XXIe siècle. À mesure que nos vies se numérisent, les traces que nous laissons – biométriques, vocales, visuelles – deviennent des matières premières convoitées par les géants du numérique. Or, dans la plupart des pays, les législations peinent à suivre.

L’Union européenne, avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD), fait figure de pionnière en la matière. Elle impose des obligations de transparence, de sécurité et de consentement explicite. Mais même ce cadre est mis à l’épreuve par des technologies toujours plus invasives. Le débat autour de la régulation de l’intelligence artificielle, récemment relancé avec l’AI Act, montre bien que l’équilibre entre innovation et protection des libertés reste fragile.

En parallèle, les voix se multiplient pour appeler à une plus grande souveraineté numérique. Certains experts suggèrent la mise en place d’identifiants numériques gérés par des autorités indépendantes, ou de normes ouvertes permettant aux utilisateurs de mieux contrôler leurs données. D’autres appellent à interdire certaines pratiques, comme la reconnaissance faciale dans l’espace public ou la collecte non consentie d’enregistrements vocaux.

La vigilance comme seule défense… pour l’instant

En attendant une meilleure régulation, les utilisateurs n’ont d’autre choix que de redoubler de vigilance. Lire les conditions d’utilisation, comprendre les implications des technologies adoptées, vérifier les paramètres de confidentialité, limiter les usages de l’IA embarquée… autant de gestes essentiels, mais insuffisants face à la puissance des plateformes.

Car dans cette nouvelle ère numérique, ce n’est plus seulement notre navigation sur Internet qui est tracée. Ce sont nos voix, nos visages, nos gestes, nos environnements – bref, notre vie entière – qui sont capturés, analysés, exploités. Sans cadre clair, sans limites précises, cette collecte permanente pourrait devenir la norme.

Et si demain, notre propre corps devenait le dernier mot de passe à voler ?

Correctifs critiques et IA gonflée : Microsoft muscle son Patch Tuesday de mai 2025

Le Patch Tuesday de mai 2025 marque un tournant majeur : 72 failles comblées, cinq Zero Day actives, et des mises à jour Windows massives dopées à l’intelligence artificielle.

Chaque deuxième mardi du mois, les équipes informatiques du monde entier retiennent leur souffle. Le Patch Tuesday de Microsoft, devenu un rendez-vous incontournable, vient rythmer la sécurité des systèmes d’exploitation et des logiciels professionnels. Et celui de mai 2025 n’a pas dérogé à la règle : entre les correctifs de vulnérabilités critiques, les exploits déjà utilisés activement et une poussée technologique du côté de l’intelligence artificielle, la cuvée de ce mois se révèle particulièrement dense. Elle exige des entreprises comme des particuliers une attention soutenue et une application rapide des correctifs. Car cette fois, le danger ne plane pas seulement : il est déjà à l’œuvre.

Une avalanche de failles comblées… et cinq Zero Day

Microsoft annonce avoir corrigé pas moins de 72 vulnérabilités (CVE) dans sa mise à jour mensuelle de mai, dont cinq sont classées Zero Day. Ces dernières désignent des failles de sécurité activement exploitées avant même que le correctif ne soit disponible, ce qui les rend particulièrement dangereuses. Si, selon le classement officiel, elles ne sont que de niveau « Important », l’application d’un modèle de priorisation basé sur les risques les fait passer sans hésitation au niveau « Critique ».

Parmi ces vulnérabilités, on retrouve notamment une faille dans le pilote Ancillary Function Driver de WinSock (CVE-2025-32709), permettant une élévation de privilèges en local pour obtenir un accès Administrateur. Cette brèche affecte toutes les versions de Windows Server depuis 2012. Confirmée comme étant exploitée sur le terrain, elle reçoit un score CVSS 3.1 de 7,8.

Dans la même veine, deux autres failles critiques (CVE-2025-32706 et CVE-2025-32701), touchant le système de fichiers journaux communs de Windows, permettent une élévation de privilèges jusqu’au niveau SYSTEM. Là encore, elles concernent l’ensemble des versions de Windows, avec une exploitation active confirmée.

Un autre Zero Day (CVE-2025-30400) cible la bibliothèque du Gestionnaire de fenêtrage Microsoft, rendant vulnérables Windows 10, Server 2016 et toutes les versions ultérieures. Enfin, la cinquième faille critique (CVE-2025-30397) affecte le moteur de scripts Microsoft et permet l’exécution de code sur le réseau.

Cinq vulnérabilités Zero Day activement exploitées sont corrigées, toutes liées à l’OS Windows, et considérées comme critiques par les experts malgré leur évaluation initiale comme « importantes ».

CVE-2025-30397
Type : Corruption de mémoire dans le moteur de script
Conditions : Nécessite l’usage du mode Internet Explorer dans Microsoft Edge, une authentification côté client, et un clic sur un lien malveillant
Gravité réelle : Faible exploitation à large échelle à cause des nombreuses contraintes
Contexte : Peu de vulnérabilités similaires ces dernières années, sauf CVE-2024-38178, exploitée activement en août 2024

Des failles déjà connues, mais pas encore corrigées

Deux autres vulnérabilités font aussi l’objet d’un correctif, bien qu’elles aient déjà été divulguées publiquement. La première, une exécution de code à distance (CVE-2025-30397) dans Visual Studio, affecte les versions 2019 et 2022. Sa dangerosité reste modérée pour l’instant, car sa maturité est jugée « non prouvée » et son exploitabilité « peu probable ».

La deuxième concerne une faille d’usurpation d’identité (CVE-2025-26685) dans Microsoft Defender for Identity, qui pourrait permettre à un pirate d’imiter un utilisateur sur un réseau adjacent. Là encore, la menace reste théorique, mais la divulgation publique impose de s’en prémunir rapidement.

Ce Patch Tuesday ne se limite pas à la correction de failles : il inaugure également une évolution fonctionnelle importante dans Windows 11 et Server 2025. La mise à jour mensuelle pèse désormais près de 4 Go, un volume inhabituel qui s’explique par l’intégration de trois nouvelles fonctions basées sur l’intelligence artificielle.

Parmi elles, Recall, conçue pour faciliter la mémoire utilisateur à travers des rappels contextuels intelligents, Click to Do, un système d’automatisation des tâches courantes inspiré des macros intelligentes, et une version améliorée de Windows Search, désormais capable d’interpréter des requêtes complexes en langage naturel.

Ces ajouts répondent à la volonté de Microsoft d’intégrer l’IA plus profondément dans l’expérience utilisateur de Windows, dans un contexte où la concurrence — notamment avec Apple et Google — s’intensifie sur le terrain des assistants intelligents.

La mise à jour de mai introduit trois fonctions IA dans Windows, alourdissant le programme d’installation à près de 4 Go. Un changement qui marque un tournant vers des OS toujours plus intelligents.

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CVE-2025-30400
Type : Él evation de privilèges dans Desktop Window Manager (DWM)
Contexte : 26 vulnérabilités similaires dans DWM depuis 2022, mais seules deux autres exploitées comme zero-days (CVE-2024-30051, CVE-2023-36033)
Particularité : Faible visibilité d’exploitation active, mais DWM reste une cible fréquente

Adobe : 39 vulnérabilités corrigées, dont 33 critiques

Le Patch Tuesday ne concerne pas uniquement Microsoft. Adobe s’est également illustré avec la publication de 13 mises à jour couvrant un total de 39 CVE. Parmi elles, 33 sont classées comme critiques, soulignant une fois encore la fragilité de certains logiciels largement utilisés dans les milieux professionnels et créatifs, notamment Photoshop, Acrobat et ColdFusion.

