Une faille de confidentialité chez KBC Securities Services a mis en péril les données financières de milliers de clients, révélant des informations sensibles à des tiers non autorisés.
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C’est un dysfonctionnement aux conséquences sérieuses. KBC Securities Services, filiale du groupe bancaire belge KBC spécialisée dans la gestion de titres pour le compte de grandes fortunes, d’investisseurs institutionnels et de banques privées, a reconnu avoir envoyé, par erreur, des informations financières sensibles à des destinataires pour lesquels ces données n’étaient pas destinées. L’incident, d’origine humaine selon les premières conclusions, touche environ 5 000 clients, soulevant des inquiétudes majeures en matière de protection des données et de confidentialité bancaire.
L’incident s’est produit dans le cadre des activités de KBC Securities Services, un acteur discret mais influent dans l’univers de la gestion d’actifs. Ce service fournit notamment des documents détaillant la composition des portefeuilles, les montants investis, les valeurs des actions détenues, et d’autres informations à caractère financier et personnel. Selon plusieurs témoignages recueillis par le quotidien économique belge De Tijd, certains destinataires de ces documents ont rapidement pu identifier d’autres clients à partir des informations reçues. Un des témoins, lui-même destinataire erroné, a confié avoir reconnu un actionnaire connu dont le portefeuille affichait une valeur très importante.
« Il m’a suffi de quelques clics pour identifier certains titulaires de portefeuille. L’un d’eux est actionnaire dans une entreprise cotée très connue. Les montants figurant dans le document étaient loin d’être négligeables« , explique-t-il, soulignant la gravité de la fuite.
Selon les premières explications fournies par KBC, l’erreur serait liée à un prestataire externe chargé de générer et d’envoyer les documents aux clients. Un dysfonctionnement dans le processus aurait conduit à l’envoi croisé de documents, affectant un « nombre limité » de clients, selon le vocabulaire prudemment choisi par la banque. Mais ce « nombre limité » équivaut tout de même à environ 5 000 personnes, soit une proportion non négligeable au regard du profil hautement sensible de la clientèle concernée.
Dans sa déclaration officielle, KBC Securities Services tente de contenir les dégâts. L’entreprise affirme avoir immédiatement réagi pour corriger l’erreur, informer les clients touchés et prendre des mesures pour empêcher qu’un tel incident ne se reproduise. « La protection des données personnelles de nos clients est l’une de nos plus grandes priorités », indique le communiqué, sans donner davantage de détails sur la nature des mesures prises.
Une violation de ce type peut exposer une institution financière à des sanctions lourdes, jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial du groupe, comme le prévoit le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Toutefois, les experts interrogés par la presse belge estiment qu’une amende de cette ampleur est peu probable dans ce cas précis, en raison de la nature accidentelle de la fuite et de la réponse rapide de la banque.
L’enjeu principal ne se situe peut-être pas au niveau pécuniaire, mais bien dans la confiance des clients. La réputation de discrétion et de fiabilité de KBC Securities Services pourrait en sortir sérieusement écornée. Dans le secteur très concurrentiel de la gestion de fortune, où la confidentialité est une condition sine qua non de la relation client, ce type d’incident peut provoquer un désengagement rapide et discret de clients fortunés vers des institutions jugées plus sûres.
Certains clients envisagent d’ailleurs de porter plainte ou d’engager des actions en justice, toujours selon De Tijd. Un juriste spécialisé dans la protection des données personnelles estime que les clients ayant subi un préjudice — par exemple la divulgation de données à des concurrents ou des relations personnelles — pourraient obtenir réparation si un lien de causalité est démontré. Toutefois, prouver que la réception d’un mauvais document a directement nui à un client reste complexe, même si le préjudice moral et psychologique est évident.
« Un préjudice réputationnel peut suffire à motiver une action en justice, surtout si les montants en jeu ou les informations révélées sont significatifs », souligne-t-il.
Le secteur financier belge, déjà ébranlé par diverses cyberattaques ces dernières années, voit ainsi se poser une nouvelle menace : celle de la faille humaine. Les institutions bancaires ont massivement investi dans la cybersécurité, mais une simple erreur humaine dans une chaîne externalisée suffit à mettre à nu les limites d’un système pourtant très sécurisé. Cette affaire met également en lumière une problématique souvent sous-estimée : le rôle des sous-traitants et prestataires dans la gestion quotidienne des données sensibles. La délégation de certaines tâches, si elle est économiquement rationnelle, ouvre aussi des brèches que la technologie ne peut entièrement combler.
L’Autorité belge de protection des données a été saisie de l’affaire, mais n’a pour l’heure formulé aucun commentaire officiel. Si elle décide d’ouvrir une enquête, KBC devra justifier l’ensemble des étapes ayant conduit à la fuite et démontrer la mise en œuvre de mesures correctives suffisantes. Ce processus pourrait durer plusieurs mois, voire plus, selon la complexité du dossier.
Dans l’immédiat, la banque reste sur la défensive et refuse de communiquer des détails supplémentaires. Elle affirme que l’ensemble des clients concernés ont été personnellement contactés et qu’un suivi individuel est en cours pour répondre à leurs questions et inquiétudes. Reste à savoir si cela suffira à contenir la perte de confiance induite par un tel épisode.
Cette affaire résonne comme un avertissement pour l’ensemble du secteur bancaire européen. La protection des données, en particulier celles des clients les plus fortunés, n’est pas seulement une exigence réglementaire, c’est une condition de survie dans un univers où la discrétion est une monnaie aussi précieuse que l’or.
Dès lors, la question s’impose : dans un écosystème financier de plus en plus complexe et interconnecté, peut-on encore garantir la confidentialité absolue des données, ou faudra-t-il apprendre à vivre avec le risque permanent d’une faille, aussi humaine soit-elle ?
Comment apprendre à coder sans passer par un long cursus universitaire ? Pour un nombre croissant d’adultes en reconversion, la réponse passe par un bootcamp intensif, format encore récent en France mais désormais bien installé. La Capsule fait partie des pionniers.
Créée en 2017, présente aujourd’hui dans neuf villes en France et en Europe, l’école propose une formation intensive de dix semaines pour devenir développeur web et mobile junior. Son approche est claire : apprendre en codant, chaque jour, sur des projets concrets.
Pauline, qui a terminé la formation developpement web en mars 2025, décrit une expérience à la fois intensive et gratifiante :
« J’ai adoré apprendre en travaillant sur des projets concrets, c’est vraiment motivant et formateur. Le rythme est intense, mais c’est justement ce qui permet de progresser vite et de se dépasser. »
Inspiré des écoles d’informatique, mais accompagné
À La Capsule, la journée commence par un cours théorique en petit groupe, animé par un formateur présent sur place. Ensuite, les élèves passent à la pratique, en autonomie ou en binôme, sur une série d’exercices conçus pour monter progressivement en complexité. Tout au long de la journée, l’équipe pédagogique reste disponible pour répondre aux questions, débloquer les situations et accompagner les apprentissages.
Bastien, ancien élève, y voit un équilibre réussi : « Des exercices et des projets à réaliser toute la journée, validés par un programme de tests. Mais ici, on a en plus un support de cours solide et un excellent professeur, disponible toute la journée. »
L’apprentissage est progressif et structuré. Pauline salue les supports pédagogiques : « Les notions sont super bien expliquées, on sent qu’ils ont été pensés pour vraiment nous aider à comprendre.«
H2: Une progression rapide grâce au collectif
Au-delà des outils et du contenu, plusieurs élèves insistent sur l’ambiance et l’entraide. Bastien évoque un système de binôme efficace :
« Ceux qui ont plus d’expérience renforcent leurs acquis en expliquant, et ceux qui débutent apprennent encore plus vite. J’ai vu des camarades partir de zéro et progresser à une vitesse impressionnante. » Ce travail collectif culmine dans le projet final : trois semaines de conception et développement en équipe, pour créer une application mobile ou un site web mobilisant l’ensemble des compétences acquises.
Une employabilité affichée comme priorité
Derrière l’intensité de la formation, un objectif : permettre l’insertion rapide dans un secteur en forte demande. La Capsule annonce un taux de retour à l’emploi de 90 %.
Marlène Antoinat, CEO de La Capsule, souligne : « Nous nous adressons à des personnes qui n’ont pas forcément de background tech, mais qui ont besoin d’une formation concrète, rapide, et qui débouche sur un métier. Notre rôle, c’est de leur fournir les bons outils, dans un cadre exigeant mais bienveillant.«
Un accompagnement structuré est également proposé via le Career Center : coaching personnalisé, ateliers CV, simulations d’entretiens.
Noël Paganelli, CTO, précise : « On apprend à coder, mais aussi à travailler en équipe, à expliquer ses choix techniques, à être autonome. C’est cette posture de développeur opérationnel que nous cherchons à transmettre.«
Google lance un outil de chiffrement de bout en bout pour ses courriels professionnels, mais l’extension de ce service à des adresses externes soulève de sérieuses inquiétudes en matière de cybersécurité.