Bien que les détails de chaque faille ne soient pas tous publics, Adobe incite les utilisateurs à appliquer les correctifs sans attendre. Comme pour Microsoft, plusieurs des failles corrigées peuvent permettre l’exécution de code arbitraire, avec des conséquences potentiellement dévastatrices si elles sont exploitées.

Pour les administrateurs système et les responsables de la sécurité informatique, ce Patch Tuesday de mai représente un défi de taille. Les correctifs sont nombreux, les priorités claires, mais la complexité croissante des environnements à maintenir rend leur déploiement délicat. Il ne s’agit plus seulement de corriger des failles : il faut aussi tester, valider, s’assurer que les nouvelles fonctionnalités IA n’introduisent pas d’instabilité ou de conflit avec des systèmes existants.

La pression est d’autant plus forte que les menaces ne sont plus théoriques. Les cinq failles Zero Day prouvées démontrent que des cybercriminels sont déjà à l’œuvre. Dans un contexte géopolitique tendu et face à la recrudescence des attaques par ransomwares, les entreprises savent que chaque jour gagné dans l’application des correctifs peut représenter des milliers d’euros économisés… ou évités en rançon.

CVE-2025-32701 & CVE-2025-32706
Type : Élévation de privilèges dans le pilote CLFS (Common Log File System)
Exploitabilité : Exploitées activement en post-compromission, probablement dans des campagnes de cyberespionnage ou de ransomware
Contexte : 33 failles dans CLFS depuis 2022, dont 6 zero-days activement exploités. Ces deux CVE s’inscrivent dans une tendance inquiétante

Vers une automatisation de la cybersécurité ?

L’ampleur de ce Patch Tuesday soulève une question essentielle : comment faire face durablement à une telle fréquence et complexité de mises à jour ? Les géants du secteur misent de plus en plus sur l’automatisation, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique pour anticiper les failles et accélérer leur résolution. Mais ces outils nécessitent eux-mêmes des ressources et une gouvernance solides.

À terme, faudra-t-il déléguer entièrement les mises à jour à des systèmes intelligents autonomes ? Ou conserver une supervision humaine pour garder le contrôle des choix techniques et des risques éthiques associés à l’IA ?

Le mois de mai 2025, avec son Patch Tuesday dense et riche en nouveautés, illustre la double tendance actuelle : une sécurité toujours plus pressante et une technologie toujours plus complexe. Entre vulnérabilités critiques et assistants dopés à l’IA, l’équilibre devient aussi stratégique qu’ardu à maintenir.

CVE-2025-32709
Type : Élévation de privilèges dans afd.sys, le pilote associé à l’API WinSock
Usage : Typiquement utilisé après compromission initiale, pour renforcer les privilèges d’un attaquant
Contexte : 10 failles similaires depuis 2022, souvent exploitées comme zero-days dans des contextes post-intrusion

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Zoom muscle sa cybersécurité avec son Bug Bounty 2024

Près de 1 000 experts en cybersécurité ont collaboré avec Zoom pour identifier des failles critiques, réduisant de 90 % le temps de correction et renforçant la défense de ses outils de communication.

Dans un contexte où les cybermenaces évoluent à un rythme effréné, la course à la sécurité numérique s’intensifie. Zoom, acteur majeur des communications unifiées, vient de publier les résultats 2024 de son programme de Bug Bounty. Ce dispositif, qui récompense la découverte responsable de failles de sécurité, a mobilisé près de 1 000 chercheurs à travers le monde, permettant à la plateforme d’opérer une nette avancée dans la sécurisation de ses produits. En seulement un an, le délai de résolution des vulnérabilités critiques a chuté de plus de 90 %, un record pour l’entreprise.

Un tournant stratégique face à l’enjeu cyber

L’année 2024 aura marqué un changement de cap dans la stratégie de cybersécurité de Zoom. Consciente que sa croissance fulgurante depuis 2020 l’a rendue vulnérable à de nombreuses menaces, la société s’est engagée dans une collaboration d’envergure avec la communauté internationale des hackers éthiques. Grâce à sa coopération étroite une plateforme de coordination des programmes de Bug Bounty [comme Yes We Hack ou encore Yogosha], Zoom a pu élargir le champ de recherche de failles à une diversité d’experts, issus aussi bien du secteur académique que de la sécurité offensive. Résultat : plusieurs centaines de vulnérabilités identifiées via HackerOne, analysées et corrigées dans un délai considérablement réduit par rapport aux années précédentes.

Ce gain d’efficacité est particulièrement spectaculaire en matière de failles critiques. Entre février 2024 et janvier 2025, leur résolution a été accélérée de manière drastique. Là où certaines corrections prenaient plusieurs semaines, les équipes de Zoom sont aujourd’hui capables d’apporter une réponse adaptée en quelques jours. Cette performance, qui tient autant à l’efficacité du programme qu’à l’implication des chercheurs, marque une rupture par rapport aux standards du secteur.

Une participation record, des résultats concrets

La participation des chercheurs en sécurité à travers le monde a doublé par rapport à l’année précédente, avec près de 1 000 contributeurs ayant activement participé à la détection des failles. Zoom, qui s’appuie sur une architecture complexe mêlant vidéoconférence, collaboration en ligne et intégration cloud, a vu dans ce vivier de talents une opportunité de durcir ses défenses sur tous les fronts. Les vulnérabilités découvertes n’étaient pas que théoriques : elles ont donné lieu à des correctifs majeurs déployés dans les systèmes de production.

Parmi les améliorations notables, on trouve un renforcement des mécanismes d’authentification sur l’ensemble des services, un durcissement des points d’accès API contre les vecteurs d’attaque émergents, un affinement des permissions au sein des outils collaboratifs ainsi qu’un meilleur contrôle des accès aux données dans l’infrastructure cloud. Autant de chantiers techniques qui témoignent de la complexité du défi, mais aussi de la volonté de Zoom de ne laisser aucun angle mort.

« La résolution des failles critiques a été réduite de 90 % en un an, un record pour la plateforme. »

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Diversification des approches et spécialisation des profils

Le succès du programme repose également sur sa structuration multi-niveaux. Zoom n’a pas misé sur un modèle unique, mais a préféré orchestrer une série de dispositifs adaptés à différents profils de chercheurs. Le programme public “VDP” (Vulnerability Disclosure Program) a ouvert les portes à toute la communauté mondiale des white hats. En parallèle, un programme privé a été lancé, ciblant des fonctionnalités spécifiques et permettant des tests en conditions quasi réelles. Les chercheurs VIP, sélectionnés pour leur expertise pointue, ont travaillé sur les systèmes critiques de l’écosystème Zoom.

Enfin, les challenges spécialisés ont constitué une forme de compétition ciblée sur des technologies émergentes, à l’image des outils d’intelligence artificielle ou des nouveaux services de réalité augmentée que l’entreprise développe. Cette segmentation stratégique permet à Zoom de tirer parti d’un large éventail de compétences, tout en s’assurant que les tests effectués répondent aux besoins spécifiques de chaque produit ou service.

Cette organisation a permis d’identifier non seulement des failles inattendues, mais aussi des zones de friction dans les flux d’utilisation, offrant un retour d’expérience précieux aux équipes produit. Zoom estime ainsi que son approche Bug Bounty constitue désormais un maillon essentiel de son processus de développement sécurisé.

Une dynamique encouragée par les résultats

La reconnaissance du travail des chercheurs n’est pas restée symbolique. Zoom a activement valorisé les contributions les plus importantes, avec un système de récompenses ajusté en fonction de la gravité des failles. Le meilleur contributeur de 2024 a ainsi identifié 12 vulnérabilités majeures, renforçant la crédibilité du programme et incitant d’autres experts à s’impliquer. Certains participants ont même atteint le statut de “chercheur élite”, une distinction attribuée aux profils les plus réguliers et pertinents du programme.

Porté par ces résultats, Zoom a déjà annoncé les grandes lignes de l’évolution de son programme pour 2025. L’un des axes majeurs sera l’élargissement du périmètre des tests à l’ensemble des nouvelles offres produits, incluant notamment les fonctionnalités à base d’IA générative ou les futures applications immersives. Le budget alloué aux récompenses sera lui aussi revu à la hausse, avec une augmentation prévue dans toutes les catégories de failles.

En parallèle, Zoom mise sur l’automatisation du triage des rapports de vulnérabilités grâce à l’intelligence artificielle, afin d’accélérer l’analyse initiale et de prioriser les actions plus efficacement. Des événements internationaux sont également au programme : ils réuniront les meilleurs chercheurs lors de “live hacking events” pour renforcer la sécurité sur des technologies de pointe. Cette approche proactive témoigne d’une volonté d’ancrer la sécurité dans la culture même de l’innovation.

Sandra McLeod, Chief Information Security Officer de Zoom, résume ainsi cette stratégie : « Cette approche nous permet de mobiliser les talents adéquats dans des environnements de test adaptés, ce qui garantit des résultats concrets en matière de sécurité. » Une vision résolument collaborative et orientée vers l’agilité, dans un domaine où la vitesse d’exécution est devenue cruciale.

La cybersécurité comme levier de confiance

Au-delà des aspects techniques, le Bug Bounty s’impose comme un levier de confiance. Pour une plateforme utilisée quotidiennement par des millions d’utilisateurs dans le monde entier, l’assurance d’un environnement sécurisé est devenue un critère de choix incontournable. En se dotant d’un tel programme, Zoom adresse non seulement les enjeux actuels de cybersécurité, mais anticipe aussi les exigences réglementaires croissantes en matière de protection des données.

Alors que les cyberattaques continuent de se multiplier et de se professionnaliser, l’exemple de Zoom montre que l’ouverture, la transparence et la coopération peuvent constituer des armes redoutablement efficaces. En mobilisant les compétences de milliers de chercheurs dans le monde, l’entreprise n’a pas seulement colmaté des brèches : elle a posé les bases d’une cybersécurité vivante, adaptative, en perpétuelle évolution.

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Quand les escrocs de la crypto frappent à votre porte

Les arnaques aux cryptomonnaies ne se contentent plus d’internet : des escrocs envoient désormais des lettres physiques aux domiciles de leurs victimes, exploitant des fuites de données pour tenter de voler des portefeuilles numériques.

Depuis quelques années, les fraudes liées aux cryptomonnaies se multiplient à une vitesse alarmante, profitant de l’anonymat et de la complexité technique de cet univers encore jeune. Mais en 2025, un nouveau palier inquiétant a été franchi : des victimes reçoivent désormais des lettres imprimées, livrées directement dans leur boîte aux lettres, imitant des communications officielles de la société Ledger, leader des portefeuilles matériels. Cette méthode, qui rappelle les arnaques postales d’un autre temps, témoigne de la créativité sans cesse renouvelée des cybercriminels, et de l’urgence à mieux protéger les données personnelles. Au-delà du monde numérique, c’est notre sécurité physique qui est désormais menacée, soulignant les failles béantes dans la protection de la vie privée des utilisateurs.

L’image aurait pu prêter à sourire si elle n’était pas aussi inquiétante. Sur son compte X (anciennement Twitter), l’influenceur crypto Jacob Canfield a partagé des photos de lettres prétendument envoyées par Ledger. Ces documents, présentés avec un ton formel et un graphisme quasi professionnel, réclament la « validation obligatoire du portefeuille » à la suite d’une soi-disant « mise à jour de sécurité critique ». L’objectif est clair : inciter le destinataire à scanner un code QR et, dans un second temps, à renseigner sa phrase de récupération à 24 mots, clef absolue d’un portefeuille Ledger. Une fois cette phrase divulguée, les criminels n’ont plus qu’à transférer les fonds.

« Si quelqu’un vous demande votre phrase de récupération, c’est une arnaque », martèle Ledger.

La société française, pionnière de la sécurité crypto grâce à ses portefeuilles physiques réputés inviolables, a rapidement réagi sur les réseaux sociaux. Elle a confirmé l’existence de ces lettres frauduleuses et a réitéré qu’elle ne solliciterait jamais, sous aucune forme, la phrase de récupération de ses clients. Car contrairement à des comptes bancaires traditionnels, une fois les fonds détournés depuis un portefeuille crypto, il est impossible de revenir en arrière. Il n’existe ni institution centrale pour bloquer la transaction, ni recours juridique immédiat : la perte est définitive.

Si ces lettres ont pu être envoyées, c’est notamment en raison d’une faille ancienne mais dont les effets continuent de se faire sentir. En juillet 2020, une importante fuite de données a exposé près d’un million d’adresses e-mail de clients Ledger. Pire encore, les noms, adresses postales, numéros de téléphone et détails de commande de 9 500 clients ont été rendus publics. Un trésor pour des escrocs patients, capables de concevoir des campagnes d’hameçonnage ultra ciblées plusieurs années après les faits.

Une faille de 2020 alimente encore aujourd’hui des arnaques postales, prouvant que les données personnelles volées ne périment jamais pour les cybercriminels.

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La nouveauté, cette fois, c’est le retour à un support physique, à rebours des arnaques classiques par mail ou message instantané. Cette stratégie exploite un biais psychologique puissant : une lettre tangible paraît plus authentique, plus officielle, surtout lorsqu’elle arrive dans un contexte de panique ou de méfiance généralisée envers les plateformes numériques. D’autant que ces lettres usurpent le ton rassurant et technique habituel de Ledger, avec des logos identiques et un vocabulaire spécifique destiné à piéger même les utilisateurs les plus aguerris.

L’affaire survient alors que le monde des cryptomonnaies traverse une période d’instabilité. Selon un rapport publié par la plateforme de bug bounty Immunefi, les pertes enregistrées dans l’écosystème crypto ont explosé au cours des quatre premiers mois de 2025, atteignant 1,7 milliard de dollars (environ 1,58 milliard d’euros). Ce montant est quatre fois supérieur aux 420 millions de dollars (environ 391 millions d’euros) perdus à la même période en 2024. Cette explosion s’explique en grande partie par le piratage spectaculaire de la plateforme Bybit, qui a à lui seul entraîné un préjudice estimé à 1,5 milliard de dollars (1,39 milliard d’euros).

Mais au-delà de ce cas emblématique, le mois d’avril 2025 a vu se multiplier les attaques. Quinze incidents majeurs ont été recensés, avec des pertes s’élevant à 92 millions de dollars (environ 85 millions d’euros), soit une hausse de 27 % par rapport à avril 2024 et plus du double de celles de mars 2025. La majorité de ces pertes sont dues à des piratages, et non à des escroqueries ou erreurs humaines, ce qui souligne le niveau de sophistication croissant des attaques.

En avril 2025, les attaques informatiques ont causé à elles seules plus de 92 millions de dollars de pertes dans le secteur crypto, un record alarmant.

Dans ce contexte, les lettres frauduleuses envoyées au nom de Ledger prennent une dimension encore plus menaçante. Elles représentent une nouvelle frontière dans l’ingénierie sociale, exploitant à la fois la confiance, la peur de la perte et le manque d’information. Car malgré l’expérience croissante des utilisateurs, beaucoup restent vulnérables à des sollicitations bien ficelées, d’autant plus quand elles s’adossent à des éléments tangibles et personnalisés.

Face à ces menaces, les recommandations des experts restent simples mais fondamentales. Ne jamais transmettre sa phrase de récupération, même en cas de doute. Vérifier directement les informations via les canaux officiels. Et surtout, se méfier de tout contact non sollicité, qu’il soit numérique ou physique. Car dans l’univers de la cryptomonnaie, chaque utilisateur est aussi son propre garant, son propre coffre-fort.