Google vient de franchir une nouvelle étape dans la sécurisation des échanges numériques avec la présentation d’un outil de chiffrement de bout en bout pour les courriels, actuellement en phase bêta pour les clients de Google Workspace. À terme, la firme prévoit de rendre cette fonctionnalité accessible à toutes les adresses, y compris celles extérieures à Gmail. Cette initiative, louable en apparence, vise à démocratiser une technologie jusqu’alors réservée à une élite technophile ou à des organisations aux ressources robustes. Pourtant, cette ambition soulève des doutes parmi les spécialistes de la cybersécurité. Car derrière cette simplification se cache une potentielle brèche, notamment lorsqu’un message sécurisé est envoyé à des utilisateurs non familiers du système.
Google n’est pas novice dans l’univers de la cybersécurité. Depuis des années, la firme de Mountain View met en avant la robustesse de ses infrastructures, ses programmes de détection des menaces et sa transparence en matière de vulnérabilités. Le chiffrement de bout en bout, qui permet à deux parties de s’échanger des messages illisibles pour tout intermédiaire, constitue l’un des piliers modernes de la sécurité numérique. En intégrant cette technologie à Gmail, Google souhaite offrir une couche supplémentaire de protection aux échanges sensibles, notamment dans le monde de l’entreprise, où la confidentialité est cruciale.
Le fonctionnement de ce nouvel outil repose sur un mécanisme automatisé de gestion des clés de chiffrement, jusqu’alors un obstacle majeur à l’adoption massive de ce type de technologie. Grâce à cette automatisation, les administrateurs système peuvent activer le chiffrement à l’échelle de toute leur organisation sans nécessiter de compétences cryptographiques avancées. Pour les utilisateurs finaux, l’expérience reste intuitive : une option s’ajoute lors de la rédaction d’un message, et le reste se fait en coulisses.
« La démocratisation du chiffrement doit s’accompagner d’une éducation à la vigilance », rappelle un expert en cybersécurité.
Toutefois, le diable se cache dans les détails. L’enjeu devient plus complexe lorsque l’on sort de l’écosystème Gmail. Car si l’expéditeur utilise la nouvelle fonctionnalité pour envoyer un message chiffré à une adresse externe, le destinataire ne pourra pas le lire dans sa propre boîte de réception. Il recevra à la place une invitation à consulter le message via un compte invité, dans une version allégée et temporaire de Gmail. Un avertissement s’affiche alors, incitant à la prudence et à la vérification de l’identité de l’expéditeur.
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C’est précisément cette mécanique qui alimente les inquiétudes. En créant ce nouveau canal d’accès, Google ouvre une brèche que les cybercriminels pourraient tenter d’exploiter. Les faux courriels d’invitation, déguisés en messages légitimes, pourraient devenir un vecteur d’hameçonnage particulièrement efficace. La nouveauté du système rend les utilisateurs peu préparés à repérer les signaux d’alerte habituels. En un clic, une personne pourrait divulguer ses identifiants de messagerie ou, pire encore, ceux de son entreprise.
Ce type d’initiative, bien que motivé par des intentions positives, ajoute une couche de complexité à l’écosystème de la sécurité numérique. Et chaque nouvelle couche est aussi une nouvelle surface d’attaque.
Les experts redoutent que les liens d’accès aux messages chiffrés deviennent des appâts parfaits pour des attaques d’hameçonnage ciblées.
L’entreprise américaine veut donc simplifier le chiffrement et de le rendre plus accessible, cela pourrait produire un effet inverse si les utilisateurs ne sont pas correctement informés. Pour les destinataires qui ne disposent pas d’un compte Gmail, l’expérience s’apparente davantage à un labyrinthe d’identification qu’à un gage de sécurité. Le manque de familiarité avec l’interface, combiné à la crainte de manquer un message important, pousse certains à cliquer sans réfléchir.
Un autre risque apparait aux yeux de Datasecuritybreach.fr : celui de la fausse impression de sécurité. En recevant un message « chiffré par Google », beaucoup pourraient croire que le courriel est forcément fiable, même si l’expéditeur est inconnu. Or, le chiffrement protège le contenu, mais en aucun cas il ne garantit la légitimité de l’expéditeur. Cette confusion entre confidentialité et authentification pourrait être exploitée par des groupes malveillants.
L’enjeu est d’autant plus important que le géant américain prévoit une généralisation de l’outil d’ici la fin de l’année. À mesure que les entreprises adopteront ce système, des millions de courriels chiffrés pourraient être envoyés à des adresses personnelles, non préparées à recevoir ce type de messages. L’élargissement à un public moins technophile amplifie les risques, d’autant que les outils d’analyse automatique, comme les filtres anti-spam traditionnels, pourraient avoir du mal à distinguer les vraies invitations des fausses.
Plusieurs voix s’élèvent pour demander à Google de revoir certains aspects de son système. Parmi les propositions évoquées figurent la mise en place de contrôles d’authenticité plus visibles, la possibilité de consulter les messages chiffrés dans d’autres environnements que Gmail, ou encore une meilleure information des utilisateurs sur les risques spécifiques à ce type de communication. Mais aucune de ces solutions ne semble, à ce jour, en cours de déploiement.
Le chiffrement protège le contenu d’un message, mais ne certifie pas l’identité de celui qui l’envoie : une nuance cruciale souvent ignorée.
Ce n’est pas la première fois qu’un géant du numérique se heurte aux limites de ses propres innovations. Facebook, Microsoft ou encore Apple ont déjà été confrontés à des dilemmes similaires : comment allier sécurité avancée et accessibilité grand public sans créer de nouvelles vulnérabilités ? L’expérience montre que la réponse passe souvent par l’éducation des utilisateurs autant que par la technologie elle-même.
Google semble avoir misé sur la simplification pour favoriser l’adoption rapide de son outil. Mais cette stratégie comporte un revers. Car à vouloir rendre le chiffrement accessible à tous sans en expliquer les subtilités, on prend le risque de banaliser une technologie qui, mal utilisée, peut devenir le cheval de Troie des attaques les plus sophistiquées.
La généralisation du chiffrement de bout en bout dans les services de messagerie est inévitable. Elle répond à une demande croissante de confidentialité dans un monde numérique de plus en plus surveillé. Mais cette avancée ne doit pas se faire au détriment de la prudence. La responsabilité de Google est donc double : offrir un outil performant, et accompagner ses utilisateurs dans sa compréhension et son bon usage.
Une attaque informatique « de grande ampleur » a paralysé les services numériques du conseil départemental des Hauts-de-Seine ce mardi matin, plongeant l’administration dans le flou technologique.
Ce mardi à 10 heures, le département des Hauts-de-Seine a annoncé sur ses réseaux sociaux être victime d’une cyberattaque d’envergure, touchant l’ensemble de ses systèmes d’information. Ce nouvel incident, qui s’ajoute à une série d’agressions informatiques subies par plusieurs collectivités locales de la région parisienne, souligne la vulnérabilité croissante des institutions publiques face à des menaces numériques toujours plus sophistiquées. Alors que les équipes techniques s’activent encore pour identifier l’origine et l’impact de l’attaque, une question se pose : les collectivités sont-elles suffisamment armées pour affronter ces assauts digitaux ?
Une administration à l’arrêt
Ce mardi matin, c’est par un message sobre mais alarmant que le conseil départemental des Hauts-de-Seine a informé ses administrés : ses services numériques ont été brutalement désactivés à la suite d’une cyberattaque. Dans un communiqué diffusé peu après, l’administration évoque une attaque « de grande ampleur » ayant contraint à couper « l’ensemble des systèmes d’information et des moyens de communication habituels » pour une durée encore indéterminée. La nature exacte de l’agression, ses auteurs potentiels et les failles exploitées n’ont pas été dévoilés, laissant place à une incertitude totale.
À 18 heures, soit huit heures après la révélation publique de l’attaque, la situation demeurait inchangée. « La phase de diagnostic est toujours en cours« , indiquait alors le service de communication du département. Derrière cette formule se cache une réalité : sans accès à ses outils numériques, une administration moderne voit la majorité de ses activités paralysée. De la gestion des dossiers à la communication avec les usagers, tout repose aujourd’hui sur l’informatique.
« L’ensemble des systèmes d’information et des moyens de communication habituels ont été désactivés pour une période indéterminée », précisait le conseil départemental dans un communiqué publié en milieu de journée.
Un contexte régional tendu
Loin d’être un cas isolé, cette cyberattaque s’inscrit dans une série noire qui frappe depuis plusieurs années les collectivités locales en Île-de-France. Le conseil départemental des Hauts-de-Seine avait déjà été confronté à une intrusion informatique en 2023. Cette attaque, bien que moins sévère selon les dires de l’époque, avait contraint l’institution à couper temporairement certains services, notamment téléphoniques. Les données personnelles n’avaient pas été compromises, assurait alors l’administration.
Mais d’autres collectivités voisines n’ont pas toujours eu cette chance. En novembre 2022, c’est le département de Seine-et-Marne qui voyait ses réseaux informatiques mis hors service à la suite d’une cyberattaque. Il lui avait fallu plusieurs semaines pour retrouver une activité normale. Plus récemment encore, la ville de Bois-Colombes a subi une attaque dans la nuit du 31 janvier au 1er février 2024. Les conséquences avaient été telles qu’un partenariat stratégique fut rapidement conclu entre la Métropole du Grand Paris et le campus Cyber de Puteaux, dans l’objectif de renforcer les défenses numériques des collectivités territoriales.