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les régulateurs et les plateformes technologiques prendront la mesure de ce changement de paradigme. Car tant que les données personnelles continueront de circuler dans la nature, les escrocs disposeront d’un arsenal sans fin pour piéger leurs cibles, peu importe la forme que prennent leurs attaques. Le courrier frauduleux n’est qu’un nouvel avatar d’un problème bien plus vaste : la fragilité de notre identité numérique, et désormais physique.

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Quand la Corée du Nord pirate jusqu’aux entretiens d’embauche

Kraken a déjoué une tentative d’infiltration orchestrée par un hacker nord-coréen se faisant passer pour un ingénieur. Une leçon de cybersécurité révélée par l’un des leaders américains de la crypto-monnaie.

Dans un monde où les cyberattaques sont devenues monnaie courante, certaines d’entre elles prennent des formes de plus en plus inattendues. Dernière illustration en date : la tentative d’un pirate nord-coréen de s’introduire chez Kraken, un géant américain de la crypto-monnaie, en se faisant passer pour un ingénieur informatique lors d’un processus de recrutement. Loin de se faire piéger, l’entreprise a profité de l’occasion pour retourner la situation à son avantage. Ce cas, emblématique d’une stratégie de plus en plus utilisée par des groupes étatiques, révèle une sophistication inquiétante dans l’art de l’espionnage numérique. Il souligne aussi la nécessité pour les entreprises de développer des stratégies de cybersécurité toujours plus intelligentes et proactives.

L’art de l’infiltration numérique

Le scénario aurait pu passer pour une série Netflix. Il commence par une candidature en apparence banale pour un poste d’ingénieur logiciel. Mais très vite, les signaux d’alerte s’accumulent. Le nom utilisé par le candidat diffère de celui affiché sur le CV, et sa voix change à plusieurs reprises lors de l’entretien, comme si plusieurs personnes participaient en coulisses. Pour les recruteurs de Kraken, cela ne fait bientôt plus aucun doute : quelque chose cloche sérieusement.

En creusant davantage, ils découvrent que l’adresse e-mail utilisée figure sur une base de données recensant des contacts liés à des cyberattaques nord-coréennes. Le profil GitHub du candidat, pourtant bien fourni, trahit une adresse déjà compromise dans une fuite de données antérieure. Des incohérences s’ajoutent : le candidat se connecte via un VPN, accède à l’entretien depuis un Mac distant, et ses justificatifs d’identité semblent manifestement falsifiés.

L’opération devient alors pour Kraken bien plus qu’une simple procédure d’embauche. Conscients de la portée de cette tentative, les responsables de la plateforme crypto décident de transformer ce faux recrutement en véritable mission de contre-espionnage.

Une chasse au hacker méthodique

Ce que Kraken met en œuvre ensuite est digne d’un manuel d’enquête numérique. L’entreprise décide de continuer à faire progresser le faux candidat dans le processus de recrutement, tout en documentant chaque interaction. L’objectif : comprendre les tactiques utilisées par ces pirates d’un genre nouveau, qui ne cherchent plus seulement à voler des données ou des crypto-actifs, mais à infiltrer de l’intérieur les structures mêmes de leurs cibles.

L’analyse révèle alors un réseau plus vaste, composé de multiples identités, probablement gérées par un seul individu. Selon Kraken, la même personne utilisait jusqu’à quatre identités différentes pour postuler dans le secteur technologique, une stratégie visant à maximiser ses chances d’infiltration. Derrière cette façade, les traces pointent vers une opération organisée, méthodique, et clairement commanditée par un État.

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« Nous avons compris que nous n’avions pas affaire à un candidat isolé, mais à une entité structurée avec des méthodes bien rodées« , confie Nick Percoco, directeur de la sécurité de Kraken.

Une cyberattaque à visage humain

Le point culminant de cette opération d’infiltration déguisée en recrutement est atteint lors d’un « entretien d’alchimie » avec Percoco et d’autres responsables de l’équipe de sécurité. L’objectif ? Piéger le candidat en le confrontant à des questions que seul un résident légitime de la ville qu’il prétend habiter pourrait maîtriser.

L’échange vire rapidement à l’absurde : le faux ingénieur se montre incapable de présenter une pièce d’identité valable, hésite lorsqu’on lui demande de nommer un restaurant local, et évite les questions précises sur sa localisation. Pour Kraken, cela ne fait plus de doute : l’imposteur est démasqué.

Mais au-delà de ce cas isolé, c’est un mode opératoire entier qui est mis en lumière. Car ce n’est pas la première fois que les États-Unis — et d’autres pays — signalent des tentatives d’infiltration de la part de la Corée du Nord dans des entreprises du secteur numérique et de la blockchain.

Selon Chainalysis, les hackers nord-coréens ont volé pour plus de 1,5 milliard d’euros en crypto-monnaie depuis 2017.

La crypto, terrain de jeu stratégique pour Pyongyang

Pour comprendre pourquoi des pirates nord-coréens s’attaquent aux entreprises de la blockchain, il faut revenir à la situation géopolitique du pays. Sous embargo international, asphyxié économiquement, le régime de Pyongyang voit dans la cybercriminalité une source de financement à la fois lucrative et difficile à tracer. Les crypto-monnaies, par leur nature décentralisée et pseudonyme, sont idéales pour contourner les sanctions.

Le groupe Lazarus, célèbre collectif de hackers affilié à la Corée du Nord, a déjà été identifié dans plusieurs attaques d’envergure visant des portefeuilles numériques, des plateformes d’échange ou des projets DeFi. En 2022, le piratage du jeu Axie Infinity aurait rapporté près de 620 millions de dollars (environ 580 millions d’euros) à ce groupe.

Ces opérations, parfois menées sous couvert de recrutements frauduleux ou d’ingénierie sociale, montrent à quel point les frontières entre guerre numérique, espionnage et cybercriminalité sont devenues floues.

Face à cette nouvelle forme de menace, les entreprises technologiques sont contraintes de revoir leurs protocoles de recrutement. Ce qui relevait autrefois du simple échange de CVs et d’entretiens vidéo devient désormais une zone à haut risque, où la vigilance doit être constante.

Kraken recommande, par exemple, de varier les méthodes de vérification, d’éviter les questions de contrôle classiques et répétées, et d’introduire des tests en temps réel. Car si les vrais candidats s’adaptent facilement, les imposteurs — surtout ceux opérant à distance sous de fausses identités — sont souvent déstabilisés par l’imprévu.

Un avant-goût de la cyberguerre du futur ?

L’histoire de Kraken est loin d’être un cas isolé. Elle illustre une tendance lourde, où les menaces ne viennent plus seulement des failles logicielles mais aussi des failles humaines. Dans un univers où les intelligences artificielles, les deepfakes et les identités numériques deviennent monnaie courante, il devient urgent pour les entreprises d’intégrer la cybersécurité à tous les niveaux, y compris dans les services les plus inattendus comme les ressources humaines.

Elle pose aussi une question plus large sur l’avenir des relations internationales. Si des États comme la Corée du Nord utilisent des moyens détournés pour contourner les sanctions, détourner des fonds et espionner des infrastructures critiques à l’échelle mondiale, comment garantir la souveraineté numérique des nations et la sécurité des entreprises dans un monde de plus en plus interconnecté ?

Au cœur de cette stratégie, on trouve la GenAI, l’intelligence artificielle générative, dont les avancées fulgurantes ont ouvert des possibilités presque illimitées en matière de création de contenus crédibles. Ce sont précisément ces outils, conçus à l’origine pour accélérer les processus créatifs, qui sont aujourd’hui détournés pour fabriquer des identités numériques fictives, rédiger des CV adaptés à chaque offre d’emploi, passer des entretiens en vidéo, et même interagir avec des collègues, le tout sans jamais révéler la véritable nature des « employés ». Derrière les écrans, c’est en réalité une armée coordonnée d’agents nord-coréens qui œuvre à distance, avec un objectif clair : contourner les sanctions économiques imposées par la communauté internationale et alimenter les finances de Pyongyang.

« Ferme de laptops » : le nouveau visage de l’espionnage numérique

Le terme peut sembler anodin, presque trivial. Pourtant, les « fermes de laptops » désignent des structures logistiques discrètes mais essentielles à l’efficacité de cette stratégie. Installées dans des pays tiers — parfois même aux États-Unis — ces plateformes sont dirigées par des facilitateurs : des individus chargés de réceptionner les ordinateurs envoyés par les entreprises, de configurer les machines, de créer les accès aux services internes et d’assurer la coordination entre les travailleurs fictifs et leurs employeurs.

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En 2024, un de ces facilitateurs a été identifié sur le sol américain. Il pilotait un centre dans lequel il aidait une équipe de faux travailleurs nord-coréens à maintenir leur couverture professionnelle, tout en leur garantissant un accès sécurisé aux infrastructures de leurs entreprises clientes. Et ce cas n’est pas isolé. En 2025, les autorités ont démantelé un réseau basé en Caroline du Nord, à l’origine de l’infiltration de dizaines de « collaborateurs » dans des entreprises américaines. Derrière chaque faux profil, il ne s’agissait pas d’un individu isolé, mais d’un maillon dans une organisation structurée, avec des tâches réparties, des comptes simulés, et une discipline inspirée des services secrets.

Grâce à l’IA, un faux développeur nord-coréen peut désormais passer un entretien en visioconférence avec un deepfake vocal et visuel, sans éveiller les soupçons.

Le rôle central de l’IA dans ces opérations dépasse la simple rédaction de documents. Les plateformes de génération de CV, dotées d’algorithmes d’apprentissage profond, permettent d’ajuster chaque document aux exigences des offres ciblées. Les candidats fictifs utilisent aussi des outils de suivi de candidature pour identifier les opportunités les plus accessibles, contourner les filtres automatiques et maximiser leurs chances de réussite. Plus inquiétant encore : certains facilitateurs publient eux-mêmes de fausses offres d’emploi, dans le seul but de comprendre les critères de sélection des recruteurs et de perfectionner leurs faux profils.

Les entretiens, étape souvent perçue comme décisive dans un processus de recrutement, ne constituent plus un frein pour ces acteurs malveillants. Grâce aux progrès du deepfake, un candidat peut aujourd’hui apparaître en visioconférence avec un visage généré par IA, synchronisé en temps réel avec une voix artificielle. Le tout est géré depuis les fermes de laptops, où plusieurs opérateurs se répartissent les tâches techniques et sociales, allant même jusqu’à interagir avec des collègues sur Slack ou GitHub pendant les heures de bureau.

En s’appuyant sur des plateformes RH factices, les espions nord-coréens retournent les algorithmes de recrutement contre les entreprises elles-mêmes.

Les conséquences sont multiples et préoccupantes. D’un point de vue économique, ces travailleurs infiltrés génèrent des devises étrangères — parfois plusieurs milliers de dollars par mois — qui échappent aux sanctions. À titre d’exemple, un développeur freelance employé sur des projets blockchain peut facturer entre 80 et 120 dollars de l’heure, soit environ 75 à 112 euros de l’heure. En travaillant simultanément sur plusieurs projets à distance, un seul individu peut engranger plus de 20 000 dollars (environ 18 700 euros) par mois. En réalité, ce n’est pas un individu, mais une équipe entière qui se partage les tâches et les revenus.

Sur le plan sécuritaire, ces intrusions fragilisent les systèmes d’information des entreprises. Même sans accès direct à des données sensibles, un faux collaborateur peut introduire des portes dérobées, siphonner des bases de données, ou compromettre l’intégrité des logiciels développés. Pour les entreprises visées, il devient alors presque impossible de retracer les actions malveillantes tant les identités ont été soigneusement élaborées.

Un défi pour les ressources humaines et la cybersécurité

Face à cette sophistication, les responsables RH et les équipes de cybersécurité se retrouvent démunis. Les procédures de vérification traditionnelles — entretiens, contrôles de références, tests techniques — ne suffisent plus. Certains experts recommandent désormais d’intégrer des audits réguliers des postes en télétravail, de renforcer la vérification biométrique ou de développer des systèmes d’authentification comportementale. Mais chaque avancée dans la détection semble aussitôt contournée par de nouveaux outils d’IA, toujours plus efficaces et difficilement traçables.

Paradoxalement, ce sont parfois les outils de sécurité eux-mêmes qui sont exploités à l’envers. En testant leurs faux profils contre des algorithmes de filtrage automatique, les agents nord-coréens affinent leur stratégie jusqu’à obtenir un taux de réussite optimal. Chaque échec devient une donnée d’apprentissage. Ce jeu du chat et de la souris algorithmique transforme les plateformes RH en véritables laboratoires de la désinformation.

Les États-Unis ne sont pas les seuls touchés. L’Europe, l’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient sont également ciblés. Des cas similaires ont été signalés en Allemagne, au Japon, et aux Émirats arabes unis, avec des modus operandi identiques. L’usage de VPN sophistiqués, l’obfuscation d’empreintes numériques et la segmentation géographique des connexions rendent l’attribution des faits extrêmement difficile. Les infrastructures de cloud sont utilisées pour dissimuler les mouvements de données et compartimenter les responsabilités.

Vers une militarisation numérique du télétravail

L’émergence des « Wagemoles », ces travailleurs clandestins manipulés par l’État nord-coréen, interroge la manière dont le monde du travail s’est transformé. Le télétravail, jadis perçu comme une libération des contraintes géographiques, devient une faille systémique. La promesse d’un recrutement mondial et diversifié se heurte à la réalité géopolitique : des régimes autoritaires exploitent les règles du jeu à leur avantage, tout en restant invisibles.

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Le terme « Wagemole », contraction de wage (salaire) et mole (taupe), évoque à la fois l’avidité financière et l’infiltration silencieuse. Il cristallise les dérives d’un monde numérique sans frontières, où la confiance repose sur des pixels et des métadonnées. Dans ce théâtre d’ombres, l’intelligence artificielle n’est plus seulement un outil, mais un personnage à part entière — parfois allié, parfois ennemi.

Si l’on ignore encore combien d’entreprises ont été infiltrées avec succès, les premières estimations font état de centaines d’opérations en cours, réparties sur tous les continents. Certaines sociétés, souvent des startups en pleine croissance, n’ont tout simplement pas les moyens de détecter de telles menaces. D’autres choisissent de garder le silence pour éviter les conséquences en termes d’image ou de responsabilité légale.

Dans un monde de plus en plus interconnecté, comment s’assurer que derrière l’écran se cache bien la personne que l’on croit embaucher ?

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Cyberattaque chez Co-op : les révélations accablantes des pirates

Les pirates du groupe DragonForce affirment avoir volé les données de 20 millions de membres de la coopérative britannique Co-op, malgré les démentis initiaux de l’entreprise.

Alors que la cybersécurité est devenue un enjeu majeur pour les entreprises du monde entier, une nouvelle attaque d’envergure secoue le Royaume-Uni. Le géant britannique de la distribution, Co-op, a été victime d’un piratage informatique attribué au groupe DragonForce, un collectif notoire dans le milieu du rançongiciel. Ce dernier affirme avoir exfiltré d’importantes quantités de données sensibles, concernant à la fois des employés et des clients de l’entreprise. Malgré une communication initiale rassurante de la part de Co-op, les révélations faites à la BBC par les pirates eux-mêmes, accompagnées de preuves concrètes, jettent une lumière inquiétante sur l’ampleur réelle de la brèche.