Un phénomène en pleine expansion
Loin d’être anecdotiques, ces attaques traduisent un phénomène de fond : la montée en puissance du cybercrime ciblant les entités publiques. Selon un rapport publié en février dernier, une commune sur dix en France affirme avoir été victime d’une cyberattaque au cours des douze derniers mois. Cette statistique, en forte progression par rapport aux années précédentes, illustre l’ampleur de la menace. Des villes comme Chaville ou Saint-Cloud, déjà touchées en 2022, en ont fait les frais.
Ce qui motive les cybercriminels n’est pas toujours clair. Il peut s’agir de rançongiciels, qui visent à extorquer de l’argent en échange de la restitution des données volées ou chiffrées. Mais dans certains cas, les motivations peuvent être politiques ou liées à l’espionnage. Quelle que soit la cause, le résultat est souvent le même : des semaines, voire des mois, de paralysie partielle des services, des dépenses imprévues et une perte de confiance des citoyens.
Une commune sur dix en France a été victime d’une cyberattaque au cours de l’année écoulée, selon une étude publiée en février.
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Des réponses encore balbutiantes
Face à cette nouvelle donne, les collectivités locales cherchent à s’organiser. Le partenariat évoqué entre la Métropole du Grand Paris et le campus Cyber est un exemple de réaction institutionnelle à un risque devenu systémique. Ce campus, installé à Puteaux, se présente comme un centre névralgique de l’expertise en cybersécurité, rassemblant acteurs publics, entreprises privées et chercheurs.
Mais la tâche est immense. La majorité des collectivités locales ne disposent ni des ressources humaines ni des budgets pour assurer une cybersécurité de haut niveau. Le coût moyen d’une cyberattaque pour une collectivité territoriale peut s’élever à plusieurs centaines de milliers d’euros, sans compter les pertes indirectes liées à l’interruption des services publics. Pour les petites communes, souvent dépourvues de direction informatique propre, la prévention et la réponse aux attaques relèvent du casse-tête.
Le plan national de cybersécurité, lancé en 2021 par le gouvernement français, avait pour ambition d’accompagner les collectivités dans leur transformation numérique sécurisée. Pourtant, les résultats peinent à suivre. Beaucoup d’élus locaux pointent du doigt la complexité des dispositifs d’aides, jugés trop technocratiques. D’autres dénoncent un manque de formation et de sensibilisation à la sécurité numérique, aussi bien pour les agents publics que pour les élus.
Les cyberattaques n’épargnent plus aucune strate de l’administration. Et pourtant, dans bien des cas, les collectivités découvrent leur vulnérabilité une fois l’attaque survenue, jamais avant. Ce qui soulève une inquiétude légitime : combien d’entre elles sont actuellement infiltrées sans le savoir ? Combien de failles dorment encore dans les systèmes, prêtes à être exploitées ?
Le prix du numérique
L’attaque contre les Hauts-de-Seine met une nouvelle fois en lumière le paradoxe auquel sont confrontées les administrations publiques : la course à la numérisation des services, encouragée au nom de la modernité et de l’efficacité, s’accompagne de risques technologiques considérables. La dépendance croissante aux systèmes informatiques transforme chaque faille de sécurité en bombe à retardement.
La collectivité départementale s’efforce désormais de rétablir l’accès à ses applications et réseaux. Mais ce type d’accident, outre le coût financier qu’il engendre, produit un effet délétère sur la confiance du public. Dans un monde où la transparence, l’accessibilité et la réactivité sont devenues les maîtres mots de la gestion publique, un écran noir sur les systèmes numériques devient vite un symbole d’impuissance.
Alors que la cybersécurité ne cesse de gagner en importance, cette dernière attaque dans les Hauts-de-Seine vient rappeler que les collectivités locales, malgré leurs efforts, demeurent des cibles de choix. Et qu’à l’ère du tout numérique, la guerre invisible qui se joue dans les câbles et les serveurs pourrait bien devenir l’un des plus grands défis des administrations publiques françaises.
Des imprimantes livrées avec un malware, un fabricant pris au piège et des pirates bien rodés : l’affaire Procolored illustre à quel point les cybermenaces peuvent se dissimuler dans les moindres recoins du numérique.
Pendant près de six mois, des imprimantes Procolored ont été distribuées avec des pilotes vérolés, infectant à leur insu de nombreux utilisateurs. Derrière cette compromission, deux malwares particulièrement dangereux, capables de voler des cryptomonnaies ou d’ouvrir une porte dérobée sur les systèmes infectés. Retour sur un scandale qui ébranle la confiance dans les chaînes logicielles.
C’est un petit clic anodin, celui qu’on effectue pour installer les pilotes d’un nouveau périphérique. Mais dans le cas des imprimantes Procolored, ce geste ordinaire s’est transformé en cauchemar pour des dizaines, voire des centaines d’utilisateurs. Depuis octobre 2024, les fichiers proposés en téléchargement sur le site officiel de la marque renfermaient discrètement deux malwares, découverts en mai 2025. En cause : un stockage de pilotes sur la plateforme Mega.nz, utilisé par le fabricant pour héberger les logiciels nécessaires à l’installation de ses modèles d’imprimantes UV. Problème : plusieurs de ces fichiers hébergés étaient infectés. GData Software, entreprise spécialisée en cybersécurité, a tiré la sonnette d’alarme après qu’un YouTuber passionné d’impression UV a vu son antivirus déclencher une alerte. Les analyses ont révélé que les fichiers téléchargés contenaient les malwares XRedRAT et CoinStealer, deux menaces bien connues du paysage cybercriminel.
Une menace insidieuse, masquée derrière des fichiers officiels
39 fichiers suspects ont été détectés, dont 20 avec des empreintes numériques uniques, preuve que les pirates ont conçu des versions personnalisées des malwares pour échapper aux détections classiques. Le premier, XRedRAT, agit comme une porte dérobée : une fois installé, il permet à des attaquants distants de prendre le contrôle d’un ordinateur, d’en exfiltrer des données, ou encore d’y installer d’autres malwares. Le second, CoinStealer, est conçu pour cibler les utilisateurs de cryptomonnaies. Il surveille le presse-papiers à la recherche d’adresses de portefeuille, et les remplace automatiquement par celles du cybercriminel lorsque l’utilisateur tente d’effectuer une transaction.
Les conséquences sont bien réelles. L’adresse de portefeuille identifiée comme réceptrice des fonds détournés a déjà accumulé 9,3 bitcoins, soit environ 593 000 euros au cours actuel. Cette attaque furtive, qui repose sur l’ingénierie sociale et la confiance dans le matériel officiel, a ainsi permis aux hackers de subtiliser des fonds sans que les victimes ne s’en rendent compte immédiatement.
Un cas d’école de compromission logicielle
La faille a été révélée lorsqu’un testeur a voulu passer en revue les performances d’une imprimante Procolored UV et a été interpellé par une alerte de son antivirus. En remontant l’origine de l’alerte, les chercheurs en cybersécurité ont constaté que les fichiers d’installation avaient été modifiés pour la dernière fois en octobre 2024. Pendant six mois, aucun contrôle de sécurité n’a été effectué sur ces ressources pourtant publiques, disponibles sur le site officiel du fabricant.
L’ampleur de la diffusion pose question. Les imprimantes concernées, parmi lesquelles les modèles F8, F13, F13 Pro, V6, V11 Pro et VF13 Pro, sont principalement destinées à un public professionnel : studios de création, ateliers de personnalisation d’objets, ou encore entreprises de design. Ces utilisateurs, souvent bien équipés mais peu sensibilisés aux risques cyber, constituent une cible privilégiée. L’incident met également en lumière un problème de gouvernance : Procolored n’a à ce jour publié aucun communiqué officiel, ni retiré les liens vers les fichiers infectés.
Durant six mois, les pilotes vérolés sont restés en ligne sur le site du fabricant, exposant potentiellement chaque utilisateur à une compromission.
Une faille révélatrice d’un écosystème vulnérable
Ce type d’attaque n’est pas sans précédent. Ces dernières années, de nombreux acteurs ont été victimes d’attaques dites « de la chaîne d’approvisionnement logicielle ». On se souvient de l’affaire SolarWinds en 2020, ou plus récemment des compromissions de bibliothèques open source dans des projets critiques. Ce qui frappe dans le cas Procolored, c’est la simplicité de la méthode : pas besoin de briser des pare-feux ou d’infiltrer un réseau d’entreprise, il suffisait de placer des fichiers piégés sur une plateforme de téléchargement tierce, et de rediriger les utilisateurs vers ceux-ci. Sans parler du matériel (tablette, smartphone, Etc.) piégé par des commerçants pirates comme les faux samsung vendus avec des logiciels espions installés dans les appareils.
Le recours à Mega.nz n’est pas anodin non plus. Bien que légitime, ce service de stockage est fréquemment utilisé par des acteurs malveillants en raison de son anonymat relatif et de la difficulté pour les autorités à y exercer une surveillance efficace. Procolored, en déléguant ainsi l’hébergement de ses pilotes, a sans doute voulu économiser sur des coûts d’infrastructure, mais cette décision s’est révélée désastreuse pour la sécurité de ses clients.