DragonForce, connu pour ses opérations d’extorsion numérique, a contacté la BBC pour fournir des captures d’écran de son message initial envoyé au chef de la cybersécurité de Co-op. Ce message, daté du 25 avril, a été transmis via Microsoft Teams, une méthode de communication inhabituelle mais révélatrice du niveau d’infiltration atteint par le groupe. Dans un geste encore plus audacieux, les pirates ont ensuite tenté un appel direct au responsable de la sécurité de Co-op, cherchant vraisemblablement à forcer une négociation ou à démontrer leur contrôle sur les systèmes internes.

L’entreprise a dans un premier temps minimisé l’incident, déclarant qu’aucune donnée client ne semblait avoir été compromise. Mais quelques jours plus tard, face à l’accumulation de preuves, Co-op a dû reconnaître que des acteurs malveillants avaient bel et bien eu accès à des informations appartenant à des membres actuels et passés. Les pirates, quant à eux, affirment avoir mis la main sur les données de 20 millions de membres inscrits au programme de fidélité de Co-op — un chiffre que la société n’a pas confirmé, alimentant ainsi la confusion et les spéculations.

« Les pirates ont eu accès aux identifiants du personnel, à 10 000 dossiers clients, aux numéros de carte de membre, noms, adresses et coordonnées personnelles », rapporte la BBC.

Si l’on en croit les informations transmises par DragonForce, la portée de l’attaque dépasse de loin ce que l’on craignait. Les hackers disent avoir infiltré les équipes internes de l’entreprise, récupérant notamment les identifiants de connexion de plusieurs employés. Ils auraient aussi exfiltré au moins 10 000 dossiers clients contenant noms, adresses postales, adresses e-mail, numéros de téléphone et numéros de carte de membre Co-op. La BBC précise qu’elle a pu consulter un échantillon de ces données et qu’après vérification, celles-ci ont été détruites.

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Co-op a toutefois tenu à rassurer ses membres : selon un porte-parole, les informations volées n’incluraient ni les mots de passe, ni les coordonnées bancaires, ni les données de carte de crédit. Les informations relatives aux transactions ou aux services souscrits par les clients seraient également épargnées. Un soulagement relatif pour les consommateurs, mais qui ne dissipe pas l’inquiétude sur la gestion de la crise par l’entreprise.

Cette affaire relance le débat sur la transparence des entreprises victimes de cyberattaques. Car si Co-op a fini par admettre l’intrusion, son refus de confirmer l’ampleur exacte du vol de données alimente les doutes. Pour les experts en cybersécurité, cette stratégie de communication minimaliste est risquée. Elle nuit à la confiance des clients et pourrait exposer l’entreprise à des sanctions réglementaires, notamment dans le cadre du RGPD européen, qui impose des délais stricts et des obligations de notification en cas de fuite de données personnelles.

DragonForce, qui a également revendiqué une attaque récente contre M&S et affirmé avoir tenté de pirater Harrods, fonctionne selon un modèle bien rodé. Le groupe diffuse ses outils via un réseau d’affiliés, en échange d’un pourcentage sur les rançons obtenues. Cette approche de la cybercriminalité, qui rappelle les logiques de start-up, lui permet de multiplier les attaques tout en diversifiant ses cibles. Les experts estiment que le groupe est constitué majoritairement d’adolescents anglophones, animés à la fois par des motivations financières et une forme de défi idéologique envers les grandes entreprises.

Les canaux de communication utilisés par DragonForce, notamment Telegram et Discord, jouent un rôle central dans leur stratégie. Ils y diffusent les preuves de leurs attaques, publient des listes de victimes et parfois même des données volées, exerçant ainsi une pression publique sur les organisations ciblées. Cette tactique s’avère redoutablement efficace : l’exposition médiatique incite certaines entreprises à céder au chantage pour éviter que leurs informations confidentielles ne soient divulguées sur Internet.

La question de savoir si Co-op a reçu une demande de rançon demeure floue. L’entreprise ne s’est pas exprimée sur ce point, mais le message envoyé via Microsoft Teams laisse penser que les pirates cherchaient à ouvrir un canal de négociation. Refuser de répondre publiquement à cette question pourrait s’expliquer par le souhait de ne pas encourager d’autres attaques similaires, ou par la simple volonté de limiter les retombées médiatiques.

Au-delà du cas Co-op, cette cyberattaque illustre une évolution préoccupante du paysage numérique. Les cybercriminels n’hésitent plus à cibler des structures de grande envergure, à compromettre leurs systèmes internes et à se servir des médias pour amplifier leur pouvoir de nuisance. Dans un contexte où les données personnelles constituent un actif stratégique, les entreprises doivent redoubler de vigilance, investir dans des dispositifs de protection plus robustes et surtout adopter une posture de transparence active dès qu’une faille est détectée.

D’un point de vue juridique, le vol présumé de données de millions de clients pourrait entraîner des poursuites et des sanctions. Si le chiffre de 20 millions de personnes concernées venait à être confirmé, il s’agirait d’une des violations de données les plus importantes qu’ait connues le Royaume-Uni ces dernières années. À l’échelle européenne, les conséquences seraient tout aussi significatives, notamment en matière de régulation et de cybersécurité.

Dans ce climat tendu, les entreprises sont appelées à repenser leurs protocoles de réponse aux incidents, à renforcer la formation de leurs employés et à mettre en place des dispositifs de surveillance avancés. La collaboration avec les autorités judiciaires et les experts en cybersécurité devient également essentielle pour contenir les dégâts, identifier les auteurs et prévenir de nouvelles intrusions.

La cyberattaque contre Co-op agit donc comme un électrochoc. Elle met en lumière les failles d’un système encore trop vulnérable face à des pirates toujours plus organisés, inventifs et audacieux. Elle rappelle également aux consommateurs l’importance de la vigilance numérique : changer régulièrement ses mots de passe, surveiller ses relevés bancaires et être attentif aux communications inhabituelles sont devenus des gestes de prudence élémentaires.

Alors que les menaces numériques s’intensifient et que les groupes comme DragonForce gagnent en influence, une question essentielle demeure : comment les entreprises peuvent-elles regagner la confiance du public et garantir la sécurité de nos données dans un monde de plus en plus connecté ?

Harrods a confirmé une cyberattaque

Après des incidents similaires subis par M&S et Co-op, ce qui en fait le troisième grand détaillant britannique ciblé en quelques jours. Le grand magasin de luxe Harrods a confirmé la cyberattaque. « Nous avons récemment été confrontés à des tentatives d’accès non autorisé à certains de nos systèmes », a pu lire DataSecuritybreach.fr dans un communiqué publié par l’entreprise. « Notre équipe de sécurité informatique expérimentée a immédiatement pris des mesures proactives pour assurer la sécurité des systèmes et, par conséquent, nous avons restreint l’accès à Internet sur nos sites aujourd’hui.« 

En réponse à l’attaque, l’entreprise a « restreint l’accès à Internet sur ses sites« , mais le site de Harrods est resté en ligne. Harrods n’a pas fourni de détails techniques sur les attaques, et il n’est pas clair s’il a subi une violation de données.

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Une faille vieille de six ans compromet le commerce en ligne mondial

Un code malveillant enfoui depuis 2019 dans des extensions Magento vient d’être activé, affectant entre 500 et 1 000 boutiques en ligne, dont une entreprise pesant 40 milliards de dollars.