Les victimes en attente de réponses
Aujourd’hui, de nombreuses questions restent sans réponse. Combien d’utilisateurs ont été infectés ? Procolored compte-t-il prendre des mesures pour prévenir de nouvelles attaques ? La marque va-t-elle collaborer avec les autorités ou les éditeurs antivirus pour aider les victimes ? Pour l’heure, aucune mise à jour officielle des pilotes n’a été annoncée, et les fichiers contaminés sont toujours disponibles en ligne. Face à l’absence de réaction, la communauté technique se mobilise. Des utilisateurs ont commencé à alerter les forums et à proposer des méthodes pour vérifier si leur système est compromis. Les antivirus, eux, mettent à jour leurs bases de données pour bloquer la propagation des malwares.
L’affaire pose également un dilemme : comment rétablir la confiance quand la compromission vient d’un outil censé être fiable ? Les professionnels ayant investi plusieurs centaines d’euros dans une imprimante sont aujourd’hui contraints de désinstaller les pilotes, de scanner leur machine et, dans le pire des cas, de changer de matériel.
L’ombre persistante des attaques logicielles
Cette affaire illustre un changement d’ère dans les cybermenaces. Les attaques ne ciblent plus seulement les grandes entreprises, mais s’introduisent dans les usages quotidiens. Le danger n’est plus uniquement dans les pièces jointes d’e-mails douteux ou les sites suspects : il peut désormais venir d’un fichier téléchargé depuis un site officiel, d’un logiciel recommandé par un fabricant reconnu. La sophistication des attaquants croît, mais surtout, leur stratégie évolue. En compromettant des outils professionnels, ils ciblent des victimes à la fois solvables, peu vigilantes et mal préparées.
Le cas Procolored rappelle ainsi que la cybersécurité ne peut plus être traitée comme une option. Elle doit faire partie intégrante du cycle de vie de tout produit technologique, y compris les périphériques matériels. Les fabricants doivent non seulement sécuriser leur matériel, mais aussi contrôler chaque maillon de leur chaîne logicielle. Car en 2025, il ne suffit plus de vendre une bonne imprimante : encore faut-il garantir qu’elle n’ouvre pas une porte aux pirates.
La biométrie remplace les mots de passe, l’intelligence artificielle analyse nos visages, nos voix, nos gestes… La technologie avance, mais nos libertés numériques reculent-elles en silence ?
Alors que Microsoft annonce la fin des mots de passe pour ses nouveaux comptes, misant sur l’authentification biométrique pour renforcer la sécurité des utilisateurs, Meta multiplie les usages de l’intelligence artificielle dans ses lunettes connectées Ray-Ban, récoltant toujours plus de données personnelles. À travers ces décisions stratégiques, deux géants du numérique dessinent les contours d’une nouvelle ère où la frontière entre confort technologique et atteinte à la vie privée devient de plus en plus floue. Loin d’être anodines, ces évolutions posent une question essentielle : qui contrôle réellement notre identité numérique ?
La fin des mots de passe : promesse de sécurité ou piège biométrique ?
C’est une petite révolution dans le monde de la cybersécurité : Microsoft ne proposera plus par défaut de mot de passe lors de la création de nouveaux comptes. À la place, les utilisateurs seront invités à utiliser une authentification sans mot de passe, basée notamment sur la biométrie, empreinte digitale, reconnaissance faciale ou encore dispositifs de sécurité physique comme les clés FIDO2.
L’argument de Microsoft est simple : les mots de passe sont vulnérables. Victimes d’attaques par hameçonnage, de fuites de données ou de piratage par force brute, ils sont devenus le maillon faible de la cybersécurité moderne. En optant pour des méthodes biométriques, l’entreprise entend renforcer la sécurité tout en simplifiant l’expérience utilisateur. Plus besoin de se souvenir d’un énième mot de passe : notre corps devient notre clé.
Mais cette évolution, qui semble à première vue bienvenue, soulève des inquiétudes majeures. Car si une empreinte digitale ou un visage ne peuvent être « oubliés », ils ne peuvent pas non plus être changés. En cas de fuite ou de piratage, contrairement à un mot de passe, une donnée biométrique est irrécupérable. Le vol d’une identité biométrique est définitif.
En outre, le recours accru à la biométrie pourrait aussi entraîner une généralisation de la surveillance. Si notre visage devient notre identifiant numérique, il devient aussi une cible de choix pour toutes les technologies de reconnaissance faciale déployées dans l’espace public ou par des entreprises privées. Or, les cadres juridiques encadrant ces technologies restent flous, variables selon les pays et souvent dépassés par la rapidité des innovations.
Meta et ses lunettes connectées : l’IA au cœur de l’intimité
Dans un tout autre registre mais avec des conséquences similaires, Meta a récemment mis à jour la politique de confidentialité de ses lunettes connectées Ray-Ban. Désormais, lorsque les fonctions d’intelligence artificielle sont activées, les photos et vidéos capturées sont analysées en continu. Pire encore, les enregistrements vocaux sont systématiquement stockés… et les utilisateurs ne peuvent pas s’y opposer autrement qu’en supprimant manuellement chaque fichier depuis l’application mobile dédiée.
Les données ainsi collectées peuvent être conservées jusqu’à un an, et potentiellement utilisées pour entraîner les modèles d’intelligence artificielle de l’entreprise. L’objectif affiché : améliorer les performances des lunettes, permettre une meilleure reconnaissance des objets, des lieux, des personnes. Mais en arrière-plan, se profile une collecte massive de données d’une ampleur inédite.
Meta précise que les messages vocaux et contenus captés par ses appareils peuvent être utilisés pour entraîner ses modèles d’IA, sans que l’utilisateur n’en soit clairement informé à chaque interaction.
Ce n’est pas une première. Le géant californien a déjà annoncé qu’il entraînait ses modèles Llama sur les publications publiques des utilisateurs américains de ses réseaux sociaux. Une pratique rendue possible par les conditions d’utilisation des plateformes, souvent acceptées sans lecture préalable. Avec les lunettes Ray-Ban, l’étape suivante est franchie : l’IA s’invite dans la vie réelle, au plus près du quotidien.
Une nouvelle ère de l’identité numérique : confiance ou dépendance ?
Dans ce paysage en pleine transformation, d’autres acteurs cherchent à renforcer la confiance dans l’environnement numérique. C’est notamment le cas de la société World, qui vient d’annoncer un partenariat stratégique avec Tinder et Visa. Cette collaboration vise à intégrer une technologie de vérification d’identité innovante dans des services à large échelle. Résultat : des plateformes plus sûres, où la vérification de l’identité devient à la fois plus rapide, plus fiable, et plus discrète.
Concrètement, pour la première fois, la possibilité de confirmer de façon fluide son identité grâce à une technologie unique sera intégrée simultanément dans plusieurs services numériques de masse. Que ce soit pour s’inscrire sur une application de rencontres ou valider une transaction, l’utilisateur pourra prouver qu’il est bien lui-même en quelques secondes, sans recourir à des processus complexes ni fournir de documents papier. Cette tendance s’inscrit dans un nouveau cycle de confiance numérique, où l’identité devient un vecteur central de sécurité, mais aussi d’accessibilité.
Cependant, même dans ce contexte prometteur, la vigilance reste de mise. Car plus la vérification d’identité devient fluide, plus le risque d’intrusion dans la vie privée s’accroît si les garde-fous ne sont pas suffisamment solides. Ce n’est pas seulement la sécurité qui est en jeu, mais aussi la manière dont nos données les plus sensibles sont collectées, stockées, et utilisées.
Entre promesse d’innovation et opacité des usages
Microsoft et Meta avancent tous deux les mêmes justifications : amélioration de la sécurité, simplicité d’utilisation, perfectionnement de l’expérience utilisateur grâce à l’IA. Et de fait, il est indéniable que l’intelligence artificielle couplée à la biométrie permet des avancées spectaculaires. Qu’il s’agisse de protéger un compte contre une tentative de piratage ou de rendre une paire de lunettes capable d’identifier ce qui nous entoure en temps réel, la technologie accomplit des prouesses.
Mais ces prouesses ont un coût. Et ce coût, c’est celui de notre consentement, souvent implicite, rarement éclairé. Car dans la plupart des cas, les utilisateurs n’ont pas le choix. Pour créer un compte Microsoft, l’authentification biométrique devient la norme. Pour utiliser les lunettes Meta, il faut accepter des conditions de collecte de données particulièrement intrusives. Le « consentement » devient une case à cocher, plutôt qu’un acte réellement volontaire.
En outre, ces entreprises s’exonèrent en grande partie de toute transparence. Les informations collectées, les usages exacts qui en sont faits, les durées de conservation ou les modalités de suppression sont rarement claires. Et lorsque les utilisateurs souhaitent s’y opposer, ils se heurtent à des processus fastidieux, techniques, voire impossibles à mettre en œuvre. Supprimer manuellement chaque enregistrement vocal depuis une application n’est pas à la portée de tous.
Vers un encadrement nécessaire de l’identité numérique
Ces évolutions ne sont pas isolées. Elles s’inscrivent dans une dynamique plus large où l’identité numérique devient un enjeu majeur du XXIe siècle. À mesure que nos vies se numérisent, les traces que nous laissons – biométriques, vocales, visuelles – deviennent des matières premières convoitées par les géants du numérique. Or, dans la plupart des pays, les législations peinent à suivre.
L’Union européenne, avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD), fait figure de pionnière en la matière. Elle impose des obligations de transparence, de sécurité et de consentement explicite. Mais même ce cadre est mis à l’épreuve par des technologies toujours plus invasives. Le débat autour de la régulation de l’intelligence artificielle, récemment relancé avec l’AI Act, montre bien que l’équilibre entre innovation et protection des libertés reste fragile.
En parallèle, les voix se multiplient pour appeler à une plus grande souveraineté numérique. Certains experts suggèrent la mise en place d’identifiants numériques gérés par des autorités indépendantes, ou de normes ouvertes permettant aux utilisateurs de mieux contrôler leurs données. D’autres appellent à interdire certaines pratiques, comme la reconnaissance faciale dans l’espace public ou la collecte non consentie d’enregistrements vocaux.
La vigilance comme seule défense… pour l’instant
En attendant une meilleure régulation, les utilisateurs n’ont d’autre choix que de redoubler de vigilance. Lire les conditions d’utilisation, comprendre les implications des technologies adoptées, vérifier les paramètres de confidentialité, limiter les usages de l’IA embarquée… autant de gestes essentiels, mais insuffisants face à la puissance des plateformes.
Car dans cette nouvelle ère numérique, ce n’est plus seulement notre navigation sur Internet qui est tracée. Ce sont nos voix, nos visages, nos gestes, nos environnements – bref, notre vie entière – qui sont capturés, analysés, exploités. Sans cadre clair, sans limites précises, cette collecte permanente pourrait devenir la norme.
Et si demain, notre propre corps devenait le dernier mot de passe à voler ?
Le Patch Tuesday de mai 2025 marque un tournant majeur : 72 failles comblées, cinq Zero Day actives, et des mises à jour Windows massives dopées à l’intelligence artificielle.
Chaque deuxième mardi du mois, les équipes informatiques du monde entier retiennent leur souffle. Le Patch Tuesday de Microsoft, devenu un rendez-vous incontournable, vient rythmer la sécurité des systèmes d’exploitation et des logiciels professionnels. Et celui de mai 2025 n’a pas dérogé à la règle : entre les correctifs de vulnérabilités critiques, les exploits déjà utilisés activement et une poussée technologique du côté de l’intelligence artificielle, la cuvée de ce mois se révèle particulièrement dense. Elle exige des entreprises comme des particuliers une attention soutenue et une application rapide des correctifs. Car cette fois, le danger ne plane pas seulement : il est déjà à l’œuvre.
Une avalanche de failles comblées… et cinq Zero Day
Microsoft annonce avoir corrigé pas moins de 72 vulnérabilités (CVE) dans sa mise à jour mensuelle de mai, dont cinq sont classées Zero Day. Ces dernières désignent des failles de sécurité activement exploitées avant même que le correctif ne soit disponible, ce qui les rend particulièrement dangereuses. Si, selon le classement officiel, elles ne sont que de niveau « Important », l’application d’un modèle de priorisation basé sur les risques les fait passer sans hésitation au niveau « Critique ».
Parmi ces vulnérabilités, on retrouve notamment une faille dans le pilote Ancillary Function Driver de WinSock (CVE-2025-32709), permettant une élévation de privilèges en local pour obtenir un accès Administrateur. Cette brèche affecte toutes les versions de Windows Server depuis 2012. Confirmée comme étant exploitée sur le terrain, elle reçoit un score CVSS 3.1 de 7,8.
Dans la même veine, deux autres failles critiques (CVE-2025-32706 et CVE-2025-32701), touchant le système de fichiers journaux communs de Windows, permettent une élévation de privilèges jusqu’au niveau SYSTEM. Là encore, elles concernent l’ensemble des versions de Windows, avec une exploitation active confirmée.
Un autre Zero Day (CVE-2025-30400) cible la bibliothèque du Gestionnaire de fenêtrage Microsoft, rendant vulnérables Windows 10, Server 2016 et toutes les versions ultérieures. Enfin, la cinquième faille critique (CVE-2025-30397) affecte le moteur de scripts Microsoft et permet l’exécution de code sur le réseau.
Cinq vulnérabilités Zero Day activement exploitées sont corrigées, toutes liées à l’OS Windows, et considérées comme critiques par les experts malgré leur évaluation initiale comme « importantes ».
CVE-2025-30397
Type : Corruption de mémoire dans le moteur de script
Conditions : Nécessite l’usage du mode Internet Explorer dans Microsoft Edge, une authentification côté client, et un clic sur un lien malveillant
Gravité réelle : Faible exploitation à large échelle à cause des nombreuses contraintes
Contexte : Peu de vulnérabilités similaires ces dernières années, sauf CVE-2024-38178, exploitée activement en août 2024
Des failles déjà connues, mais pas encore corrigées
Deux autres vulnérabilités font aussi l’objet d’un correctif, bien qu’elles aient déjà été divulguées publiquement. La première, une exécution de code à distance (CVE-2025-30397) dans Visual Studio, affecte les versions 2019 et 2022. Sa dangerosité reste modérée pour l’instant, car sa maturité est jugée « non prouvée » et son exploitabilité « peu probable ».
La deuxième concerne une faille d’usurpation d’identité (CVE-2025-26685) dans Microsoft Defender for Identity, qui pourrait permettre à un pirate d’imiter un utilisateur sur un réseau adjacent. Là encore, la menace reste théorique, mais la divulgation publique impose de s’en prémunir rapidement.
Ce Patch Tuesday ne se limite pas à la correction de failles : il inaugure également une évolution fonctionnelle importante dans Windows 11 et Server 2025. La mise à jour mensuelle pèse désormais près de 4 Go, un volume inhabituel qui s’explique par l’intégration de trois nouvelles fonctions basées sur l’intelligence artificielle.
Parmi elles, Recall, conçue pour faciliter la mémoire utilisateur à travers des rappels contextuels intelligents, Click to Do, un système d’automatisation des tâches courantes inspiré des macros intelligentes, et une version améliorée de Windows Search, désormais capable d’interpréter des requêtes complexes en langage naturel.
Ces ajouts répondent à la volonté de Microsoft d’intégrer l’IA plus profondément dans l’expérience utilisateur de Windows, dans un contexte où la concurrence — notamment avec Apple et Google — s’intensifie sur le terrain des assistants intelligents.
La mise à jour de mai introduit trois fonctions IA dans Windows, alourdissant le programme d’installation à près de 4 Go. Un changement qui marque un tournant vers des OS toujours plus intelligents.
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CVE-2025-30400
Type : Él evation de privilèges dans Desktop Window Manager (DWM)
Contexte : 26 vulnérabilités similaires dans DWM depuis 2022, mais seules deux autres exploitées comme zero-days (CVE-2024-30051, CVE-2023-36033)
Particularité : Faible visibilité d’exploitation active, mais DWM reste une cible fréquente
Adobe : 39 vulnérabilités corrigées, dont 33 critiques
Le Patch Tuesday ne concerne pas uniquement Microsoft. Adobe s’est également illustré avec la publication de 13 mises à jour couvrant un total de 39 CVE. Parmi elles, 33 sont classées comme critiques, soulignant une fois encore la fragilité de certains logiciels largement utilisés dans les milieux professionnels et créatifs, notamment Photoshop, Acrobat et ColdFusion.
Bien que les détails de chaque faille ne soient pas tous publics, Adobe incite les utilisateurs à appliquer les correctifs sans attendre. Comme pour Microsoft, plusieurs des failles corrigées peuvent permettre l’exécution de code arbitraire, avec des conséquences potentiellement dévastatrices si elles sont exploitées.
Pour les administrateurs système et les responsables de la sécurité informatique, ce Patch Tuesday de mai représente un défi de taille. Les correctifs sont nombreux, les priorités claires, mais la complexité croissante des environnements à maintenir rend leur déploiement délicat. Il ne s’agit plus seulement de corriger des failles : il faut aussi tester, valider, s’assurer que les nouvelles fonctionnalités IA n’introduisent pas d’instabilité ou de conflit avec des systèmes existants.
La pression est d’autant plus forte que les menaces ne sont plus théoriques. Les cinq failles Zero Day prouvées démontrent que des cybercriminels sont déjà à l’œuvre. Dans un contexte géopolitique tendu et face à la recrudescence des attaques par ransomwares, les entreprises savent que chaque jour gagné dans l’application des correctifs peut représenter des milliers d’euros économisés… ou évités en rançon.
CVE-2025-32701 & CVE-2025-32706
Type : Élévation de privilèges dans le pilote CLFS (Common Log File System)
Exploitabilité : Exploitées activement en post-compromission, probablement dans des campagnes de cyberespionnage ou de ransomware
Contexte : 33 failles dans CLFS depuis 2022, dont 6 zero-days activement exploités. Ces deux CVE s’inscrivent dans une tendance inquiétante
Vers une automatisation de la cybersécurité ?
L’ampleur de ce Patch Tuesday soulève une question essentielle : comment faire face durablement à une telle fréquence et complexité de mises à jour ? Les géants du secteur misent de plus en plus sur l’automatisation, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique pour anticiper les failles et accélérer leur résolution. Mais ces outils nécessitent eux-mêmes des ressources et une gouvernance solides.
À terme, faudra-t-il déléguer entièrement les mises à jour à des systèmes intelligents autonomes ? Ou conserver une supervision humaine pour garder le contrôle des choix techniques et des risques éthiques associés à l’IA ?