Depuis une semaine, la communauté de la cybersécurité est en alerte maximale. Une attaque sophistiquée de la chaîne d’approvisionnement, dissimulée depuis six ans dans des extensions Magento, a permis à des pirates de prendre le contrôle de centaines de boutiques en ligne. L’ampleur du piratage dépasse les frontières du simple incident technique : elle met en lumière les risques systémiques liés à l’économie numérique, notamment dans le secteur du commerce électronique. Selon le cabinet de cybersécurité Sansec, à l’origine de la découverte, des acteurs malveillants ont compromis des serveurs de téléchargement d’extensions utilisées par des centaines d’e-commerçants à travers le monde. Une faille dormante, activée seulement récemment, a permis une intrusion massive et coordonnée.

L’attaque, qui cible le cœur du fonctionnement des boutiques Magento, repose sur une technique redoutable : le piratage des extensions logicielles fournies par des développeurs tiers. Dans ce cas précis, 21 modules commercialisés ou distribués entre 2019 et 2022 ont été infectés par une porte dérobée, masquée dans une fausse vérification de licence. Cette dernière permet aux hackers de charger un fichier à distance, sans authentification pour les versions les plus anciennes, ou via une clé secrète dans les plus récentes. Grâce à cette faille, les attaquants pouvaient injecter du code arbitraire dans les serveurs des e-commerçants et potentiellement accéder aux données des clients, aux informations de paiement ou encore aux paramètres de configuration sensibles.

Les fournisseurs impliqués sont trois noms bien connus de l’écosystème Magento : Tigren, Meetanshi et Magesolution (MGS). Tous trois proposent depuis plusieurs années des modules d’optimisation pour les boutiques en ligne : ajouts au panier plus fluides, gestion des cookies, localisation des magasins ou encore intégration avec les réseaux sociaux. Autant d’outils précieux pour les commerçants, mais qui se sont révélés être, dans ce cas précis, des chevaux de Troie. Les backdoors ont été identifiées dans des extensions telles que Ajaxsuite, RGPD, Lookbook, ou encore Facebook Chat, avec une même signature : un fichier License.php ou LicenseApi.php détourné de sa fonction initiale.

« Une multinationale pesant 40 milliards de dollars est parmi les victimes« 

Le scénario découvert est d’autant plus inquiétant que la compromission initiale remonte à plusieurs années. Le code malveillant aurait été injecté dès 2019, voire plus tôt, mais n’a été activé qu’en avril 2025. Cette stratégie dite de « dormance » est particulièrement redoutée en cybersécurité : elle permet à l’attaquant de rester invisible pendant des années, jusqu’au jour où il décide d’agir. Le fait que l’abus réel n’ait commencé qu’en avril interroge les experts : s’agissait-il d’une phase de test, ou d’une attaque mûrement planifiée pour coïncider avec une période stratégique, comme la saison des ventes en ligne ? Les implications sont majeures.

La réaction des fournisseurs concernés jette une lumière crue sur la difficulté de gérer de telles crises. Tigren nie avoir été piraté, malgré les preuves techniques et le maintien en ligne de ses extensions compromises. Meetanshi, plus transparent, admet que son serveur a bien été compromis, sans pour autant reconnaître d’altération de ses packages. Quant à Magesolution, il n’avait toujours pas répondu aux sollicitations lors de l’écriture de l’article de DataSecurityBreach.fr. Un silence qui interroge, alors même que ses modules restent disponibles au téléchargement, porte dérobée incluse.

L’analyse révèle que chaque backdoor possède un nom, un chemin et une somme de contrôle uniques. Cela suggère une attaque particulièrement sophistiquée, menée avec minutie pour éviter toute détection automatisée. Cette personnalisation complique le travail des systèmes antivirus et des scanners de sécurité, qui peinent à identifier une menace qui ne se répète pas à l’identique. De plus, les hackers ont utilisé un fichier appelé registration.php pour activer la fausse vérification de licence, une méthode subtile permettant de ne pas éveiller les soupçons des développeurs ou des administrateurs de sites.

« Il est rare qu’une porte dérobée reste indétectée pendant six ans, mais il est encore plus étrange que les abus réels ne commencent que maintenant »

D’un point de vue technique, la faille repose sur une fonction appelée « adminLoadLicense », qui exécute en PHP le contenu d’une variable contrôlée par l’attaquant : $licenseFile. C’est cette porte d’entrée qui permet l’exécution de code à distance. Dans les versions anciennes des extensions, aucune authentification n’était requise pour charger un fichier, ce qui rendait l’attaque encore plus facile à mener. Les versions plus récentes imposent une clé secrète, mais celle-ci a manifestement été compromise, ou générée de manière prévisible.

Au-delà de l’aspect technique, cette attaque soulève des questions majeures sur la sécurité des chaînes d’approvisionnement logicielles. Dans un monde numérique où la majorité des entreprises s’appuient sur des composants tiers pour bâtir leurs infrastructures, la confiance dans les fournisseurs devient un enjeu vital. Lorsque cette confiance est trahie, les conséquences sont catastrophiques. Dans ce cas, non seulement les commerçants ont été exposés, mais également les consommateurs, dont les données personnelles et financières ont pu être compromises.

Le modèle économique des extensions Magento accentue ce risque. Bon nombre de ces modules sont gratuits ou à faible coût, développés par des petites entreprises ou des indépendants qui n’ont pas les moyens de mettre en place des processus de sécurité avancés. Et même lorsque des vérifications existent, elles se concentrent souvent sur les fonctionnalités visibles, non sur des fichiers apparemment anodins comme License.php. Cette attaque démontre qu’il est désormais impératif d’intégrer des audits de sécurité profonds, même pour les composants considérés comme mineurs.

À l’échelle globale, cette faille pourrait entraîner un regain de méfiance envers les plateformes open source comme Magento. Pourtant, le problème ne vient pas de la plateforme elle-même, mais de l’écosystème de modules tiers non suffisamment contrôlés. Des géants comme Adobe, propriétaire de Magento, devront sans doute revoir leurs processus de validation et encourager les utilisateurs à auditer les packages avant toute installation. La multiplication des attaques de ce type, SolarWinds, Log4j, et maintenant Magento, montre que la chaîne d’approvisionnement numérique est devenue le nouveau front du cybercrime.

Les conséquences économiques exactes de l’attaque restent à évaluer. Si une multinationale de 40 milliards de dollars est impliquée, les pertes potentielles pourraient se chiffrer en millions d’euros. Outre l’atteinte à la réputation, il faudra aussi compter avec les frais de mise à jour des systèmes, les audits de sécurité, les signalements aux régulateurs et, possiblement, des plaintes de clients. Le RGPD prévoit en effet des sanctions sévères en cas de fuite de données due à une négligence dans la chaîne de traitement.

Dans l’immédiat, il est recommandé aux commerçants en ligne utilisant les extensions concernées de les supprimer sans délai, de scanner leurs serveurs à la recherche de fichiers suspects et d’auditer les accès réseau. Il est également conseillé de mettre en place un suivi automatisé de l’intégrité des fichiers, pour détecter rapidement toute modification suspecte.

Cette attaque soulève une inquiétude légitime : combien d’autres portes dérobées dorment encore dans nos infrastructures numériques ?

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Ukraine assiégée : l’autre front de la cyberguerre contre la Russie

Les cyberattaques contre l’Ukraine ont bondi de 48 % au second semestre 2024, mais derrière cette hausse se cache une guerre numérique où sabotage, désinformation et ciblage militaire redéfinissent les règles de la cybersécurité.

Depuis 2022, l’Ukraine ne mène pas seulement une guerre sur le terrain : elle affronte une guerre numérique sans précédent. Les cyberattaques, longtemps considérées comme un théâtre secondaire du conflit russo-ukrainien, se révèlent aujourd’hui être un front central, intégré aux opérations militaires et stratégiques. Le dernier rapport du CERT-UA, le centre ukrainien d’intervention d’urgence informatique, dresse un tableau inquiétant pour le second semestre 2024 : une augmentation vertigineuse du nombre d’incidents, des tactiques russes de plus en plus sophistiquées, et une perméabilité croissante entre les attaques numériques et les actions militaires sur le terrain. La cyberguerre n’est plus une menace en ligne : c’est une guerre totale, hybridée, aux conséquences bien réelles pour l’État et ses citoyens.