Le mois de mai 2025, avec son Patch Tuesday dense et riche en nouveautés, illustre la double tendance actuelle : une sécurité toujours plus pressante et une technologie toujours plus complexe. Entre vulnérabilités critiques et assistants dopés à l’IA, l’équilibre devient aussi stratégique qu’ardu à maintenir.
CVE-2025-32709
Type : Élévation de privilèges dans afd.sys, le pilote associé à l’API WinSock
Usage : Typiquement utilisé après compromission initiale, pour renforcer les privilèges d’un attaquant
Contexte : 10 failles similaires depuis 2022, souvent exploitées comme zero-days dans des contextes post-intrusion
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Près de 1 000 experts en cybersécurité ont collaboré avec Zoom pour identifier des failles critiques, réduisant de 90 % le temps de correction et renforçant la défense de ses outils de communication.
Dans un contexte où les cybermenaces évoluent à un rythme effréné, la course à la sécurité numérique s’intensifie. Zoom, acteur majeur des communications unifiées, vient de publier les résultats 2024 de son programme de Bug Bounty. Ce dispositif, qui récompense la découverte responsable de failles de sécurité, a mobilisé près de 1 000 chercheurs à travers le monde, permettant à la plateforme d’opérer une nette avancée dans la sécurisation de ses produits. En seulement un an, le délai de résolution des vulnérabilités critiques a chuté de plus de 90 %, un record pour l’entreprise.
Un tournant stratégique face à l’enjeu cyber
L’année 2024 aura marqué un changement de cap dans la stratégie de cybersécurité de Zoom. Consciente que sa croissance fulgurante depuis 2020 l’a rendue vulnérable à de nombreuses menaces, la société s’est engagée dans une collaboration d’envergure avec la communauté internationale des hackers éthiques. Grâce à sa coopération étroite une plateforme de coordination des programmes de Bug Bounty [comme Yes We Hack ou encore Yogosha], Zoom a pu élargir le champ de recherche de failles à une diversité d’experts, issus aussi bien du secteur académique que de la sécurité offensive. Résultat : plusieurs centaines de vulnérabilités identifiées via HackerOne, analysées et corrigées dans un délai considérablement réduit par rapport aux années précédentes.
Ce gain d’efficacité est particulièrement spectaculaire en matière de failles critiques. Entre février 2024 et janvier 2025, leur résolution a été accélérée de manière drastique. Là où certaines corrections prenaient plusieurs semaines, les équipes de Zoom sont aujourd’hui capables d’apporter une réponse adaptée en quelques jours. Cette performance, qui tient autant à l’efficacité du programme qu’à l’implication des chercheurs, marque une rupture par rapport aux standards du secteur.
Une participation record, des résultats concrets
La participation des chercheurs en sécurité à travers le monde a doublé par rapport à l’année précédente, avec près de 1 000 contributeurs ayant activement participé à la détection des failles. Zoom, qui s’appuie sur une architecture complexe mêlant vidéoconférence, collaboration en ligne et intégration cloud, a vu dans ce vivier de talents une opportunité de durcir ses défenses sur tous les fronts. Les vulnérabilités découvertes n’étaient pas que théoriques : elles ont donné lieu à des correctifs majeurs déployés dans les systèmes de production.
Parmi les améliorations notables, on trouve un renforcement des mécanismes d’authentification sur l’ensemble des services, un durcissement des points d’accès API contre les vecteurs d’attaque émergents, un affinement des permissions au sein des outils collaboratifs ainsi qu’un meilleur contrôle des accès aux données dans l’infrastructure cloud. Autant de chantiers techniques qui témoignent de la complexité du défi, mais aussi de la volonté de Zoom de ne laisser aucun angle mort.
« La résolution des failles critiques a été réduite de 90 % en un an, un record pour la plateforme. »
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Diversification des approches et spécialisation des profils
Le succès du programme repose également sur sa structuration multi-niveaux. Zoom n’a pas misé sur un modèle unique, mais a préféré orchestrer une série de dispositifs adaptés à différents profils de chercheurs. Le programme public “VDP” (Vulnerability Disclosure Program) a ouvert les portes à toute la communauté mondiale des white hats. En parallèle, un programme privé a été lancé, ciblant des fonctionnalités spécifiques et permettant des tests en conditions quasi réelles. Les chercheurs VIP, sélectionnés pour leur expertise pointue, ont travaillé sur les systèmes critiques de l’écosystème Zoom.
Enfin, les challenges spécialisés ont constitué une forme de compétition ciblée sur des technologies émergentes, à l’image des outils d’intelligence artificielle ou des nouveaux services de réalité augmentée que l’entreprise développe. Cette segmentation stratégique permet à Zoom de tirer parti d’un large éventail de compétences, tout en s’assurant que les tests effectués répondent aux besoins spécifiques de chaque produit ou service.
Cette organisation a permis d’identifier non seulement des failles inattendues, mais aussi des zones de friction dans les flux d’utilisation, offrant un retour d’expérience précieux aux équipes produit. Zoom estime ainsi que son approche Bug Bounty constitue désormais un maillon essentiel de son processus de développement sécurisé.
Une dynamique encouragée par les résultats
La reconnaissance du travail des chercheurs n’est pas restée symbolique. Zoom a activement valorisé les contributions les plus importantes, avec un système de récompenses ajusté en fonction de la gravité des failles. Le meilleur contributeur de 2024 a ainsi identifié 12 vulnérabilités majeures, renforçant la crédibilité du programme et incitant d’autres experts à s’impliquer. Certains participants ont même atteint le statut de “chercheur élite”, une distinction attribuée aux profils les plus réguliers et pertinents du programme.
Porté par ces résultats, Zoom a déjà annoncé les grandes lignes de l’évolution de son programme pour 2025. L’un des axes majeurs sera l’élargissement du périmètre des tests à l’ensemble des nouvelles offres produits, incluant notamment les fonctionnalités à base d’IA générative ou les futures applications immersives. Le budget alloué aux récompenses sera lui aussi revu à la hausse, avec une augmentation prévue dans toutes les catégories de failles.
En parallèle, Zoom mise sur l’automatisation du triage des rapports de vulnérabilités grâce à l’intelligence artificielle, afin d’accélérer l’analyse initiale et de prioriser les actions plus efficacement. Des événements internationaux sont également au programme : ils réuniront les meilleurs chercheurs lors de “live hacking events” pour renforcer la sécurité sur des technologies de pointe. Cette approche proactive témoigne d’une volonté d’ancrer la sécurité dans la culture même de l’innovation.
Sandra McLeod, Chief Information Security Officer de Zoom, résume ainsi cette stratégie : « Cette approche nous permet de mobiliser les talents adéquats dans des environnements de test adaptés, ce qui garantit des résultats concrets en matière de sécurité. » Une vision résolument collaborative et orientée vers l’agilité, dans un domaine où la vitesse d’exécution est devenue cruciale.
La cybersécurité comme levier de confiance
Au-delà des aspects techniques, le Bug Bounty s’impose comme un levier de confiance. Pour une plateforme utilisée quotidiennement par des millions d’utilisateurs dans le monde entier, l’assurance d’un environnement sécurisé est devenue un critère de choix incontournable. En se dotant d’un tel programme, Zoom adresse non seulement les enjeux actuels de cybersécurité, mais anticipe aussi les exigences réglementaires croissantes en matière de protection des données.
Alors que les cyberattaques continuent de se multiplier et de se professionnaliser, l’exemple de Zoom montre que l’ouverture, la transparence et la coopération peuvent constituer des armes redoutablement efficaces. En mobilisant les compétences de milliers de chercheurs dans le monde, l’entreprise n’a pas seulement colmaté des brèches : elle a posé les bases d’une cybersécurité vivante, adaptative, en perpétuelle évolution.
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Les arnaques aux cryptomonnaies ne se contentent plus d’internet : des escrocs envoient désormais des lettres physiques aux domiciles de leurs victimes, exploitant des fuites de données pour tenter de voler des portefeuilles numériques.
Depuis quelques années, les fraudes liées aux cryptomonnaies se multiplient à une vitesse alarmante, profitant de l’anonymat et de la complexité technique de cet univers encore jeune. Mais en 2025, un nouveau palier inquiétant a été franchi : des victimes reçoivent désormais des lettres imprimées, livrées directement dans leur boîte aux lettres, imitant des communications officielles de la société Ledger, leader des portefeuilles matériels. Cette méthode, qui rappelle les arnaques postales d’un autre temps, témoigne de la créativité sans cesse renouvelée des cybercriminels, et de l’urgence à mieux protéger les données personnelles. Au-delà du monde numérique, c’est notre sécurité physique qui est désormais menacée, soulignant les failles béantes dans la protection de la vie privée des utilisateurs.
L’image aurait pu prêter à sourire si elle n’était pas aussi inquiétante. Sur son compte X (anciennement Twitter), l’influenceur crypto Jacob Canfield a partagé des photos de lettres prétendument envoyées par Ledger. Ces documents, présentés avec un ton formel et un graphisme quasi professionnel, réclament la « validation obligatoire du portefeuille » à la suite d’une soi-disant « mise à jour de sécurité critique ». L’objectif est clair : inciter le destinataire à scanner un code QR et, dans un second temps, à renseigner sa phrase de récupération à 24 mots, clef absolue d’un portefeuille Ledger. Une fois cette phrase divulguée, les criminels n’ont plus qu’à transférer les fonds.
« Si quelqu’un vous demande votre phrase de récupération, c’est une arnaque », martèle Ledger.
La société française, pionnière de la sécurité crypto grâce à ses portefeuilles physiques réputés inviolables, a rapidement réagi sur les réseaux sociaux. Elle a confirmé l’existence de ces lettres frauduleuses et a réitéré qu’elle ne solliciterait jamais, sous aucune forme, la phrase de récupération de ses clients. Car contrairement à des comptes bancaires traditionnels, une fois les fonds détournés depuis un portefeuille crypto, il est impossible de revenir en arrière. Il n’existe ni institution centrale pour bloquer la transaction, ni recours juridique immédiat : la perte est définitive.
Si ces lettres ont pu être envoyées, c’est notamment en raison d’une faille ancienne mais dont les effets continuent de se faire sentir. En juillet 2020, une importante fuite de données a exposé près d’un million d’adresses e-mail de clients Ledger. Pire encore, les noms, adresses postales, numéros de téléphone et détails de commande de 9 500 clients ont été rendus publics. Un trésor pour des escrocs patients, capables de concevoir des campagnes d’hameçonnage ultra ciblées plusieurs années après les faits.
Une faille de 2020 alimente encore aujourd’hui des arnaques postales, prouvant que les données personnelles volées ne périment jamais pour les cybercriminels.
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La nouveauté, cette fois, c’est le retour à un support physique, à rebours des arnaques classiques par mail ou message instantané. Cette stratégie exploite un biais psychologique puissant : une lettre tangible paraît plus authentique, plus officielle, surtout lorsqu’elle arrive dans un contexte de panique ou de méfiance généralisée envers les plateformes numériques. D’autant que ces lettres usurpent le ton rassurant et technique habituel de Ledger, avec des logos identiques et un vocabulaire spécifique destiné à piéger même les utilisateurs les plus aguerris.
L’affaire survient alors que le monde des cryptomonnaies traverse une période d’instabilité. Selon un rapport publié par la plateforme de bug bounty Immunefi, les pertes enregistrées dans l’écosystème crypto ont explosé au cours des quatre premiers mois de 2025, atteignant 1,7 milliard de dollars (environ 1,58 milliard d’euros). Ce montant est quatre fois supérieur aux 420 millions de dollars (environ 391 millions d’euros) perdus à la même période en 2024. Cette explosion s’explique en grande partie par le piratage spectaculaire de la plateforme Bybit, qui a à lui seul entraîné un préjudice estimé à 1,5 milliard de dollars (1,39 milliard d’euros).
Mais au-delà de ce cas emblématique, le mois d’avril 2025 a vu se multiplier les attaques. Quinze incidents majeurs ont été recensés, avec des pertes s’élevant à 92 millions de dollars (environ 85 millions d’euros), soit une hausse de 27 % par rapport à avril 2024 et plus du double de celles de mars 2025. La majorité de ces pertes sont dues à des piratages, et non à des escroqueries ou erreurs humaines, ce qui souligne le niveau de sophistication croissant des attaques.
En avril 2025, les attaques informatiques ont causé à elles seules plus de 92 millions de dollars de pertes dans le secteur crypto, un record alarmant.
Dans ce contexte, les lettres frauduleuses envoyées au nom de Ledger prennent une dimension encore plus menaçante. Elles représentent une nouvelle frontière dans l’ingénierie sociale, exploitant à la fois la confiance, la peur de la perte et le manque d’information. Car malgré l’expérience croissante des utilisateurs, beaucoup restent vulnérables à des sollicitations bien ficelées, d’autant plus quand elles s’adossent à des éléments tangibles et personnalisés.
Face à ces menaces, les recommandations des experts restent simples mais fondamentales. Ne jamais transmettre sa phrase de récupération, même en cas de doute. Vérifier directement les informations via les canaux officiels. Et surtout, se méfier de tout contact non sollicité, qu’il soit numérique ou physique. Car dans l’univers de la cryptomonnaie, chaque utilisateur est aussi son propre garant, son propre coffre-fort.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les régulateurs et les plateformes technologiques prendront la mesure de ce changement de paradigme. Car tant que les données personnelles continueront de circuler dans la nature, les escrocs disposeront d’un arsenal sans fin pour piéger leurs cibles, peu importe la forme que prennent leurs attaques. Le courrier frauduleux n’est qu’un nouvel avatar d’un problème bien plus vaste : la fragilité de notre identité numérique, et désormais physique.
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Kraken a déjoué une tentative d’infiltration orchestrée par un hacker nord-coréen se faisant passer pour un ingénieur. Une leçon de cybersécurité révélée par l’un des leaders américains de la crypto-monnaie.
Dans un monde où les cyberattaques sont devenues monnaie courante, certaines d’entre elles prennent des formes de plus en plus inattendues. Dernière illustration en date : la tentative d’un pirate nord-coréen de s’introduire chez Kraken, un géant américain de la crypto-monnaie, en se faisant passer pour un ingénieur informatique lors d’un processus de recrutement. Loin de se faire piéger, l’entreprise a profité de l’occasion pour retourner la situation à son avantage. Ce cas, emblématique d’une stratégie de plus en plus utilisée par des groupes étatiques, révèle une sophistication inquiétante dans l’art de l’espionnage numérique. Il souligne aussi la nécessité pour les entreprises de développer des stratégies de cybersécurité toujours plus intelligentes et proactives.
L’art de l’infiltration numérique
Le scénario aurait pu passer pour une série Netflix. Il commence par une candidature en apparence banale pour un poste d’ingénieur logiciel. Mais très vite, les signaux d’alerte s’accumulent. Le nom utilisé par le candidat diffère de celui affiché sur le CV, et sa voix change à plusieurs reprises lors de l’entretien, comme si plusieurs personnes participaient en coulisses. Pour les recruteurs de Kraken, cela ne fait bientôt plus aucun doute : quelque chose cloche sérieusement.
En creusant davantage, ils découvrent que l’adresse e-mail utilisée figure sur une base de données recensant des contacts liés à des cyberattaques nord-coréennes. Le profil GitHub du candidat, pourtant bien fourni, trahit une adresse déjà compromise dans une fuite de données antérieure. Des incohérences s’ajoutent : le candidat se connecte via un VPN, accède à l’entretien depuis un Mac distant, et ses justificatifs d’identité semblent manifestement falsifiés.
L’opération devient alors pour Kraken bien plus qu’une simple procédure d’embauche. Conscients de la portée de cette tentative, les responsables de la plateforme crypto décident de transformer ce faux recrutement en véritable mission de contre-espionnage.
Une chasse au hacker méthodique
Ce que Kraken met en œuvre ensuite est digne d’un manuel d’enquête numérique. L’entreprise décide de continuer à faire progresser le faux candidat dans le processus de recrutement, tout en documentant chaque interaction. L’objectif : comprendre les tactiques utilisées par ces pirates d’un genre nouveau, qui ne cherchent plus seulement à voler des données ou des crypto-actifs, mais à infiltrer de l’intérieur les structures mêmes de leurs cibles.
L’analyse révèle alors un réseau plus vaste, composé de multiples identités, probablement gérées par un seul individu. Selon Kraken, la même personne utilisait jusqu’à quatre identités différentes pour postuler dans le secteur technologique, une stratégie visant à maximiser ses chances d’infiltration. Derrière cette façade, les traces pointent vers une opération organisée, méthodique, et clairement commanditée par un État.
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« Nous avons compris que nous n’avions pas affaire à un candidat isolé, mais à une entité structurée avec des méthodes bien rodées« , confie Nick Percoco, directeur de la sécurité de Kraken.
Une cyberattaque à visage humain
Le point culminant de cette opération d’infiltration déguisée en recrutement est atteint lors d’un « entretien d’alchimie » avec Percoco et d’autres responsables de l’équipe de sécurité. L’objectif ? Piéger le candidat en le confrontant à des questions que seul un résident légitime de la ville qu’il prétend habiter pourrait maîtriser.
L’échange vire rapidement à l’absurde : le faux ingénieur se montre incapable de présenter une pièce d’identité valable, hésite lorsqu’on lui demande de nommer un restaurant local, et évite les questions précises sur sa localisation. Pour Kraken, cela ne fait plus de doute : l’imposteur est démasqué.
Mais au-delà de ce cas isolé, c’est un mode opératoire entier qui est mis en lumière. Car ce n’est pas la première fois que les États-Unis — et d’autres pays — signalent des tentatives d’infiltration de la part de la Corée du Nord dans des entreprises du secteur numérique et de la blockchain.
Selon Chainalysis, les hackers nord-coréens ont volé pour plus de 1,5 milliard d’euros en crypto-monnaie depuis 2017.
La crypto, terrain de jeu stratégique pour Pyongyang
Pour comprendre pourquoi des pirates nord-coréens s’attaquent aux entreprises de la blockchain, il faut revenir à la situation géopolitique du pays. Sous embargo international, asphyxié économiquement, le régime de Pyongyang voit dans la cybercriminalité une source de financement à la fois lucrative et difficile à tracer. Les crypto-monnaies, par leur nature décentralisée et pseudonyme, sont idéales pour contourner les sanctions.