Une explosion des incidents, une baisse trompeuse de leur gravité apparente

Derrière les chiffres du dernier rapport du CERT-UA se dessine une mutation profonde des modes opératoires. Durant la seconde moitié de 2024, l’Ukraine a enregistré 2 576 incidents de cybersécurité, soit une hausse de 48 % par rapport au semestre précédent. Un pic qui, à première vue, pourrait suggérer une intensification brute des offensives. Pourtant, dans un paradoxe apparent, les incidents jugés critiques ou de haute sévérité ont chuté de 77 %. Ce recul ne traduit pas une accalmie, mais un changement de méthode. Les attaques ne sont pas moins dangereuses, elles sont simplement plus furtives. Mieux dissimulées, elles échappent aux radars classiques, brouillant les seuils de détection.

Les campagnes de diffusion de malwares ont doublé (+112 %), avec une industrialisation inquiétante du phishing. L’utilisation de plateformes légitimes comme Google Drive ou GitHub pour héberger des malwares marque un tournant : les attaquants se greffent sur des infrastructures de confiance pour franchir les défenses les plus robustes. En parallèle, les actions menées contre le réseau électrique ukrainien montrent une synergie inédite entre le cyber et le cinétique. Désormais, une attaque numérique peut précéder un tir de missile, dans un ballet destructeur où chaque faille informatique devient une brèche stratégique.

Les attaques cyber précèdent désormais les frappes de missiles, selon le CERT-UA, soulignant la fusion entre guerre numérique et militaire.

L’armée comme champ de bataille numérique

Le monde militaire, longtemps perçu comme un bastion sécurisé, devient aujourd’hui une cible prioritaire — et un terrain d’affrontement numérique. Le rapport du CERT-UA révèle que plusieurs outils malveillants, dont les implants FIRMACHAGENT et le malware historique SPECTR, ont été déployés pour infiltrer les communications militaires, intercepter des données GPS ou dérober des identifiants d’applications de messagerie comme Signal.

Les groupes d’attaque russes identifiés sous les appellations UAC-0020 (Vermin) ou UAC-0180 ont multiplié les campagnes contre les systèmes de partage de fichiers, les dispositifs de surveillance ou les communications tactiques. Dans un cas documenté, des malwares ont été diffusés sous la forme d’applications Android militaires factices, clones de logiciels authentiques, mais dotés de fonctionnalités d’espionnage poussées. Ces applications malveillantes, souvent partagées via Signal, injectaient du code Java malicieux et prenaient le contrôle des téléphones infectés. Il ne s’agissait plus seulement d’espionner, mais bien d’altérer le cours d’opérations sur le terrain.

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L’infrastructure civile, nouvelle cible stratégique

Les cyberattaques ne visent plus seulement les militaires : elles frappent aussi les civils au cœur de leur quotidien. En décembre 2024, le piratage des registres étatiques du ministère de la Justice ukrainien a provoqué une paralysie brutale : passeports bloqués, transactions immobilières suspendues, franchissements de frontières interrompus. Au-delà des désagréments administratifs, cet épisode a illustré avec force que les infrastructures numériques civiles sont devenues des instruments de guerre.

Cette nouvelle réalité modifie l’équation stratégique. Un serveur compromis peut désormais équivaloir à une route détruite ou à une centrale visée. Chaque attaque contre des services publics, des systèmes de santé ou des bases de données démographiques devient une manière de miner la résilience de l’État ukrainien — non plus par la violence, mais par la paralysie numérique.

Chaînes d’approvisionnement : la nouvelle porte d’entrée

Face au durcissement des systèmes critiques, les groupes de pirates changent de stratégie : ils s’attaquent aux maillons faibles, souvent négligés. Les prestataires, sous-traitants ou éditeurs de logiciels tiers deviennent les nouvelles cibles. CERT-UA souligne que plusieurs campagnes d’intrusion sont passées par des failles dans des outils comme GeoServer (CVE-2024-36401) ou WinRAR (CVE-2023-38831), infiltrant les organisations par des dépendances compromises.

Ce déplacement vers les chaînes d’approvisionnement n’est pas sans rappeler l’affaire SolarWinds, mais dans une version localisée, plus discrète et persistante. En exploitant la confiance accordée à certains fournisseurs, les attaquants parviennent à contourner les barrières de sécurité les plus robustes, instaurant une vulnérabilité systémique difficile à colmater.

Les intrusions par la chaîne d’approvisionnement deviennent la norme : un modèle d’attaque silencieuse mais redoutablement efficace.

Des groupes connus, mais toujours plus innovants

Les visages de la cyberguerre ne changent pas, mais leurs méthodes, oui. Des groupes comme UAC-0001 (plus connu sous le nom d’APT28) ou UAC-0050 ont modernisé leurs arsenaux. Finies les vieilles macros en Visual Basic. Place aux QR-codes piégés, aux faux CAPTCHAs et aux fichiers d’archives infectés. L’objectif reste le même : exfiltrer des données, compromettre des comptes, désorganiser les communications. Mais les moyens sont désormais calibrés au millimètre, ciblés, déguisés et adaptés à chaque profil.

Derrière ces attaques se cache un travail d’ingénierie sociale aussi poussé que leur codage. Les campagnes de spear phishing — très ciblées — exploitent la psychologie humaine autant que les vulnérabilités logicielles. Une simple invitation à une conférence peut se révéler être un cheval de Troie redoutable, délivrant un script PowerShell à l’insu de l’utilisateur.

Malgré les difficultés, les défenses ukrainiennes s’organisent. Le CERT-UA, avec l’appui d’alliés internationaux, déploie des réseaux de capteurs, des plateformes d’analyse comportementale et des outils de cartographie des menaces. Certaines attaques sont stoppées avant leur exécution complète — des « quasi-incidents » grâce à une meilleure anticipation.

Mais l’ampleur du défi reste vertigineuse. Les cybercriminels exploitent désormais des failles zéro-day dans les 12 à 24 heures suivant leur divulgation. Dans ce contexte, chaque retard de mise à jour peut ouvrir une brèche irréparable. Seule une stratégie proactive, axée sur la chasse aux menaces et le partage d’informations, peut offrir une chance de garder une longueur d’avance.

Guerre psychologique : la frontière invisible

Si les logiciels malveillants captent l’attention, l’autre volet de cette guerre est silencieux, insidieux : celui de la désinformation et de l’ingénierie sociale. Les opérations d’influence psychologique (IPSO), pilier de la stratégie russe, cherchent à semer le doute, la peur et la méfiance parmi la population. Même un piratage raté peut suffire à provoquer une panique ou à éroder la confiance dans les institutions.

Des campagnes de phishing ciblent directement les citoyens via Signal ou WhatsApp. Les données volées ne servent pas qu’à l’espionnage : elles alimentent des récits falsifiés, sont manipulées dans des campagnes de désinformation, et servent à intoxiquer le débat public.

La guerre en Ukraine montre que la cybersécurité ne peut plus être cantonnée à des pare-feu ou à des antivirus. Elle doit désormais intégrer des considérations géopolitiques, sociales et militaires. La cyberguerre ne se joue pas seulement sur des claviers, mais dans les centrales électriques, les casernes, les hôpitaux, et jusque dans la poche des citoyens.

À l’heure où la Russie perfectionne ses tactiques hybrides, la question n’est plus de savoir si les attaques vont continuer, mais si les défenseurs réussiront à évoluer plus vite que leurs adversaires. Cette course contre la montre est-elle tenable sur le long terme ?

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