Le groupe Lazarus, célèbre collectif de hackers affilié à la Corée du Nord, a déjà été identifié dans plusieurs attaques d’envergure visant des portefeuilles numériques, des plateformes d’échange ou des projets DeFi. En 2022, le piratage du jeu Axie Infinity aurait rapporté près de 620 millions de dollars (environ 580 millions d’euros) à ce groupe.
Ces opérations, parfois menées sous couvert de recrutements frauduleux ou d’ingénierie sociale, montrent à quel point les frontières entre guerre numérique, espionnage et cybercriminalité sont devenues floues.
Face à cette nouvelle forme de menace, les entreprises technologiques sont contraintes de revoir leurs protocoles de recrutement. Ce qui relevait autrefois du simple échange de CVs et d’entretiens vidéo devient désormais une zone à haut risque, où la vigilance doit être constante.
Kraken recommande, par exemple, de varier les méthodes de vérification, d’éviter les questions de contrôle classiques et répétées, et d’introduire des tests en temps réel. Car si les vrais candidats s’adaptent facilement, les imposteurs — surtout ceux opérant à distance sous de fausses identités — sont souvent déstabilisés par l’imprévu.
Un avant-goût de la cyberguerre du futur ?
L’histoire de Kraken est loin d’être un cas isolé. Elle illustre une tendance lourde, où les menaces ne viennent plus seulement des failles logicielles mais aussi des failles humaines. Dans un univers où les intelligences artificielles, les deepfakes et les identités numériques deviennent monnaie courante, il devient urgent pour les entreprises d’intégrer la cybersécurité à tous les niveaux, y compris dans les services les plus inattendus comme les ressources humaines.
Elle pose aussi une question plus large sur l’avenir des relations internationales. Si des États comme la Corée du Nord utilisent des moyens détournés pour contourner les sanctions, détourner des fonds et espionner des infrastructures critiques à l’échelle mondiale, comment garantir la souveraineté numérique des nations et la sécurité des entreprises dans un monde de plus en plus interconnecté ?
Au cœur de cette stratégie, on trouve la GenAI, l’intelligence artificielle générative, dont les avancées fulgurantes ont ouvert des possibilités presque illimitées en matière de création de contenus crédibles. Ce sont précisément ces outils, conçus à l’origine pour accélérer les processus créatifs, qui sont aujourd’hui détournés pour fabriquer des identités numériques fictives, rédiger des CV adaptés à chaque offre d’emploi, passer des entretiens en vidéo, et même interagir avec des collègues, le tout sans jamais révéler la véritable nature des « employés ». Derrière les écrans, c’est en réalité une armée coordonnée d’agents nord-coréens qui œuvre à distance, avec un objectif clair : contourner les sanctions économiques imposées par la communauté internationale et alimenter les finances de Pyongyang.
« Ferme de laptops » : le nouveau visage de l’espionnage numérique
Le terme peut sembler anodin, presque trivial. Pourtant, les « fermes de laptops » désignent des structures logistiques discrètes mais essentielles à l’efficacité de cette stratégie. Installées dans des pays tiers — parfois même aux États-Unis — ces plateformes sont dirigées par des facilitateurs : des individus chargés de réceptionner les ordinateurs envoyés par les entreprises, de configurer les machines, de créer les accès aux services internes et d’assurer la coordination entre les travailleurs fictifs et leurs employeurs.
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En 2024, un de ces facilitateurs a été identifié sur le sol américain. Il pilotait un centre dans lequel il aidait une équipe de faux travailleurs nord-coréens à maintenir leur couverture professionnelle, tout en leur garantissant un accès sécurisé aux infrastructures de leurs entreprises clientes. Et ce cas n’est pas isolé. En 2025, les autorités ont démantelé un réseau basé en Caroline du Nord, à l’origine de l’infiltration de dizaines de « collaborateurs » dans des entreprises américaines. Derrière chaque faux profil, il ne s’agissait pas d’un individu isolé, mais d’un maillon dans une organisation structurée, avec des tâches réparties, des comptes simulés, et une discipline inspirée des services secrets.
Grâce à l’IA, un faux développeur nord-coréen peut désormais passer un entretien en visioconférence avec un deepfake vocal et visuel, sans éveiller les soupçons.
Le rôle central de l’IA dans ces opérations dépasse la simple rédaction de documents. Les plateformes de génération de CV, dotées d’algorithmes d’apprentissage profond, permettent d’ajuster chaque document aux exigences des offres ciblées. Les candidats fictifs utilisent aussi des outils de suivi de candidature pour identifier les opportunités les plus accessibles, contourner les filtres automatiques et maximiser leurs chances de réussite. Plus inquiétant encore : certains facilitateurs publient eux-mêmes de fausses offres d’emploi, dans le seul but de comprendre les critères de sélection des recruteurs et de perfectionner leurs faux profils.
Les entretiens, étape souvent perçue comme décisive dans un processus de recrutement, ne constituent plus un frein pour ces acteurs malveillants. Grâce aux progrès du deepfake, un candidat peut aujourd’hui apparaître en visioconférence avec un visage généré par IA, synchronisé en temps réel avec une voix artificielle. Le tout est géré depuis les fermes de laptops, où plusieurs opérateurs se répartissent les tâches techniques et sociales, allant même jusqu’à interagir avec des collègues sur Slack ou GitHub pendant les heures de bureau.
En s’appuyant sur des plateformes RH factices, les espions nord-coréens retournent les algorithmes de recrutement contre les entreprises elles-mêmes.
Les conséquences sont multiples et préoccupantes. D’un point de vue économique, ces travailleurs infiltrés génèrent des devises étrangères — parfois plusieurs milliers de dollars par mois — qui échappent aux sanctions. À titre d’exemple, un développeur freelance employé sur des projets blockchain peut facturer entre 80 et 120 dollars de l’heure, soit environ 75 à 112 euros de l’heure. En travaillant simultanément sur plusieurs projets à distance, un seul individu peut engranger plus de 20 000 dollars (environ 18 700 euros) par mois. En réalité, ce n’est pas un individu, mais une équipe entière qui se partage les tâches et les revenus.
Sur le plan sécuritaire, ces intrusions fragilisent les systèmes d’information des entreprises. Même sans accès direct à des données sensibles, un faux collaborateur peut introduire des portes dérobées, siphonner des bases de données, ou compromettre l’intégrité des logiciels développés. Pour les entreprises visées, il devient alors presque impossible de retracer les actions malveillantes tant les identités ont été soigneusement élaborées.
Un défi pour les ressources humaines et la cybersécurité
Face à cette sophistication, les responsables RH et les équipes de cybersécurité se retrouvent démunis. Les procédures de vérification traditionnelles — entretiens, contrôles de références, tests techniques — ne suffisent plus. Certains experts recommandent désormais d’intégrer des audits réguliers des postes en télétravail, de renforcer la vérification biométrique ou de développer des systèmes d’authentification comportementale. Mais chaque avancée dans la détection semble aussitôt contournée par de nouveaux outils d’IA, toujours plus efficaces et difficilement traçables.
Paradoxalement, ce sont parfois les outils de sécurité eux-mêmes qui sont exploités à l’envers. En testant leurs faux profils contre des algorithmes de filtrage automatique, les agents nord-coréens affinent leur stratégie jusqu’à obtenir un taux de réussite optimal. Chaque échec devient une donnée d’apprentissage. Ce jeu du chat et de la souris algorithmique transforme les plateformes RH en véritables laboratoires de la désinformation.
Les États-Unis ne sont pas les seuls touchés. L’Europe, l’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient sont également ciblés. Des cas similaires ont été signalés en Allemagne, au Japon, et aux Émirats arabes unis, avec des modus operandi identiques. L’usage de VPN sophistiqués, l’obfuscation d’empreintes numériques et la segmentation géographique des connexions rendent l’attribution des faits extrêmement difficile. Les infrastructures de cloud sont utilisées pour dissimuler les mouvements de données et compartimenter les responsabilités.
Vers une militarisation numérique du télétravail
L’émergence des « Wagemoles », ces travailleurs clandestins manipulés par l’État nord-coréen, interroge la manière dont le monde du travail s’est transformé. Le télétravail, jadis perçu comme une libération des contraintes géographiques, devient une faille systémique. La promesse d’un recrutement mondial et diversifié se heurte à la réalité géopolitique : des régimes autoritaires exploitent les règles du jeu à leur avantage, tout en restant invisibles.
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Le terme « Wagemole », contraction de wage (salaire) et mole (taupe), évoque à la fois l’avidité financière et l’infiltration silencieuse. Il cristallise les dérives d’un monde numérique sans frontières, où la confiance repose sur des pixels et des métadonnées. Dans ce théâtre d’ombres, l’intelligence artificielle n’est plus seulement un outil, mais un personnage à part entière — parfois allié, parfois ennemi.
Si l’on ignore encore combien d’entreprises ont été infiltrées avec succès, les premières estimations font état de centaines d’opérations en cours, réparties sur tous les continents. Certaines sociétés, souvent des startups en pleine croissance, n’ont tout simplement pas les moyens de détecter de telles menaces. D’autres choisissent de garder le silence pour éviter les conséquences en termes d’image ou de responsabilité légale.
Dans un monde de plus en plus interconnecté, comment s’assurer que derrière l’écran se cache bien la personne que l’on croit embaucher ?
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